Le drame du naufrage du bateau des immigrants clandestins plane sur les régions du Sud-est, d'où sont originaires la plupart des infortunés qui y ont embarqué. Le nombre des survivants est réduit et les cadavres étaient jusqu'à ce matin acheminés vers leurs familles tandis qu'un grand nombre d'entre ceux qui étaient à bord du bateau sont toujours portés disparus. Dans le cadre du suivi de cet accident épouvantable, Tunisienumérique a cherché à rapporter une part de la vérité de ce qui est arrivé depuis le début de ce voyage fatidique, où notre correspondant à Medenine a rencontré des survivants qui ont confirmé que le bateau portait le double de sa capacité sans que les organisateurs prennent la moindre précaution concernant la sécurité des passagers. L'un des survivants, Akram El Mahdhaoui, habitant Route de Béni Guedech au centre-ville de Medenine est encore sous le choc. Sa mère nous a accueillis et informés que son fils lui a raconté en peu de phases la tragédie. Il a dit qu'il a été transféré à Sfax dans un foyer connu sous le nom de "l'Agence", souvent fréquenté par les clandestins à cause de ses prix bas, avant d'aller à Kerkennah. A "l'Agence" Akram a trouvé un grand nombre des personnes qui l'ont accompagnées dans le voyage de la mort. Ils sont restés là jusqu'à samedi dernier, jour du départ où rendez-vous était pris à l'heure de la rupture du jeûne devant une épave. Là, les organisateurs ont perçu des sommes d'argent de chacun d'entre eux. Akram qui n'avait pas caché sa décision de migration à ses parents et qui les a même forcés à l'accepter, a confié à sa mère qu'il ne pouvait pas se souvenir de toute l'horreur vécue. Il s'était trouvé à bord d'un bateau avec 180 migrants. Sous l'énorme charge, l'embarcation a commencé à se craqueler peu de temps après son départ. C'est alors que le skipper a décidé de se débarrasser de certains d'entre ceux qui étaient à bord. Il a explicitement et dangereusement fait tanguer le bateau jusqu'au désastre. Un deuxième survivant de Médenine, a demandé l'anonymat et a confirmé le récit d'Akram, ajoutant que le capitaine les a informés avec sang-froid de la surcharge de la cargaison et qu'ils devaient se débarrasser de quelques personnes lorsque le bateau se balancera, mais personne n'a obéi, selon ses dires. Il a ajouté que quand le bateau est parti, il ne portait pas un grand nombre de passagers, mais une fois en mer, d'autres migrants ont afflué, portant le total à 180 personnes, un chiffre fatal pour une embarcation dont la capacité ne doit pas dépasser 90 personnes. Il a indiqué que les organisateurs, impliqués dans le commerce des vies humaines, savaient pertinemment qu'ils faisaient courir un danger mortel aux passagers. Notre interlocuteur a continué son récit disant que devant leur refus d'obtempérer aux ordres du capitaine auquel ils ont demandé d'arrêter le balancement du bateau, le menaçant d'alerter les sécuritaires, chose qui fut aussitôt faite, le capitaine a fait en sorte de renverser l'embarcation puis de sauter à la mer avec ses deux complices. Des cris perçants et des gémissements remplirent l'endroit. La majorité des passagers étaient dispersés dans l'eau, la plupart ne savaient pas nager, quelques-uns avaient réussi à s'accrocher au bateau renversé encore à flot. Notre interlocuteur dit ne devoir sa survie qu'à sa maîtrise de la nage. Il a avancé ainsi jusqu'à la plage. A l'aube et grâce à la lumière matinale, des ouvriers d'une entreprise pétrolière l'ont secouru et réchauffé. Après le spectacle des gens en train de se noyer, le plus atroce dans l'esprit de notre orateur, est qu'en se dirigeant vers une lumière qu'il pensait venue de la terre ferme, il découvrit qu'il s'agissait de deux petites barques déjà sur les lieux, venues transborder le capitaine et ses complices sans se soucier du sauvetage des personnes tombées à la mer. Notre interlocuteur a exigé un châtiment exemplaire pour venger les âmes prises au cours de ce voyage de la mort. De jeunes vies qui avaient l'intention de quitter le pays à la recherche d'un avenir meilleur. Leur meurtre est intentionnel, perpétré par des criminels qui négocient la vie des gens, selon lui. Mohamed est un troisième rescapé, originaire de Tataouine, il a dit dans son récit qu'il était parti avec ses cousins à Sfax mais qu'ils ont été empêchés de passer sur l'île de Kerkennah parce qu'ils habitaient Tataouine. Néanmoins, il a réussi la nuit suivante à rallier Kerkennah où il a été reçu par une personne qui l'a emmenée dans une maison où se trouvait un certain nombre de clandestins. Il est resté là trois nuits avant que ses cousins ne le rejoignent la dernière soirée avant le rendez-vous fatal. Selon Mohamad, le jour du voyage, un peu avant la rupture du jeûne un camion de transport le poissons est arrivé. On leur a demandé de monter après s'être acquittés de sommes variables d'argent en contrepartie de leur transfert en Italie. Puis on leur a demandé de fermer leurs téléphones portables. Vingt cinq personnes sont montées dans le véhicule fermé pour se retrouver peu de temps après sur la plage où ils ont trouvé un petit barque qui les a transférés sur un bateau plus grand qui les attendait en mer. Leur barque n'était pas la seule, plusieurs autres affluaient, portant le total des passagers à 180, un nombre impossible à transporter. Mais les organisateurs du voyage ont profité de l'obscurité pour les déplacer délibérément, par petits groupes, afin qu'ils ne s'aperçoivent pas que le bateau était saturé. Mohamad a confirmé que les organisateurs avaient l'intention de se débarrasser d'eux en mer, depuis le commencement de l'opération. Deux heures et demie après l'embarquement, le capitaine a fait pivoter exagérément, puis incliner à droite à gauche le bateau, l'amenant à se renverser. Il a souligné que le capitaine portait un gilet de sauvetage et qu'il a sauté du bateau pour se sauver.