TUNIS (TAP)-M. Fayçal Derbel, expert comptable préconise la révision du régime d'imposition forfaitaire, des incitations fiscales et de la fiscalité des particuliers, dans la loi de finances complémentaire, devant être promulguée avant la fin du 1er trimestre 2012. Aujourd'hui, les 3/4 des impôts directs, sont prélevés par le système de la retenue à la source, qui frappe essentiellement, les salaires. Véritable échappatoire à la fiscalité réelle, le régime forfaitaire a enregistré une explosion du nombre d'adhérents, passant de 140 mille en 1989, à plus de 375 mille en 2010 (61% des contribuables). Ceux-ci présentent une contribution dérisoire, au titre de l'impôt sur le revenu. Dans une interview accordée à la TAP, l'expert comptable appelle à une évaluation et une révision du système des avantages fiscaux institué en Tunisie, pour faire le point sur ses retombées réelles sur l'économie et sur l'emploi, citant l'exemple du Maroc voisin, qui publie, annuellement, "un rapport sur les dépenses fiscales". Pour assurer une véritable transparence et une équité fiscale, il plaide, même, pour la levée du secret bancaire, au bénéfice de la direction des impôts, afin de lui permettre d'effectuer un véritable contrôle fiscal. La fiscalité des particuliers n'ayant pas changé depuis 1990, l'expert pointe du doigt le caractère "injuste" du régime fiscal appliqué aux chefs de famille qui "ne tient pas suffisamment compte des enfants à charge". La déduction des impôts au titre des enfants à charge, est faible et fixe quel que soit, le revenu. Les montants n'ont pas changé depuis 1982, ils ont été arrêtés à 90 dinars pour le 1er enfant, 75 D pour le 2éme, 60 D pour le 3éme et 45 D pour le 4éme. Ils sont décalés par rapport au coût de la vie. La déduction fiscale prévue au titre des enfants non boursiers (de moins de 25 ans) ou infirmes est, également, inadaptée, étant donné qu'elle est annuelle. Après paiement des impôts, le chef de famille, salarié de son état, doit apporter, à la recette des finances, les documents prouvant que son enfant est non boursier, pour bénéficier, à posteriori, d'une déduction d'impôt (600 dinars par enfant dans la limite de quatre enfants). M. Derbel conclut ironiquement "c'est une loi qui encourage le célibat". Pas de marge de manoeuvre pour le gouvernement Commentant la loi de finances adoptée par la constituante, le 30 Décembre 2011, l'expert estime que le gouvernement a fait épreuve d'"une audace démesurée et dépassé les limites tolérables dans le budget de l'Etat 2012". Il a avancé que « le nouveau gouvernement ne disposera pas de marge de manœuvre, car l'économie ne pourra pas résister à deux années successives, de croissance négative". Le Budget de l'Etat a été fixé à 22,8 millions de dinars (MD) en 2012, tout en tablant sur un déficit budgétaire "jamais réalisé auparavant" de 6% (le déficit ne dépassant pas habituellement, 3% du Produit Intérieur Brut), un taux d'endettement de 46,5% du PIB (contre 43% en 2011) et un endettement public de 7 milliards de dinars, en progression de 40% par rapport au précédent exercice. Les prévisions concernant un taux de croissance de 4,5%, sont d'après l'expert, "très optimistes et nécessitent beaucoup d'efforts et surtout la stabilité, la sécurité et la fin de sit-in et des grèves". Sinon, la croissance négative pourrait se poursuivre, menant le pays à la récession. "Ces prévisions ont été établies sur la base d'un prix du pétrole de 100 dollars, le baril, alors qu'une hausse des cours des hydrocarbures, pourrait emmener le gouvernement à un réajustement des prix, pour ne pas grever la caisse de compensation" relève-t-il.