Pendant que le guide spirituel, Rached Ghannouchi, président du mouvement Ennahdha, dans le cadre de sa proposition pour les élections présidentielles, laisse la porte ouverte et ne soulève pas d'objection à la candidature consensuelle de Béji Caïd Essebsi (BCE), leader de Nidaa Tounes, les cadors du parti se répandent sur les plateaux et les chaines radios, pour éructer, à qui veut bien les entendre, que BCE n'a pas le profil pour vêtir la tunique d'un candidat de consensus. De leurs avis, le passé, la pensée et l'engagement (dixit qu'Abdellatif Mekki) de BCE ne militent pas en sa faveur. Allez comprendre ! Comme chaque fois qu'un dossier d'enjeu fait débat, Ennahdha se démarque par son double langage et la répartition des tâches entre ses grandes figures. Ils soufflent simultanément, dans une partition désormais bien huilée, le chaud et le froid. D'une part, Ennahdha lance l'idée d'un candidat de consensus, et d'autre part, il se réserve des zones de repli et des points de chute en cultivant l'ambigüité et en avançant à moitié masqué. Brouiller les cartes est élevé au rang de stratégie. Le consensus n'est plus une fin en soi mais un moyen de tirer sur la corde et de faire main basse. D'ailleurs, est-ce fortuit que ce jeu de cacophonie, devenu marque de fabrique et style de combat, soit bombardé sur la scène politique et médiatique après la décision de Nida Tounès de faire cavalier seul lors des prochaines échéances électorales ? La coïncidence est trop énorme pour être crédible. En politique, rien n'est gratuit, rien n'est chaste, rien n'est spontané, seul l'intérêt partisan prime, quitte à user et abuser de tous les coups tordus. L'offensive de charme que semble faire Rached Ghannouchi à l'égard de BCE laisse penser que le guide spirituel est conscient qu'aucun candidat, de son parti ou d'autres formations politiques, n'est en mesure de rivaliser avec BCE ou d'espérer, encore moins, lui damer les pions. Autant donner l'impression que l'intronisation de ce dernier est redevable à Ennahdha et sous sa coupe. Les yeux doux de Rached Ghannouchi est une porte entrouverte alors qu'aux fenêtres ses poulains récitent une tout autre gamme. En cas de déboires, la marche arrière et même la volte-face restent bien une issue de secours. En fait, Ennahdha est capable de toutes les acrobaties pour continuer à faire la pluie et le beau temps dans le champ politique tunisien. D'ailleurs, la proposition d'Ennahdha de mobiliser la classe politique derrière un seul candidat de consensus soulève nombre de commentaires : En conclusion, il faut reconnaitre que l'instrument de double langage a permis à Ennahdha de réussir quelques bons coups. Pourquoi s'en priver ? Pourquoi modifier un plan de communication qui a fait, par moments, ses preuves ? D'autant plus que l'opposition démocratique tunisienne reste rongée par la course au leadership, par la myopie tactique et par la rivalité d'ego.