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Par Moez Labidi – L'économie tunisienne : Peut-on réformer une économie déformée?
Publié dans Tunisie Numérique le 09 - 02 - 2021

La Tunisie pâtit, depuis plusieurs années, d'une croissance potentielle en berne, parmi les plus faibles de la région. La Covid-19 frappe au cœur de l'économie tunisienne et creuse davantage les déséquilibres macroéconomiques. Encore une fois, les autorités tunisiennes ratent l'occasion d'instrumentaliser la crise sanitaire pour s'inscrire dans une véritable dynamique de réforme. La montée de la surenchère revendicative et les reculades des autorités ont ouvert la porte à des dérapages budgétaires alimentant le doute sur la soutenabilité de la dette publique, et développant un sentiment de méfiance chez les investisseurs domestiques et étrangers.
Malgré l'unanimité des voix qui s'élevaient pour signaler l'urgence des réformes, et les risques que génèrent tout retard dans l'implémentation de ces réformes, une véritable "myopie face aux désastres" (Disaster myopia), doublée d'une irrationalité et d'une cupidité, ..., caractérisent l'attitude des acteurs économiques tunisiens.
Un contexte qui soulève un certain nombre d'interrogations : Pourquoi la machine des réformes tarde à voir le jour en Tunisie ? Peut-on réformer en pleine crise sanitaire ? Y aura –t-il un rebond solide au lendemain de la pandémie ?
Une économie qui refuse de se reformer finira par se déformer
Pourquoi la Tunisie s'est transformée, ces dernières années, en économie déformée ?
Une économie déformée est une économie qui, à force de tarder à implémenter les réformes indispensables, finit par envoyer des messages négatifs aux différents acteurs économiques, creusant ainsi davantage les déséquilibres macroéconomiques. Ces messages peuvent être ressentis à plusieurs niveaux (Figure 1) :
Une économie qui forme des diplômés chômeurs, avec un taux de chômage (30.1%) qui frôle le double de la moyenne nationale (16.2 %). Une situation qui décourage la poursuite des études longues, dans la mesure où les chances d'échapper au chômage se logent du côté de ceux qui n'ont pas de diplômes. Il en résulte une dégradation de la qualité de l'enseignement public, la hausse de l'abandon scolaire et le recul de la Tunisie dans les classements mondiaux.
Une économie où l'informel fait la pluie et le beau temps. La tentation de virer vers l'informel (à plein temps ou même à temps partiel) taraude un certain nombre d'entreprises, dans la mesure où le secteur informel s'est imposé comme une source d'enrichissement facile. D'où la montée de l'évasion fiscale et davantage de pressions sur les finances publiques.
Une économie où la fiscalité a perdu sa fonction incitatrice et redistributive (correction des inégalités régionales et sociales) pour se transformer en un outil de bricolage, de dernière minute, du cadrage budgétaire. Cette situation favorise une fiscalité instable et variable avec chaque nouvelle loi de finances, ce qui décourage l'investissement privé et limite l'attractivité du site Tunisie pour les investisseurs étrangers.
Une économie qui se désindustrialise. Un processus boosté par l'assombrissement du climat des affaires, la rigidité du code du travail, les problèmes de logistique portuaire, ..etc.. Ce processus de désindustrialisation exprime l'abandon des activités de production pour s'orienter vers les services, ou transférer ses activités à l'étranger. Il se manifeste à travers la ruée vers les contrats de franchises, signés en masse ces dernières années, ce qui explique en partie le creusement du déficit commercial.
Une économie où la masse salariale représente près de 40% du budget et plus de 16 % du PIB dans le projet de la LdF 2021. Un budget d'investissement qui représente 20% de la masse salariale. Du coup, la masse salariale est devenue étouffante pour les dépenses d'investissement. Autrement dit, ces dépenses se présentent aujourd'hui comme une variable d'ajustement pour débloquer des négociations salariales. Résultat : une forte dégradation de la qualité du service public, poussant les ménages tunisiens à migrer vers le secteur privé (éducation, santé, transport,...), ce qui a accentué la détérioration de leur pouvoir d'achat (Figure 2).
Un cocktail de défis à relever
Les vrais défis demeurent en fait devant nous :
Un défi économique : Comment élargir le « fiscal space », et redémarrer la machine des réformes, dans un contexte miné par la fièvre revendicative et son impact sur les finances publiques, les tergiversations politiques, et les dommages collatéraux du confinement sur l'activité économique ?
Un défi politique : Comment peut-on consolider la jeune démocratie tunisienne avec, un retard dans la mise en place des instances indépendantes (la Cour constitutionnelle, l'Instance de lutte contre la corruption, l'Instance de régulation de la communication audiovisuelle, ..), une dégradation des fondamentaux économiques, et une dérive populiste (dans le discours politique et syndical, dans les médias, ..) qui est devenue, aujourd'hui, de plus en plus menaçante même dans les démocraties les plus matures (l'assaut de la Maison Blanche le 06 janvier 2021 par les partisans du Président sortant Donald Trump) ?
Un défi sanitaire : Comment peut-on relever les principaux défis de la santé publique sans une stratégie crédible basée sur l'amélioration des capacités de prévention des maladies, la rénovation de l'infrastructure sanitaire, l'amélioration de la qualité de la gouvernance du secteur, et le renforcement de la place de la recherche scientifique dans le budget ?
Un défi social : Comment les autorités peuvent-elles atténuer les collatéraux du choc covid-19 (indemnisation des ménages et des entreprises, conversion des salariés licenciés des secteurs lourdement affectés, ...) avec les contraintes qui pèsent sur les finances publiques, sans risquer le déclenchement d'une vague de contestation alimentée, aussi, par le creusement des inégalités sociales et régionales, et le désenchantement à l'égard de la gouvernance des institutions de l'Etat ?
Un défi environnemental : Comment rendre les préoccupations environnementales à la fois : un axe prioritaire de l'aménagement urbain, un pilier du verdissement de l'économie et de la transition énergétique, et une composante déterminante de régulation des entreprises, via des critères extra-financiers ?
Des défis nombreux, complexes et difficiles à relever, compte tenu de l'étroitesse de l'espace budgétaire résultant d'un déficit de 6.6% prévue pour l'exercice budgétaire 2021, avec une masse salariale (20 milliards de DT) et un service de la dette (15.5 milliards de DT) étouffants pour les dépenses d'investissement (4 millions de DT).
La voie pour éviter l'abime
La nouvelle Tunisie démocratique ne pourra jamais rejoindre le peloton des économies innovantes et compétitives tant que la fièvre revendicative grignote l'espace budgétaire et étouffe les dépenses d'investissement. Il n'y a pas de raison de sombrer dans l'alarmisme, même si les espoirs d'une reprise économique rapide et solide ne sont plus à l'ordre du jour, ni en Tunisie, ni chez nos partenaires européens. Mais des réformes en profondeur ont beaucoup tardé et doivent rapidement être mises en place.
Certes, la croissance pourrait revenir au lendemain de la pandémie. Mais elle sera certainement très molle et insuffisante pour inverser la courbe du chômage. Alors que la hausse de la croissance potentielle ne pourrait voir le jour, en Tunisie, qu'en repensant le rôle de l'Etat dans l'économie (code de change, code du travail, loi sur la concurrence, présence de l'Etat dans les entreprises publiques non stratégiques, loi 1994 portant sur le fonctionnement du marché des capitaux, ...), vers moins de règlements, de contrôles, de sanctions, d'interdictions,.. et plus d'interventions pour corriger les inégalités sociales et régionales, améliorer la qualité du service public et l'inscription rapide dans la transition numérique et énergétique. Ce n'est pas avec des dérapages budgétaires difficilement finançables, de la mauvaise gouvernance dans le secteur public, des entreprises gavées d'emprunts garantis par l'Etat, une productivité du travail en berne, des syndicats qui brillent par leur blocage du service public et de l'activité de production dans les entreprises stratégiques, ..., et ce n'est pas avec des appels réguliers au contribuable pour remédier à la "faillite de l'Etat", qu'on pourrait bâtir la Tunisie de demain.
L'inscription dans une dynamique de réforme est incontournable pour que la Tunisie puisse éviter l'abîme et échapper au piège d'une économie déformée, voir défigurée. L'option du Dialogue national comme une forme de négociation et de consensus est judicieuse dans un contexte politique marqué par le creusement du déficit de confiance entre institutions de la république et la montée de la défiance à l'égard de la classe politique. Mais pas n'importe quel dialogue. La Tunisie a plus que jamais besoin d'un dialogue national inclusif, sans tabou, sans lignes rouges, qui débouchera sur une feuille de route claire et audacieuse. Une feuille de route crédible intégrant les défis économiques, sociétaux et environnementaux à relever, portant des réformes qui seront en mesure de garantir un emploi et une meilleure qualité de vie aux générations actuelles et futures.
Rappelons toujours qu'en politique comme en économie, l'indifférence et le court termisme sont suicidaires s'ils éludent nos devoirs envers les générations futures. Les réformes nécessitent à la fois une vision, du courage politique, de la sagesse syndicale, et un Etat de droit fonctionnel.
Bref, plus l'Etat est incapable de faire respecter la loi, plus l'action publique est assiégée par les hors-la loi, et plus les réformes demeurent des mesurettes sans saveurs. Une dérive qui serait compromettante pour l'Etat de droit.

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