Les passionnés de la Médina de Sousse connaissent sûrement Dar Echaraa, qui représente un repère historique de valeur pour un visiteur errant dans le labyrinthe des ruelles de la vieille ville de Sousse. Mais, connaissent-ils vraiment l'histoire cachée de ce monument ? Une histoire que même les voisins et les commerçants de la médina ignorent. Pour nous éclairer, nous sommes partis à la rencontre de l'écrivain, Anouar el Fani, historien de formation et vice-président de l'Association de la sauvegarde de la Médina, qui nous a donné un bref aperçu de l'histoire de cette ancienne institution. 1. Dar Echaraa ou l'ancien tribunal Charaïque : Edifié en 1027 de l'hégire, ce qui correspond à 1618 après J.C., ce monument abritait un tribunal religieux appelé « Majles Echoura » présidé par un ‘bach mufti' secondé par un Cadi et un mufti. Cette juridiction examinait les affaires civiles et de statuts personnels, en particulier les litiges concernant la succession, le divorce, la répudiation… Et ce, conformément aux prescriptions de la Chariaa. Depuis la sécularisation et l'unification de la justice tunisienne et dès la promulgation du code du statut personnel, le 13 août 1956, le tribunal a perdu toutes ses fonctions judiciaires et administratives. 2. Un édifice qui fourmille de détails architecturaux : Othmane Hosni, le responsable de Dar Echaraa, nous a ouvert les portes du monument et nous a accueillis chaleureusement. Nous étions éblouis par l'architecture de l'édifice largement inspirée du style andalou mauresque, illustré par la présence d'arcs lobés et d'alfiz. À droite, se trouve la salle d'audience où siégeait le mufti et ses assistants. À gauche, on découvre une salle de prière antérieure dont les colonnes et les arcades remontent au XI siècle et qui a été intégrée au tribunal lors de sa construction. Malheureusement, après les inondations survenues en 1969, le monument qui était à l'abandon depuis des années, a été squatté par plusieurs familles de SDF, lui ayant occasionné d'énormes dégâts, notamment à la grande salle d'audience et à deux façades intérieures. 3. D'un tribunal charaïque marginalisé à un centre culturel regorgeant de vie : Dans une initiative destinée à mettre en valeur les trésors architecturaux de la Médina, l'ASM s'est mobilisée avec le soutien actif de la commune, pour sauver le monument de la marginalisation et de l'oubli. D'importants travaux de restauration et d'aménagement entrepris en 1995, ont permis de transformer l'édifice, devenu obsolète, en espace culturel regorgeant de vie, tout en respectant le style et les matériaux utilisés à l'origine. Depuis, les habitants de Sousse ont eu l'occasion d'assister régulièrement à des manifestations culturelles et à toutes sortes des spectacles dans le cadre authentique d'un splendide lieu de mémoire.