Tweet Share TUNIS (TAP/ Mohamed Salah Labidi) - La cité 'Ettadhamen' où vivent plus de 100 mille habitants, une des plus fortes concentration démographique du pays, interpelle la conscience politique et sociale et réveille un souci d'investigation pour tenter d'expliquer des paradoxes dans ce 'hay' (cité), où cohabitent deux antonymes, la délinquance et le fondamentalisme religieux. Situé à l'Ouest, dans le gouvernorat de l'Ariana, la cité 'Ettadhamen', littéralement solidarité, semble avoir mis de côté cette valeur morale pour glisser, parfois dangereusement, soit vers la prédication religieuse ou la délinquance. Les jeunes représentent la majorité de la population dans cette cité en perpétuel mouvement de jour comme de nuit. Les familles sont originaires d'une manière générale du Nord-Ouest et illustrent parfaitement le phénomène de l'exode rural. Au delà des chiffres qui indiquent que cette cité compte sept lycées secondaires, deux centres privés de formation professionnelles, 36 unités industrielles, 26 entreprises de textile, trois unités de production électromécaniques, les signes extérieurs et intérieurs de la pauvreté sautent aux yeux dans cette agglomération située à la périphérie de la capitale. Selon le jeune Aymen Atfi, jeune diplômé en philosophie, le point de départ de la mutation socio-politique s'est opérée le 11 janvier 2011 après les premiers coups de feu tirés sur les jeunes manifestants de la cité Ettadhamen en pleine révolte qui ont alors «décrétés» «la révolte de la cité marginalisée». Dès lors, a-t-il ajouté, les jeunes ont mis leurs «vocations» à jour, sans peur ni discrétion. Ce jeune, au chômage depuis sept ans, a expliqué que le chemin qui conduit les jeunes vers les circuits de la drogue est des plus aisés, compte tenu de l'état de déception et d'affliction qui habite la jeunesse de la cité. De surcroît, a-t-il, précisé, ces jeunes n'hésitent pas à légitimer leurs actes qui constituent, selon eux, «une alternative au chômage». En fait, de mauvaises solutions à de vrais problèmes. Les habitants de la zone de Jebal Ammar, située aux frontières nord de la cité et qui constitue l'exemple type des habitations anarchiques, se plaignent des conditions de vie rudes et difficiles. Ils vivent dans un état de pauvreté très visible et un climat social malsain, l'insalubrité complète le sombre tableau de leur cadre de vie. Un habitant de la cité originaire de Jendouba, fait remarquer l'absence d'activités économiques structurées à Ettadhamen. ''Ce qui m'oblige à recourir au commerce parallèle notamment la vente de cigarettes de contrebande ou à travailler pour les réseaux d'immigration clandestine vers l'Italie'' a-t-il indiqué, précisant qu'il pense cela est légitime face à l'incessante dégradation de sa situation sociale, d'autant plus qu'il n'est pas diplômé et qu'il a des antécédents judiciaires ce qui ne favorise pas son insertion professionnelle. ''Je ne suis pas le seul dans ce cas, a-t-il insisté, beaucoup n'ont pas hésité à franchir le rubicond et s'adonner à divers trafics pour gagner leur vie'', a-t-il affirmé, soulignant que ''beaucoup parmi des jeunes ont opté pour une autre voie et trouvé dans la foi une solution pour se ranger et donner un sens à leur vie''. De l'autre côté de la Cité, se sont dressées des tentes sur lesquelles ont peut lire des inscriptions comme "Vous bienfaiteur, vous êtes le bienvenu", "Nous sommes les hommes du Bien", "l'islam est le voie du Salut", "nos ancêtres sont notre modèle". Ces tentes sont installées à l'initiative des jeunes fondamentalistes qui estiment que l'objectif est de «diffuser les préceptes de l'Islam et le réhabiliter dans la société après des années de marginalisation sous l'ancien régime». Ahmed Charni (27 ans) a souligné qu'il a trouvé son salut personnel dans l'Islam et le retour aux sources, indiquant que sa participation à ces tentes organisées par les associations religieuses, notamment "Association des adeptes de la Chariaa" est une tentative de réconciliation avec la foi religieuse et constitue une expression du «repentir après des années d'errements et de déviance». L'objectif de ces tentes étant de défendre la religion islamique qui a été «vidée de sa substance », a-t-il soutenu, soulignant que la révolution constitue «un moment décisif pour renouer avec les préceptes de la religion islamique en Tunisie ». De son côté, Abdelmajid Kahlaoui (55 ans), en charge de ces tentes dans le quartier "Ettadhamen", a indiqué que ces tentes ont eu un écho favorable auprès des habitants du quartier, précisant que «les gens ont trouvé dans l'Islam la seule solution pour retrouver leurs repères et ressentir l'équilibre spirituel et la sérénité». Pour d'autres jeunes au chômage ou qui ont connu la prison, le retour au sacré et à la religion, à travers la prédication et le prêche, leur permet de retrouver un statut social qu'ils n'ont jamais eu. Interrogé sur l'obligation de demander une permission pour l'organisation de ces tentes, M. Kahlaoui a répondu qu'il est inconcevable de demander une permission pour "diffuser les préceptes de l'Islam". Evoquant la polarisation qui prévaut dans la Cité "Ettadhamen", Abdessatar Sahbani, professeur en psychologie sociale à la faculté des sciences humaines de Tunis, a fait état d'un clivage entre les jeunes "fondamentalistes" et "les jeunes délinquants", précisant qu'il s'agit d'un phénomène quasi-universel propres aux habitants des quartiers péri-urbains. Généralement la présence de l'Etat dans ces quartiers est "faible", a-t-il affirmé, ce qui laisse entrevoir l'émergence d'une nouvelle forme de régulation sociale extra-étatique qui pourrait avoir un impact négatif sur l'obéissance et le respect de la Loi. L'incapacité de l'Etat à appliquer la loi au sein de ces Cités ne peut qu'accentuer les fléaux de la délinquance et de l'extrémisme, a-t-il soutenu, indiquant que cette situation existe un peu partout dans le monde. L'échec des politiques de développement local a fait que ces quartiers populaires soient un "terrain fertile" pour la montée de ces deux phénomènes. Il a précisé que la politique rigide et intolérante adoptée par l'Etat durant des décennies avec le recours à la seule approche sécuritaire pour lutter contre le "fondamentalisme religieux", a favorisé la montée de ces phénomènes. Ces groupes oeuvrent dans le cadre d'un" système de réseaux" et dans des structures infra-étatiques, a-t-il affirmé, précisant que les quartiers qui génèrent la pauvreté, le manque de qualification professionnelle sont par excellence des terrains fertiles pour ce type comportement qui vire très vite à l'extrémiste. En dépit des tentatives du journaliste de l'Agence TAP de contacter le directeur du développement régional dans le gouvernorat de l'Ariana, afin d'avoir plus de détails sur les programmes de développement consacrés à la Cité au titre du budget complémentaire de l'année 2012, celui-ci a refusé de fournir des informations sur la question. Tweet Share Suivant