Après le vote sur la composition du Bureau de l'Assemblée des Représentants du Peuple (ARP), un fuseau de déclarations plus ou moins contradictoires, a balayé le paysage médiatique et interpellé l'opinion publique. Un vrai flou artistique. Qui a voté pour qui ? Qu'en est-il des alliances constituées en coulisses? Nida Tounes (NT) et Mouvement Ennahdha (ME) ont-ils dégagé au préalable un deal ? Comment comprendre les tournures et les résultats ? Le palme de la confusion revient au Front Populaire(FP), à en juger par les réactions de quelques uns de ses leaders. D'une part, Riadh Ben Fadhel dévoile que 14 députés du FP présents à l'ARP ont tous voté pour le candidat de NT, Mohamed Ennaceur. Propos plutôt confirmé par le député FP, Monji Rahoui, pour qui l'élection de ce dernier au poste de président de l'ARP n'est pas le fruit d'un accord que NT et ME auraient scellé à l'avance, sinon la présidence aurait été accordée à ME. Pour sa part, et bien avant le scrutin, Zouhaier Maghzaoui a assuré qu'il n'est pas dans les intentions du FP d'appuyer aucune candidature présentée par NT ou ME. Allez comprendre quelque chose ? En tout cas, les chiffres ont la peau dure, ils sont là pour peut-être démêler l'écheveau et donner tout au moins un début d'éclairage sur la nature des éventuels arrangements. A en juger : D'abord, Mohamed Ennaceur ne peut gagner la présidence et obtenir 176 voix sur 214 membres de l'ARP présents et votants (soit plus de 82% du suffrage) sans le soutien, du moins en partie, des députés ME. Le nombre de bulletins blancs s'élevant à 34 en confirme l'hypothèse. En outre, il est à signaler qu'il manque seulement 38 voix pour que Mohamed Ennaceur assure l'unanimité absolue. Aussi convient-il de préciser que, par simple addition, l'ensemble (NT, UPL, FP, AT et Moubadara) a récolté 128 voix. D'où proviennent les 48 qui manquent ? Forcément du ME, sachant que les autres partis, ajoutés aux indépendants, n'ont glané en tout et pour tout que 28 sièges. Ensuite, Abdefatah Mourou ne peut rafler la première vice-présidence et arracher 166 voix sur 214 membres de l'ARP présents et votants (soit presque 73% du suffrage) sans le soutien, du moins en partie, des députés du NT et autres partis peut-être. D'autant plus que la candidate du FP, principal adversaire, n'en a obtenu que 33 voix (soit un peu plus de 14%). En inversant le calcul susvisé, il en ressort qu'Abdefatah Mourou a bel et bien bénéficié, dans une certaine mesure, des voix NT. Enfin, Faouzia Ben Fodha, de l'UPL, ne peut être élue à la deuxième vice-présidence et disposer de 150 voix sur 214 membres de l'ARP présents et votants (soit exactement 70% du suffrage) sans l'appui, du moins partiel, des députés de NT, voire du ME. Le même scénario que pour Abdefatah Mourou, la patte de NT est largement apparente. Une simple lecture de ces taux suggère qu'un compromis préalable aurait été dégagé entre NT, ME et l'UPL, soit les trois premières formations politiques au podium des élections législatives. Donc, et par simple déduction, le FP n'a pas fait partie de cette négociation sinon il aurait bataillé pour faire élire sa candidate ou tout au moins lui assurer un meilleur score. En serait-il écarté d'une façon ou d'une autre ? Par contre, il n'est pas exclu aussi que le FP ait décidé de refuser de s'associer aux tractations pour des considérations dont lui seul connait le mobile et qu'il ait laissé à ses élus la liberté de choisir leur camp. Cette thèse est d'autant plus envisageable au vu des déclarations incompatibles faites par quelques leaders du FP, ci-dessus mentionnées. Le cas échéant, une interrogation s'impose d'elle-même : Cette alliance NT/ME/UPL augure-t-elle d'une transaction en rapport avec le scrutin présidentiel ou la composition gouvernementale ?! Sur un autre plan, la balle étant partie et le ME ayant obtenu gain de cause pour le poste de vice-président, et connaissant le sempiternel double langage et l'approche à géométrie variable de ce parti, assisterait-on à un coup de pique du ME contre BCE aux présidentielles ?! La réponse fait défaut, du moins à ce stade, l'avenir le dira, mais la question mérite d'être posée ! Compte tenu de ce qui précède s'agissant des relations NT/FP, y a-t-il lieu de parler de première fausse note, voire même de pomme de discorde, entre ces deux formations ?! En tout cas, les faits, qui sont têtus, abondent dans ce sens. Sinon, il y a lieu de se demander parfois à quoi joue le FP ?! Il est temps qu'il quitte sa tunique d'éternel opposant et de prendre sa responsabilité et sa position. Pour que le tableau soit complété, un autre scénario, bien spontané, pourrait bien être invoqué : Il n'y aurait pas eu aucune consigne de vote autre que partisane (discipline interne oblige, cela va de soi), aucune alliance, les élus auraient voté, en leur âme et conscience, selon leur libre arbitre. Le résultat obtenu en est le pur et simple produit, sans extrapoler ou disséquer, même si la porte des interprétations et des appréciations reste grande ouverte.