La stratégie est bien rodée et le président sortant, Moncef Marzouki, veut clairement se poser en contre-pouvoir d'un système qui vise à mettre la révolution à genoux. Il a affirmé, sans ambages, qu'il serait « une force d'opposition » au gouvernement s'il venait à être élu. La cohérence dans la ligne de l'appareil exécutif qui s'apparenterait à une nécessité au vu des innombrables défis qui se posent à notre pays dans la prochaine phase ne relève plus qu'une monopolisation des pouvoirs aux yeux du président sortant. Qu'importe si la presse « libre » et la société civile sont aux aguets et si la constitution a fixé des dispositions qui puissent arrêter la tentation d'un abus du pouvoir. Comme une fuite en avant de son bilan dans les domaines qui sont les siens (sécurité, défense et diplomatie), le président sortant crie au retour progressif de la dictature et à la fraude si son concurrent venait à être élu. Ses lieutenants craignent un retour dans une prison qu'ils n'ont jamais foulé et s'indignent de voir leurs progénitures les perdre alors que d'autres enfants pleurent leurs pères, morts pour la liberté, chaque jour. A chaque nouveau tournant de la campagne électorale, le président sortant tire une nouvelle salve. Il accuse, désormais, des puissances étrangères et des forces occultes dont on ne saurait trop leur provenance de s'ingérer dans les élections présidentielles. Pourtant, les résultats du premier tour semblaient loin des cas de figure où l'on voyait un candidat écraser son adversaire et se faire élire dès le premier tour par un score soviétique frôlant les 100%. L'ISIE a maintenu le suspense et l'écart s'est avéré moins important que prévu. Qu'a cela ne tienne, le président n'en tient guère compte. Il s'est d'ores et déjà proclamé vainqueur. Bref, toute défaite de son camp équivaudra à une falsification des résultats, l'ingérence des puissances étrangères laisse craindre une hypothèse de trucage des élections et il ne s'imagine pas autrement que président de la République dans les cinq prochaines années. Par ces mises en gardes répétitives, le président sortant esquisse un scénario de contestation des résultats si les urnes venaient à le défaire ou déchoir de son trône et fait courir au pays un risque d'instabilité.