La noble dame n'en croyait pas ses yeux. Elle n'en revenait pas. Elle vient de se surprendre à se regarder dans le miroir, chose qu'elle a oublié de faire depuis quatre années, déjà. Elle s'est surprise à se regarder dans le miroir, mais elle s'est surtout, surprise à sourire. Que dis-je ? Ce n'est plus un sourire qu'elle affiche. C'est carrément un rire. Un rire éclatant. Un rire qui sort du fond de l'âme. Un rire semblable à un râle de soulagement, de délivrance. Elle n'en revient toujours pas la noble dame ! Elle a carrément oublié comment çà faisait d'être heureuse, de sourire et même de rire de bon cœur. Il faut dire qu'elle en a tellement enduré, la noble dame, qu'il y avait de quoi oublier tout çà. Mais voilà qu'elle semble retrouver vie. Elle semble renaitre de ses cendres, tel un phœnix sacré dont toutes les flammes du monde ne peuvent venir à bout. Mais au fait qu'est ce qui l'a prise, et quel vent de jouvence lui a insufflé ce souffle de vie ? se demandait la noble dame. Elle n'y comprend rien. Elle se rappelle juste qu'elle était en train de regarder la télévision ce matin, quand elle s'est sentie étranglée par les larmes. Des larmes bizarres, dont elle avait oublié le goût, des larmes de joie. Une joie indescriptible et dont elle ne trouve pas la cause. Elle était en train de regarder la télévision quand elle a eu cette sensation bizarre de sortir d'un cauchemar qui semblait sans fin, et d'ouvrir une autre page où rêver lui est, désormais, permis. Elle a, bizarrement, eu l'impression que son cauchemar grimpait dans une limousine, et partait à jamais, elle espérait, laissant place au rêve et à la bonhomie d'antan. Elle n'arrive, toujours, pas, notre noble dame à faire le lien entre ce qu'elle regardait à la télé, et le sentiment de bonheur qui l'envahissait. Toujours est-il qu'elle s'est redressée, telle une déesse sur son séant, elle s'est refait une beauté, elle s'est démêlé les cheveux, a mis son caftan des beaux jours, et sorti, belle comme le jour. Il ne faisait aucunement beau, en ce 31 décembre. Il faisait, même, un temps de chien. Pourtant, elle s'obstinait à penser que c'est le meilleur jour qu'elle ait vu depuis des années. Elle sortit de sa cache, et déambula dans les rues enneigées, sous une pluie battante. Elle semblait errer sans avoir de but précis. Mais elle savait où elle allait. D'un pas enthousiaste, d'une allure fière et d'un élan une vigueur de la jeunesse retrouvée, elle se dirigea vers le cimetière. Elle déblaya autour de quelques tombes, puis se recueilli entre elles, telle une poule avec autour d'elle ses œuf. Elle laissa filer ses larmes. De drôles de larmes mélangées. Elle déversait des larmes de tristesse mêlées de larmes de joie et de soulagement. Elle ne se cachait pas de pleurer de joie devant ces tombes. Car elle était heureuse. Heureuse de pouvoir, enfin, regarder les pierres tombales en face et leur dire, tout haut. « Dormez en paix mes enfants chéris. Dormez en paix, vous n'êtes pas partis pour rien. Dormez en paix, maintenant je sais que vous allez être vengés. Dors en paix, Socrate de mon cœur, Dors en paix toi et ton valeureux compagnon Imed Hizi. Dormez en paix, on ne vous oubliera jamais. Et bientôt, vous servez vengés, parole de mère. Parole de noble dame ».