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Plongée dans le milieu des « Harragas »
Enquête — Migration clandestine
Publié dans La Presse de Tunisie le 18 - 02 - 2011

Le phénomène de la migration clandestine n'est pas nouveau. Il existait bien avant la chute de Ben Ali, et plus exactement depuis 1992. Quelques émigrés passaient par la Libye, mais depuis peu de temps, les jeunes préfèrent partir directement de Zarzis, et les flux n'ont cessé de s'amplifier. Avant, l'opération se déroulait dans la discrétion la plus absolue. Le passeur préparait en secret le départ illégal d'un groupe de clandestins pour la somme de 1.000 dinars par personne.
Dernièrement, le phénomène a pris une autre tournure et les «cargaisons» se font au vu et au su de tout le monde. Les raisons évoquées par plusieurs familles à Zarzis sont les suivantes:
— L'obsession du rêve européen et l'envie de rejoindre un proche parent.
— L'absence totale des agents de sécurité et des douaniers.
— Le chômage, malgré les richesses de la région et les diplômes obtenus.
— Le prix de la place qui est de 1.000 dinars, alors que par le passé, les dépenses atteignaient 1.300 dinars, sans pouvoir obtenir un visa.
— Le beau temps qui favorise également le départ en mer.
— Et, enfin, le bon accueil des Italiens qui n'ont rapatrié personne jusqu'à présent.
En plus, la première embarcation qui avait accosté sur l'île de Lampedusa, le 30 janvier, ayant à son bord 62 jeunes, ainsi que les bonnes nouvelles qui sont parvenues des proches de ces premiers migrants, n'ont pas laissé les citoyens de Zarzis indifférents. Tout le monde est galvanisé depuis. Et l'exode massif a commencé pour de bon. La majorité des jeunes voulait partir à tout prix.
«La situation économique difficile et le manque d'emploi en Tunisie, ainsi que l'espoir d'une vie meilleure, m'ont donné le courage d'envoyer mon fils en Europe», nous dit Jamel, un expert en mécanique.
«Je m'immole par le feu ou je me pends si vous ne me donnez pas 2000D pour partir comme mes cousins et mes amis du quartier, nous a prévenus mon fils», ajoute Mansour, un cafetier, avant de poursuivre : «J'ai obtempéré et j'ai emprunté cette somme auprès de notre voisin. Il est en France, maintenant, chez son oncle».
«Personnellement, je vous assure que je n'étais pas au courant du départ de mon fils. Je lui ai acheté un scooter récemment; il l'a vendu et il est parti. Je l'ai appris quand il a téléphoné d'Italie», nous apprend Ahmed, un hôtelier.
Le jeune Béchir, interrogé par un journaliste de Rai Uno, a répondu spontanément: «Ben Ali et sa famille nous ont volé notre argent et l'ont placé dans vos banques. On n'a plus de quoi monter des projets en Tunisie. Rendez-nous notre argent ou laissez-nous travailler chez vous».
Cela n'empêche que d'autres jeunes ne partagent pas les mêmes avis, comme Mohamed Ali, diplômé en cuisine et sans emploi. «Le jeu n'en vaut pas la chandelle, tellement le risque est grand. Et puis, vous les avez vus à la télé, parqués dans un centre de rétention comme du bétail. Je préfère rester ici et garder ma dignité», déclare-t-il.
L'avocat Fethi Jomaâ voit le sujet sous un autre angle: «J'impute la responsabilité aux passeurs malhonnêtes. L'obsession du rêve européen a toujours existé dans l'esprit de nos jeunes, mais les prédateurs qui ont organisé ces voyages très risqués étaient d'une dévorante cupidité et en ont profité pleinement pour ramasser des centaines de millions, sans donner de garantie. Et les jeunes dont nous sommes fiers ont fini par céder à leurs tentations et ont fui leur propre révolution. C'est invraisemblable !», commente-t-il.
Pour sa part, Wissem Ben Chouikha est encore sous le choc. «Dieu merci, nous dit-il, j'ai eu de la chance parce que je sais nager et je l'ai échappé belle lorsque notre embarcation s'est brisée en deux, au moment de la collision, mais je n'ai pas abdiqué».
Pratiques mafieuses
Sitôt les premières «cargaisons» arrivées sur l'île italienne, des groupes d'organisateurs ont vu le jour à Zarzis. Deux Kerkenniens et 5 Zarzissiens, connus de tous, se sont vite débrouillés pour avoir des embarcations de fortune de toutes sortes, des chalutiers, des thoniers, des rafiots, des esquifs et des barges achetés de Zarzis, Zarat, Chebba, Gabès et Kerkennah…
Si le prix de la place varie entre 2.000 et 2.500 dinars, cela devrait rapporter, et chaque voyage permet à l'organisateur d'empocher un minimum de 120.000 dinars et un maximum de 600.000 dinars. Dans ce contexte, Abdelwaheb nous dit : «J'ai un bateau qui vaut 60 mille dinars. Je l'ai vendu pour 100 mille dinars plus l'embarquement gratuit de mon fils, mon neveu et ma belle-sœur». Quant à Ali M'Sabak qui n'est pas pour cette migration illégale, «il y a environ un million de gargoulettes pour la pêche aux poulpes, délaissées au fond de la mer. Qui va les ramasser ? Il n'y a plus de bateaux ni de marins-pêcheurs».
Ces organisateurs ont mis en place des réseaux qui assurent la logistique. Il y a l'intermédiaire qui enregistre les jeunes infortunés et il perçoit 100 DT par personne. Le marin - passeur touche 10 mille dinars par voyage. La barque qui emmène les partants au bateau reçoit sa part. La maison où on rassemble les harragas jusqu'à l'heure du départ, généralement le soir ou à l'aube, est également louée pour une somme d'argent.
Les embarcations de fortune ont appareillé de tous les ports de pêche de Zarzis : Rsiffet, Hassi Jerbi, Ras Marmour, El Ogla, Bennana, Plage Sonia, le port de pêche de la ville, Lemsa et Jdéria, presque toujours le soir.
Les migrants sont de toutes les couches sociales et de tous les âges : des familles entières, des parents qui ont laissé leurs enfants, des étudiants, des élèves, des diplômés, des joueurs professionnels, des femmes, des filles… Pour se procurer la somme d'argent qu'il faut, plusieurs familles ont été obligées de vendre quelques pièces d'or à petit prix, leur bétail, d'autres biens. «Une veuve qui habite près de chez moi a cautionné sa maison pour permettre à ses deux enfants de partir et mon cousin a vendu un ordinateur portable pour 200 D», nous apprend Slah.
Incidents
Les migrants qui ont quitté Zarzis sont nombreux. Personne ne connaît le nombre exact mais cela dépasse les 3.500 personnes. Jusqu'au 16 février, 3 incidents ont été enregistrés : un chalutier ayant à son bord 300 personnes a été intercepté au large de Sfax par l'Armée nationale. Il a été rapatrié parce que l'embarcation est volée.
Une petite barque chargée de 12 jeunes qu'elle devait emmener au bateau de fortune a chaviré. Deux jeunes ont péri noyés.
Et enfin, une troisième embarcation a été brisée en deux, suite à une forte collision avec une vedette. Trente jeunes environ se sont noyés,ont été repêchés ou portés disparus. Leurs familles sont toujours en deuil et attendent leurs dépouilles, comme Med Zaïr, Abdallah Belhiba, Slah M'kacher, Achraf Ghazel, Hamdi M'barik, Sabeur Boujneh, Mokhtar Zran, Atef Khattali…
A présent, les militaires patrouillent partout et les trafiquants se font plus discrets.


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