Le ministère de la Santé publique a refusé des demandes pour le lancement d'une activité privée complémentaire (APC) à 19 professeurs agrégés de médecine dont les dossiers remplissent toutes les conditions nécessaires pour ce faire. Une décision considérée comme étant un “antalgique” qui calmerait les maux du corps de la santé dans notre pays, sans pour autant les résoudre à la source. Une réunion s'est tenue avant-hier au ministère de la Santé publique pour expliquer les motifs du rejet des demandes de pratique de l'APC. Se prononçant sur ce sujet, le Directeur général de la santé, Mohamed Salah Ben Ammar a invoqué le fait que l'APC demeure un sujet épineux. Refuser ces dossiers pour l'heure, ce serait retirer une épine du pied à certains médecins ayant pignon sur rue qui considèrent que l'APC a des retombées négatives sur leur pratique. D'autant plus que les conditions socio-économiques du pays ne s'y prêtent pas. Toujours selon Ben Ammar, des médecins de libre pratique du côté de Sfax ont été considérablement touchés par la guerre en Libye qui a fait chuter leurs recettes. Les patients Libyens ne se rendent plus, en effet, en Tunisie pour se faire examiner. Délivrer des autorisations pour la pratique d'une activité privée complémentaire à des hospitalo-universitaires serait, ainsi, porter préjudice à ces médecins dont l'activité privée est la seule source de revenu. Des dépassements à dénoncer Qu'en est-il de l'APC, aujourd'hui ? Il s'agit, en fait, d'une autorisation et non pas d'un droit que le ministère de tutelle accorde. L'APC permet aux professeurs agrégés relevant du secteur public et aux médecins spécialistes de la Santé publique qui exercent dans les zones d'ombre d'avoir une activité privée complémentaire dans des cabinets ou des cliniques privées selon un quota hebdomadaire bien déterminé. Il va sans dire, que ce quota est largement dépassé par quelques médecins qui contreviennent aux règles en vigueur. Sans oublier que l'APC se pratique aussi par des médecins non-autorisés à le faire, chose qui constitue une forme de concurrence déloyale et déshonore le secteur de la santé. Cela porte préjudice également aux hospitalo-universitaires ayant pratiqué pendant cinq ans dans le secteur public et souhaitant avoir une activité privée complémentaire. Résoudre le problème à la source « Il faut aborder le problème de l'APC dans sa globalité. Les véritables maux qui gangrènent le secteur de la santé n'ont pas été, jusque-là, atténués. Il faut attaquer le mal à sa racine et non pas accuser de tous les maux l'APC et en priver ceux qui la méritent. » confie Ramzi Bouzidi, professeur agrégé à l'hôpital Charles Nicolle qui continue « Le secteur médical est un corps malade. Il souffre d'un déséquilibre flagrant entre les régions. Il y a aussi un déséquilibre entre le secteur privé et public au niveau de la rapidité des prestations, de la prise en charge des patients et de la performance des équipements. Du point de vue matériel, on sait parfaitement qu'un médecin de libre pratique gagne mieux sa vie qu'un autre dans le secteur public. Les défaillances du secteur public sont, tant bien que mal, corrigées par la compétence des hospitalo-universitaires qui forment les jeunes médecins. Mais il y a lieu de remarquer, non sans amertume, qu'un hospitalo-universitaire touche un salaire que ses anciens élèves installés dans le privé, peuvent gagner en moyenne, en une semaine de travail. Il y a beaucoup d'injustices et d'erreurs du passé à corriger» Notre interlocuteur n'est pas le seul, en fait, à avoir relevé ces malaises du secteur médical dans notre pays. Selon bon nombre de praticiens, ce refus intempestif des dossiers ne fera qu'aggraver le mal, qui ne sera pas atténué sous peu. On le sait tous ou presque : aux grands maux, il faut envisager les grands remèdes.