Un lourd héritage économique et des dossiers sociaux brûlants, dont essentiellement celui de l'emploi, principale revendication des jeunes Tunisiens, attendent le prochain gouvernement. Les Tunisiens sont parvenus, ces dernières semaines, à élire un nouveau président et un nouveau Parlement pour la prochaine mandature, sur laquelle les citoyens mettent beaucoup d'espoirs pour changer une situation économique fragile et sortir du marasme social. Nombre d'experts et d'académiciens considèrent que le dossier économique devrait être la pierre angulaire de la politique du prochain gouvernement. En fait, les réponses apportées par les précédents gouvernements, n'étaient pas à la hauteur des attentes des citoyens et n'avaient pas apporté les solutions appropriées à des problèmes qui perdurent. Dans des déclarations à l'agence TAP, ces économistes ont tous affirmé que le prochain gouvernement aura affaire à un lourd héritage économique, ce qui réduira sa marge de manœuvre. Il devra se pencher, dès sa formation, sur le traitement des problèmes économiques. Ezzeddine Saidane, économiste, a déclaré que de nombreux dossiers brûlants attendent le prochain gouvernement, appelé à mettre la main à la pâte et à trouver des solutions sans attendre le bilan des 100 premiers jours. Le plus grand défi sera l'exécution du budget 2020, qui s'annonce déséquilibré, puisque près de sa moitié est destinée au paiement des salaires de la fonction publique (plus de 19 milliards de dinars sur un budget global estimé à 47 milliards de dinars). "Le volume du budget représente environ 40 % du PIB, alors que selon les standards internationaux, le volume du budget ne doit pas dépasser 20% du produit intérieur brut", a-t-il dit. Evoquant la relation du prochain gouvernement avec le FMI, lequel tient à ce que la masse salariale ne dépasse pas 12,4% du PIB, alors qu'elle atteindrait 15,7%, dans le budget 2020, Saidane a considéré que cette situation pose un problème en soi, pour le prochain gouvernement et aura un impact sur ses négociations avec le FMI". A rappeler que la Tunisie prévoit de finaliser la sixième revue de l'accord conclu avec le FMI pour le déblocage d'une sixième tranche d'environ 247 millions US$, soit plus de 600 millions de dinars. L'un des principaux défis qui se posent à la Tunisie, est aussi celui de la question de l'emprunt prévu pour le financement du budget de l'Etat, estimé à 12 milliards de dinars contre 10,3 milliards de dinars en 2019, soit une hausse de près de 16%, a rappelé Saidane. De même, le dossier de l'Accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) entre la Tunisie et l'Union européenne, exercera des pressions supplémentaires sur le prochain gouvernement qui devra trancher et prendre une décision claire à ce sujet, selon l'économiste. Et de rappeler que l'UE demeure un partenaire stratégique de la Tunisie, puisqu'il représente 75% de ses échanges commerciaux avec l'extérieur. Saidane a, aussi, mis en garde le nouveau gouvernement contre la hausse du niveau de la dette publique qui atteindra 89% du PIB en 2020, ainsi que celle de la dette extérieure qui va dépasser 100% du PIB, ce qui accentuera les pressions sur l'économie tunisienne. Parmi les chantiers urgents à engager, Saïdane a également cité la maîtrise de l'inflation, du déficit de la balance commerciale et des dépenses de l'Etat. Il a réitéré sa proposition de procéder à un diagnostic objectif de la situation économique et d'engager dans l'urgence un plan d'ajustement structurel sur une année et demie, pour entamer, ensuite, la réalisation des grandes réformes qui nécessiteront trois à quatre années. Il y a lieu de noter que l'économie tunisienne a subi, durant le mandat écoulé des deux chefs de gouvernement Habib Essid et Youssef Chahed (2015/2019), un coup dur avec les trois attentats terroristes qui ont eu lieu entre mars et novembre 2015, lesquels ont visé le Musée du Bardo, un bus de la garde présidentielle et un hôtel à Sousse.