Qui qu'ils soient, les assassins qui rôdent parmi nous, et surtout ceux qui commanditent les assassinats, devraient, dorénavant y réfléchir à plus de deux fois avant de choisir leur prochaine cible. Ils devraient jeter leur dévolu sur un veuf, voire mieux, un célibataire, pour éviter d'avoir à affronter la rage et la rancune d'une veuve. Les deux précédents assassinats ont démontré à quel point il fallait compter avec la rage et le courage des veuves qu'ils ont créées. Les assassins ont pu découvrir à leurs dépends qu'il ne faudrait jamais sous estimer une tunisienne blessée dans sa chair, qui se métamorphose en une lionne outrée devenue ingérable, imprévisible et, surtout, capable de tout. Croyant pouvoir faire taire une voix devenue trop agaçante, ou faire disparaitre une figure devenue trop emblématique, les assassins se sont retrouvés avec des veuves qui se sont révélées, et de loin, plus tenaces, plus assourdissantes et plus intenables que leurs défunts. Au premier essai, ils ont tué Chokri Bélaïd et se sont retrouvés devant Besma Khalfaoui, stoïque, inébranlable, immense même dans son deuil et sa douleur. Il faut dire que Besma était inconnue, uniquement pour eux, eux qui ne connaissent rien de la Tunisie ni des tunisiens et encore moins des tunisiennes. Car Besma a de tout temps été une figure, une grande gueule, depuis les années de la faculté. Et ils ont dû subir sa colère, son acharnement et sa haine. Ils ne s'attendaient point à çà, et surtout pas à ce qu'elle exporte son malaise et le malaise de toute la Tunisie devant les instances internationales. Ils auraient réveillé un dragon endormi, que çà n'aurait pas été pire. La deuxième fois, ils s'en sont pris à Mohamed Brahmi. Et encore une fois, ils se sont retrouvé face à la gentille femme au foyer, calme et tranquille qu'était M'barka Brahmi, qui s'est métamorphosée en une tigresse toutes griffes dehors. M'barka a su, par sa grandeur d'âme, par son stoïcisme devant l'atrocité de son sort, forcer l'admiration et regrouper derrière elle toute une nation. La grandeur de cette dame, jusque là inconnue, n'avait d'égal que le comportement de la mère du défunt qui a débarqué, à l'occasion, de Sidi Bouzid digne et fière come ont toujours pu l'être les mères de ce bastion de la résistance. Rien qu'en ce froid dimanche de novembre, les assassins doivent avoir eu, curieusement chaud à voir les deux veuves Bélaïd et Brahmi rugir chacune de son côté, chacune devant son assistance pour témoigner de leur volonté et de leur entêtement à démasquer et trainer devant la justice les assassins de leurs défunts maris. Du coup, les assassins ne savent plus à quel saint se vouer, ni quel profil ils devraient cibler pour s'épargner de telles réactions. D'autant plus qu'ils ont, toujours, tout ignoré du fonctionnement des femmes à cause du fait qu'ils aient toujours intentionnellement cherché à ignorer la gente féminine, gente qui restera, malgré tout, le pire de leurs cauchemars, et qui se dressera au travers de leurs sombres desseins. Ils ne croyaient pas la femme capable de telles prises de tête, ils croyaient sérieusement que toutes les femmes collaient à l'image qu'ils s'en sont faite et qui est si bien incarnée par leurs sœurs d'apparat qui ruminent sous la coupole de l'ANC. Mais la chose qu'ils ne peuvent pas comprendre, c'est qu'ils auront toujours affaire à une veuve furibonde qui leur rendra la vie impossible. Ils auront bien tenté de tuer des célibataires sans femme, croyant ainsi échapper aux griffes d'une veuve, comme ils l'ont fait à Sidi Ali Ben Aoun. Ils ont eu la surprise de devoir affronter la colère d'une veuve beaucoup plus imposante et plus forte. Car ils ont du oublié qu'un agent des forces armées ou des forces de sécurité, quand il est célibataire, il est marié à la plus belle et la plus grande des femmes : La patrie Tunisie. Cette veuve qui a si bien su montrer sa colère et sortir ses griffes quand on lui a abattu son fiancé chéri, Socrate.