La récréation bat son plein à la cour de l'ANC. Les élèves, mauvais pour la plupart, n'en finissent pas, rivalisant de pitreries et de ruses. Ils s'esclaffent, gambadent, vocifèrent, pouffent, gloussent à longueur de journée. Ils jouent des coudes et des orteils pour amuser la galerie. Tout ça, aux grands frais de la princesse. Rares ceux qui astiquent leur fond de culotte sur les pupitres de la république. Encore plus rares ceux qui planchent sur la seule matière inscrite au programme. La grande salle de classe est désertée depuis un bail. Le tableau est noir, non seulement celui accroché au mur à l'arrière de l'estrade mais notamment celui brossé en guise de bilan de l'année scolaire. Le maître, grand manitou devant l'éternel, la moue faussement sourcilleuse et l'œil pétillant d'hypocrisie, donne l'impression d'enseigner à l'école buissonnière plutôt que donner des cours à une belle brochette de fines gâchettes de la nation. L'ANC est un cas d'école ! Le croustillant épisode d'arrachage de cahier, dont Amor Chetoui, président de la commission des pouvoirs exécutifs et législatifs et l'élue Ennahdha, Salha Ben Aïcha, ont offert une scène d'anthologie, n'est point une première dans les grotesques annales de l'ANC. Loin s'en faut. Les écarts, les égarements, les pirouettes et les sornettes prolifèrent. Les mauvais garnements, véritables idiots utiles, en vrais joyeux drilles, en font une belle ardoise, haute en couleurs. Les crayons n'en manquent pas ni même les tubes de gouache. Même les petits larcins et les crêpages de chignons n'étant pas en reste. Les cancres de la république adorent se donner en spectacle et continuer de jouer, sur les planches de la constituante, leur sempiternelle et non moins affligeante farce. Le public, aussi dépité qu'indigné, piaffe pour ne pas leur arracher leurs tabliers et les renvoyer à leurs chères études. Et c'est vraiment le cas de le dire ! ANC ou Ecole des cancres ?! La récréation ne risque pas de se terminer de sitôt ! Les élèves se chamaillent, braillent, sautillent, usent de la craie en tant que projectiles et les compas comme piques. Ils se font des accroche-pieds, des coups bas, se jettent sur la tête les équerres et les rapporteurs. Ils se déchirent à bras raccourcis, au vitriol, le verbe acide et la mine batailleuse. Un grand débat de chiffonniers ! Dans leurs cartables constitutionnels, il n'y a plus qu'un reste de casse-croute et les miettes de leur part de gâteau. Ils sont à l'ANC pour se goinfrer la panse jusqu'à l'indigestion et non pour travailler. Ils ont pris goût aux friandises, à l'œil, à la main et au palais. Constitution ? Tu rigoles, ce mot est une insulte dans les brumeuses salles de classe de l'ANC. Les cancres ont mis un point d'honneur à tout renvoyer aux calendes grecques, soucieux d'écrémer encore plus la tarte de la république et de sucer encore mieux la moelle de la nation. Une aubaine ! Gloutons et voraces, ils ne sont pas prêts à lâcher le morceau de gourmandise ni quitter les lampions de leur cour de récréation pour retrouver les replis obscurs de leur quotidien de naguère. A l'ANC, ils ont tout appris, sauf leurs leçons. Ils ont tout fait, excepté leurs devoirs. Ils ont tout avalé, même les pires couleuvres. Et ce n'est pas leur conscience ou leur sens de la responsabilité qui les étouffe mais la mie de leur gagne-pain. Pour en finir, deux perles d'à propos de Charles de Talleyrand : « Les lois, elles, on peut les violer sans qu'elles crient » ou bien encore « On connaît, dans les grandes cours, un autre moyen de se grandir: c'est de se courber« .