Putsch, sédition interne, conspiration externe, implosion rampante, qu'est ce qu'on n'a pas dit sur la tempête qui secoue actuellement la maison Nida Tounes (NT). Le parti est certes sur le fil du rasoir. Péril en la demeure ? Nul doute que de gros risques pèsent et font courir de graves menaces sur son présent et son avenir. L'hétérogénéité politique et idéologique, le manque de maturité structurelle et de cohésion organisationnelle ont fini par remonter à la surface et précipité le désordre. NT est aujourd'hui à la croisée des chemins. Il joue gros. Il est fragilisé, à la grande satisfaction de certaines formations politiques, à droite comme à gauche. Il était prévisible que NT traverse une telle tornade. L'orage bruissait même avant le scrutin, rien qu'à en juger par la guerre de tranchées ayant marqué le processus de désignation des têtes de liste ou par la dissidence ou l'expulsion de certaines grandes figures. L'édifice craquait déjà de l'intérieur. Nombre d'observateurs ont vu venir la bourrasque. Trois principales raisons d'ordre essentiellement stratégique pourraient être avancées pour en expliquer les dessous et les enjeux. D'abord, dans la droite lignée de ce que nombreux ont craint, au sein de NT comme ailleurs, le départ à Carthage de son père fondateur et fédérateur a montré que BCE en était le ciment et le garant. Le parti n'a reposé que sur ses épaules. A peine il s'en est détaché, fonction de Chef d'Etat oblige, pour que NT en soit ébranlé et désarticulé. La nature a horreur du vide, comme dit l'adage. C'est encore pire en politique. La vacance a suscité les convoitises et les manœuvres. La guerre de succession a été aussitôt déclenchée. Et même si, pour parer au plus pressé, Mohamed Ennaceur a été désigné président par intérim, il n'en reste pas moins que les brèches n'ont pas été pour autant colmatées, dans lesquelles certains leaders ont, de toute évidence, cherché à s'engouffrer pour prendre les rênes du parti et la place de BCE. Ensuite, il est clair, et les faits en témoignent, que le report de son Congrès à une date postérieure aux élections était, pour NT, un piètre choix d'un point de vue stratégique. Il a fallu souder le parti et pérenniser son assise et son organisation avant le scrutin d'autant plus que la victoire de BCE aux présidentielles était pratiquement acquise. Dans ce cadre, BCE n'a nullement fait preuve de clairvoyance et n'a pas joué les bonnes cartes. La donne était donc faussée dès le départ. Au préalable, il a fallu articuler NT sur une base démocratique et conférer à ses structures et ses pilotes toutes les conditions de légitimité et d'unité avant de mener la bataille électorale. Enfin, et non des moindres, la volteface et le retournement de position de NT par rapport à son engagement électoral de ne pas associer Ennahdha à la coalition gouvernementale ont fait beaucoup de ravage à l'image, à la crédibilité et la force de NT. Même en son sein un vent de grogne, de récrimination et de panique a soufflé. Une bonne frange de sa base de sympathisants a considéré ce brusque changement de cap comme une trahison, un acte de mépris et de déloyauté. BCE a joué à fond la carte de « vote utile », diabolisant systématiquement Ennahdha, désigné comme premier adversaire sinon seul ennemi, et siphonnant et laminant d'autres partis de la même famille politique, avant de retourner sa veste et de se jeter dans les bras de ceux qu'il n'a cessé, durant la campagne électorale, de honnir et de s'en démarquer. Une pluie de bois vert est tombée sur NT, en particulier sur BCE. Le revirement a été traumatisant pour beaucoup. En conclusion, NT a fait preuve d'une myopie stratégique criarde et d'une capacité ahurissante de changer de peau et de discours en un temps record. Il n'a pas fini de payer son égarement. Les évènements actuels le prouvent. Terrible retour de manivelle !