La grippe aviaire a frappé en Tunisie. Il ne s'agit point de souffler un vent de panique sur le pays et les citoyens, mais ceux-ci sont en droit de savoir ce qui se passe chez eux, et ce qu'ils doivent prendre comme précautions pour se prémunir contre un tel fléau. Le mot a, en effet, été lancé, à la sauvette, un soir de weekend, histoire de pouvoir prétendre qu'on avait dit, et qu'on n'avait pas caché l'information aux tunisiens. Un mot qui en dit long sur l'estime avec laquelle le ministère de l'agriculture compose avec les tunisiens. Une petite ligne sous forme de communiqué, annonçant que « suite à une surmortalité constatée dans les rangs des oiseaux migrateurs de passage par la réserve de l'Ichkeul, des analyses ont été pratiquées, et qui ont conclu à l'atteinte d'un seul volatile par le virus de la grippe aviaire. Et que les autorités ont « fermé » la réserve... », et clos le dossier par la même occasion !!! Comme çà... fermé ! Comme si la réserve d'Ichkeul n'était qu'une vulgaire armoire à balais qu'on ferme comme çà, d'un tour de clef ! Mais pour qui nous prend-on ? Comment peut-on boucler, comme çà, en un rien, une réserve qui couvre des milliers d'hectares et dans laquelle vivent des milliers de personnes ? Et puis qu'en est-il des résultats des autres oiseaux morts dans la réserve ? On a bien parlé, au début, de surmortalité ! Alors, s'il n'y a qu'un seul oiseau qui était infecté, qu'en est-il des autres ? De quoi sont ils morts ? Qu'on ne nous dise, surtout, pas qu'ils ont crevé de chagrin pour la perte de leur compagnon de route, ou par solidarité avec lui !!! Et puis, c'est quoi toutes ces histoires de saisie de milliers de volailles malades qu'un éleveur tentait d'écouler sur les marchés du Kef et qui ont été abattues, à la va vite, sans qu'on sache de quoi elles étaient malades ? De même que les centaines et milliers de poulets rôtis et gardés au frais dans la région de Sfax, en attendant, peut-être de les fourguer à un quelconque foyer universitaire ou autre internat ou caserne ? Pourquoi le type était-il à ce point pressé de les rôtir sans avoir la moindre idée de comment, ni à qui, il allait les vendre ? Autre lieu, autre énigme : Par quel miracle est-ce que des grades surfaces à Tunis peuvent se permettre d'après ce qu'on a entendu dire, de proposer des poulets rôtis à quatre dinars la pièce, le lendemain des fêtes, alors que tout le monde sait que des éleveurs sensés ne peuvent en aucun cas les vendre à des prix pareils qui ne remboursent même pas une partie des frais de l'élevage ? Et, d'un autre côté, qu'est ce qu'ils ont à s'affoler de la sorte, les éleveurs et transporteurs de volailles vivantes, au point de manifester bruyamment, ce mercredi à l'entrée sud de la capitale, pour revendiquer le droit d'écouler de façon urgente leur « marchandise » ? En conclusion, il y a anguille sous roche. Et le ministre de l'agriculture devrait pouvoir se libérer de la pression des lobbies des éleveurs et des patrons de l'agroalimentaire et notamment de l'hyperpuissant groupement des professionnels de l'industrie aviaire, qui ne laisseront certainement pas ses conseillers et ses directeurs lui dicter la conduite à tenir pour faire face à cette menace, de peur de voir leur cheptel décimé et soumis à des mesures de restriction voire d'abattage. Et comme le ministre Samir Taïeb est novice dans le domaine, il n'y aurait aucune honte de faire appel à des experts indépendants qui se feraient un plaisir de lui dire ce qu'il a à faire dans ces conditions. A commencer par la suspension immédiate de la saison de chasse. Car il n'y a pas plus pourvoyeur d'atteintes humaines par la grippe aviaire que la chasse au cours de laquelle, l'homme est appelé à manipuler de très près des oiseaux potentiellement malades, sans aucune protection ni précaution. Monsieur le ministre devrait savoir qu'il est séant de dire la vérité aux tunisiens et qu'il est tenu de préserver leur santé avant les intérêts de quelques éleveurs nantis. Et puis la vérité ne pourrait pas faire tant de mal, puisqu'à ce qu'on sache, la maladie n'est pas transmissible à l'homme qui ingère de la volaille, même si elle est infectée ! Donc une bonne information en toute transparence ne pourrait pas faire de mal, du moins, pas autant que la non-information !