Annoncé pour après l'Aïd, le remaniement ministériel tant attendu risque de décevoir de nombreux Tunisiens qui ont placé dans le renouvellement de l'équipe gouvernemental tous leurs espoirs de voir le pays sortir de la léthargie économique et politique dans laquelle il est plongé ces derniers mois. Devenu une nécessité avec le départ du ministre du Développement et de l'Investissement, Fadhel Abdelkefi, le remaniement ministériel a suscité dés le début un engouement des différents partis politiques qui cherchent à engranger des postes et à sauvegarder leur position au sein du gouvernement. C'est pourquoi, ils ont aussi commencé à faire des listes de ministrables dans une tentative d'imposer le système des quotas. Les tractations préliminaires ont occasionné des soubresauts entre les principaux partenaires de la coalition gouvernementale, à savoir Nidaa Tounes et le parti Ennahdha. Les tensions ont été si vives et les pressions si directes sur le chef du gouvernement Youssef Chahed qu'il a préféré obtempérer et surseoir à l'annonce de la composition du remaniement ministériel, jusqu'à l'après Aïd. Une manière de poursuivre en coulisse les pourparlers sur les noms et postes à attribuer, estiment les analystes qui affirment que les marchandages se font âprement sur la composition du futur gouvernement. Les exigences de Nidaa Tounes Nidaa Tounes qui se sent lésé dans la composition actuelle du gouvernement a, à maintes fois, manifesté son intention de revendiquer une plus importante place au sein du gouvernement en vertu de la légitimité qui lui ont octroyé les urnes lors des élections de 2014, le plaçant comme premier parti politique du pays. Dans un poste publié ce lundi 28 août 2017, le directeur exécutif de Nidaa Tounes, Hafedh Caïd Essebsi, s'est insurgé contre ceux qui critiquent les intentions de son parti de revendiquer un plus grand nombre et hauts postes ministériels. Hafedh Essebsi, s'en est également pris à ceux qui réclament un gouvernement de technocrates, affirmant que le technocrate doit être au service du politique et non le contraire. "En vertu de cette logique le prochain gouvernement doit être par excellence politique, nous en avons marre des récits sur les gouvernements des compétences ", a écrit le directeur exécutif de Nidaa Tounes sur sa page facebook, précisant que "c'est le politique qui détient les conceptions politiques et pour les réaliser, il a besoin des compétences et non le contraire. Il est déraisonnable que le technicien se transforme en ministre, puis soit guidé et orienté par le politique. Comme le disent toutes les théories et expériences, le pouvoir est une question politique plutôt qu'une question administrative technique. Les technocrates sont un outil politique au sein du gouvernement et non le contraire, et de ce fait on doit revenir à l'original +le gouvernement politique+... ". Hafedh Essebsi a, à ce sujet, souligné que "Nidaa Tounes doit être le parti le plus représenté cette fois, contrairement aux gouvernements précédents, car il est devenu clair pour nous que le discours sur le gouvernement des compétences ou gouvernement des indépendants, sont des paroles fausses dont l'objectif est d'éloigner le parti de Nidaa du cercle de la décision et un coup d'Etat contre le choix populaire que reflète les résultats des élections de 2014 ". C'est limpide pour Nidaa Tounes qui vise cette fois-ci à faire le plein des postes ministériels. La discrétion d'Ennahdha Ennahdha, l'autre principal partenaire au sein du gouvernement, œuvre en douceur et discrétion à augmenter sinon maintenir le niveau actuel de représentation au sein du gouvernement de Youssef Chahed. En effet, ayant décroché la part du lion avec des super ministères dont celui de l'Industrie et du Commerce occupé par son secrétaire général, Ziad Ladhari, et autres ministères dont la Formation professionnelle et de l'Emploi détenu par Imed Hammami, Ennahdha lorgne du côté du ministère de l'Education. Ces revendications des deux principaux piliers de l'alliance au gouvernement sont de nature à augmenter la pression sur le chef de gouvernement et ne pas lui laisser l'initiative de mener à termes ce remaniement selon les critères et les priorités qu'il aura jugées pertinentes. L'entrée en Ligne de l'UGTT Pour couronner le tout, l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) s'est invitée en énonçant ses critères pour un remaniement et en particulier pour le choix des ministres. Noureddine Taboubi, secrétaire général de l'UGTT, a souligné le soutien au remaniement ministériel à venir, affirmant que c'est une nécessité qu'exige la phase que traverse le pays en ce moment. Il a rappelé que la centrale syndicale avait appelé plus tôt à la nécessité d'un remaniement ministériel en profondeur. "Le rendement du gouvernement de Chahed était positif en partie, mais certains des ministères se sont avérées incompétents et n'ont pas eu la capacité d'accomplir ce qui est attendu d'eux ", a-t-il dit, affirmant que "sans vouloir citer de noms, l'étape nécessite le recours aux compétences nationales efficientes ayant l'esprit nationaliste et la capacité de défi ainsi qu'une connaissance des préoccupations des Tunisiens afin qu'ils puissent faire face à toutes les questions brûlantes soulevées". Taboubi a également appelé les partis politiques à mettre fin à la politique de quotas et à se concentrer sur la législation, notamment en ce qui concerne l'administration et la promotion des investissements. Ainsi , la marge de manœuvre de Youssef Chahed est réduite, face aux exigences des uns et des autres sans oublier , le parti Afek Tounes qui a certainement sa conception du prochain gouvernement et ses visées sur certains postes ministériels. On s'achemine sans doute vers un gouvernement politique fondée sur le système de quota des partis politiques qui détiennent la clef de son adoption à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP).