L'objectif de contribution des TIC au PIB a toujours été une ambition clairement affichée par la Tunisie. Même si les chiffres font toujours débat, officiellement le poids des TIC dans le PIB ne cesse d'augmenter : de 1,5% en 1996 à 3,9% en 2001, 8% en 2008 et 13,5% en 2011 selon le Ministère des TIC. Par ailleurs, l'APII note que notre stratégie nationale prévoyait de porter cette contribution jusqu'à 20% en 2016 ! Cependant, si l'on regarde de plus près, et en prenant l'exemple des télécommunications comme l'un des secteurs les plus représentatifs des TIC on constate que la réalité est autre. En effet, la contribution du secteur des télécommunications n'a fait que baisser depuis 5 ans : de 3,8% en 2012 à 3,1% en 2016, selon les derniers chiffres de l'INT pour les revenus et de la BCT pour le PIB. On est donc loin d'une croissance exponentielle. Toujours selon le dernier rapport de l'INT, les tendances du secteur ne sont pas roses : certes, les investissements augmentent chez tous les opérateurs (+63% en 2016), mais leurs revenus augmentent 10 fois moins (+6,2%) et le nombre d'abonnements est en baisse (-2,1%). Un examen plus détaillé montre que l'augmentation des revenus masque une chute de la consommation dans le marché de masse en particulier le segment des communications voix mobile (-11,5%). Sans surprise, seul le marché de la data mobile tire clairement son épingle du jeu avec des taux de croissance allant de 10% pour Tunisie Telecom à plus de 40% pour ORANGE et 50% pour OOREDOO. En forte croissance (16% en 2016 contre 12,6% en 2015), le poids de ce segment reste encore insuffisant pour compenser la baisse du marché de la voix. Cette situation se traduit par une baisse générale de l'ARPU (revenu moyen par utilisateur) et de l'EBITDA (revenus – dépenses, excluant les taxes, intérêts, amortissements et dépréciations) depuis 2012. Ce dernier indicateur financier clé reflète aussi une certaine difficulté à compresser les coûts dont le taux de croissance ne devrait pas être supérieur à celui des revenus. Source : INT Toutes ces tendances ne sont pas confidentielles, elles sont confirmées et expliquées dans les rapports financiers publiés par les opérateurs (voir le dernier rapport annuel du Groupe OOREDOO, Avril 2017, détaillant les performances de chaque filiale, ou le dernier rapport semestriel du Groupe ORANGE paru le 27/07/2017 indiquant les performances de ses filiales de la région MENA). Comme tous les opérateurs, Tunisie Telecom n'est pas en reste, et connaît également la même tendance, aggravée par ses contraintes spécifiques inhérentes à son statut d'opérateur historique. Comment expliquer ces résultats ? Au-delà de l'impact du ralentissement économique de la Tunisie depuis 2011, parmi les facteurs internes au secteur, on peut citer : le laissez faire du régulateur, la guerre des prix que se livrent les opérateurs à coup de bonus extravagants, la baisse naturelle de la consommation de la voix et des SMS au profit de la data, la concurrence de la VoIP, les difficultés à monétiser la data (avec des prix trop bas par rapport aux investissements et comparés à d'autres pays) et les nouveaux SVA. La grande question est de savoir si les opérateurs sont prêts à remettre en cause leur organisation, leur stratégie et leur business model face notamment aux défis de la transformation digitale, afin de répondre aux changements rapides et profonds des comportements et des besoins des clients tunisiens. Au niveau macro-économique, notons que les retombées tant attendues des grands projets d'investissements portés par l'Etat, à l'instar de Smart Tunisia ou de Tunisie Numérique 2020, n'ont pas été à la hauteur des espoirs urgents des professionnels du secteur en particulier les TPE et les PME qui sont nombreuses à souffrir pour survivre dans un contexte de plus en plus difficile. Pour finir sur une note positive, un évènement majeur est passé quasiment inaperçu cette semaine : la tenue d'un Infoday au Technopark Elgazala le 27/09 sur les projets TIC dans le programme H2020 qui représente un financement de près de 80 Milliards d'euros, le plus gros budget jamais lancé par l'UE dans le domaine de la recherche et de l'innovation. Avec des thématiques prioritaires très pointues (NGI, 5G, cybersécurité, cloud, big data...), autant de domaines porteurs dans les TIC ouverts aux chercheurs et entrepreneurs tunisiens. Et comme l'a noté Claire Ferté, coordinatrice BUSINESS FRANCE du réseau PCN-TIC du programme H2020, dans sa présentation, la Tunisie, avec son potentiel et désormais son statut de pays associé, est bien placée pour pouvoir bénéficier de ces opportunités. Encore faut-il être prêt ? Ahmed El Gazzah Expert international TIC * * * * * * * * * * * * * *