Par Hédi Smida CHAIEB - Ce commentaire, je l'adresse à l'intention du Docteur Dhaoui Hechmi sur son article cité ci-dessus. En commençant la lecture de votre article, on est d'emblée frappé par un style imprégné de haine et de mépris à l'égard de Monsieur Rached Gannouchi. Votre tout premier paragraphe mentionne ce qui suit : « Il ne faut surtout pas oublier que Rached Gannouchi (sic) a donné carte blanche à Ben Ali juste après le 7 novembre 1987 en déclarant au journal Le Temps : [ je crois en Dieu et en Ben Ali ]. Il vient de refaire la même bêtise en acclamant le sanguinaire Maamer El Kadhafi » En ce qui concerne cette prétendue carte blanche donnée à Ben Ali après le 7 novembre 1987, était-il le seul à avoir adopté une position de soutien et même d'allégeance à l'égard de Ben Ali pendant les tous premiers mois de sa présidence ? N'avions-nous pas tous crus - un moment - en un possible changement après que Bourguiba, sénescent et très peu lucide, n'était devenu que l'ombre de lui-même ? N'étions-nous pas majoritairement abusés par Ben Ali, et ne nous a-t-il pas bien fallu quelques longs mois pour nous apercevoir de la supercherie ? Quant à la phrase attribuée à M. Rached Gannouchi [ je crois en Dieu et en Ben Ali ], je ne le crois pas capable de dire une absurdité pareille, lui qui continue à ce jour à assumer des responsabilités de haut rang dans le monde arabo-musulman ( forums, conférences, colloques, etc. ). La déclaration que vous lui attribuez l'aurait indubitablement discrédité auprès de tous, ce qui n'a jamais été le cas. Je pense tout simplement que ses propos ont été déformés de façon malsaine et malintentionnée. Quant à son « acclamation » de Kadhafi, je vous laisse la responsabilité de vos propos. Je n'ai pas eu personnellement l'occasion de lire ou d'entendre une telle allégation. Je reviens à votre article pour vous dire que je ne comprends pas comment quelqu'un qui présente votre profil (docteur en médecine, de surcroît psychiatre-psychanalyste), puisse se laisser guider par une pulsion d'animosité aussi féroce et une haine aussi marquée, pas seulement à l'égard de M. Gannouchi (libre à vous de ne pas apprécier la personne, si elle ne vous revient pas) mais aussi et surtout à l'égard de tous les islamistes. En effet, vous écriviez dans votre article, avec beaucoup de suffisance, comme si vous déteniez seul toute la vérité, ce qui suit : « Je pense profondément qu'il n'existe pas d'islamisme modéré, et si parfois il apparaît ainsi, c'est uniquement par le double langage. Ils ne cessent d'amplifier les mérites de leurs prédécesseurs dans une régression identificatoire et idéalisante de leurs ancêtres, à leur mode d'être. Cela les prédispose à désirer la mort et à devenir autant de dangereuses bombes humaines ambulantes ». Au passage, je me permets de vous faire remarquer que le mot souligné « idéalisante » ne peut pas se mettre au féminin et prendre la forme d'un adjectif, sauf peut-être dans un langage psychanalytique, qui permettrait apparemment toutes les distorsions. Je reviens à votre « pensée profonde ». En affirmant avec tant de conviction qu'il n'y a pas d'islamisme modéré, ne seriez- vous pas en train de prôner - sans l'avouer - le bannissement de l'Islam de notre pays ? Si un islamisme radical, pur et dur ne vous conviendrait pas et vous auriez raison, sans aucun doute, qu'est-ce que vous proposeriez à la place, sinon un Islam modéré portant les vraies valeurs de la tolérance, de la paix et de l'amour ? Si vous n'êtes pas croyant, c'est votre affaire, et personne ne peut vous le reprocher. Mais ne serait-il pas logique que de votre côté vous accepteriez qu'on puisse ne pas être d'accord avec vous et qu'on puisse épouser une doctrine qui ne soit pas forcément avec la vôtre ? N'êtes-vous pas enclin - ainsi - à rejeter l'autre et à ne pas accepter la différence ? D'autre part, vous avez évoqué - à votre manière - l'histoire des Musulmans et des salafistes, avec pour objectif de démontrer que Monsieur Rached Gannouchi « est le produit de plusieurs échecs, depuis les salafistes auxquels il se réfère ». Pour y parvenir, vous avez osé, sans aucune retenue vis-à-vis de nos icônes, mettre en doute la sincérité du premier calife Abou Bakr qui aurait désigné à sa mort Omar Ibn El Khattab comme son successeur, rien que parce qu'il lui avait fait allégeance comme premier calife, à la mort du Prophète, paix sur son âme. Les historiens spécialistes des questions de l'Islam, musulmans ou non musulmans, vous diront unanimement que l'acte d'allégeance d'Omar pour Abou Bakr, dans ces conditions historiques particulières, a empêché une guerre fratricide qui aurait eu des conséquences désastreuses pour cette religion naissante et qui aurait manifestement abouti à l'arrêt net de son expansion. Quant à Abou Bakr, sa sagesse et sa connaissance des hommes ont été les seuls déterminants pour le guider dans le choix de son successeur. En désignant Omar pour cette lourde responsabilité, l'histoire lui a donné raison. En effet, rares - voire inexistants - sont les chefs d'Etat, à travers l'histoire de l'humanité, qui peuvent prétendre égaler les mérites, la lucidité, la clairvoyance et la justice d'Omar. Vous vous êtes ensuite hasardé à parler très mal d'un volet très important dans l'histoire de l'Islam, et qui vous échappe complètement, à savoir la succession d'Omar au poste de calife. Cher Docteur, vous auriez mieux fait de vous abstenir de traiter un tel sujet, pour éviter de sombrer dans le ridicule. Voilà ce que vous écriviez dans votre article : « …puis Omar a laissé en place un soit-disant conseil de six personnes (majless choura) dont quatre étaient acquis à Othman Ibnou Affen contre l'Imam Ali, alors que le Prophète voulait que le pouvoir se fasse dans la concertation entre les Musulmans ». Je vous rappelle que les six membres proposés par Omar étaient les suivants : Othman Ibnou Affen, Ali Ibnou Abi Taleb, Taha Zoubeir, Abderrahman Ibnou Souf et Saâd Ibnou Abi Waqqas Quels sont les quatre qui seraient, d'après vous, acquis à Othman ? Tous les six étaient hautement appréciés par le Prophète et ils étaient tous assurés de leur entrée au paradis. Auraient-ils pu prétendre à une telle haute distinction s'ils n'étaient pas irréprochables à tout point de vue ? Et comment l'un d'entre eux pouvait-il être acquis à quelqu'un d'autre que lui-même, puisqu'ils étaient tous, à part Abderrahman Ibnou Aouf, également prétendants au poste de calife. Il est connu que Abderrahman Ibnou Aouf s'était retiré de son plein gré pour se consacrer à une mission d'arbitrage entre les cinq autres prétendants, ce qui fut fait. Même les chiites ne se reconnaissent pas dans vos allégations, car pour la plupart d'entre eux le Prophète aurait expressément désigné l'Imam Ali comme premier calife, ce que les sunnites ont toujours récusé, évidemment. Par ailleurs, convaincu que vous êtes du fait qu'il n'y a pas d'islamisme modéré, et rejetant par conséquent en bloc tout ce qui a trait à l'Islam, vous sombrez dans la contradiction en étayant votre argumentation de cinq versets du coran pour démontrer que M. Rached Gannouchi « a dénaturé l'esprit de l'Islam, dont la règle de la vie sociale est la paix dans le respect des choix religieux ». Décidément vous ne reculez devant rien pour tirer sur M. Gannouchi à boulets rouges. D'autre part, dans votre texte vous faites l'étalage de vos connaissances en matière de psychanalyse et de psychiatrie à tort et à travers pour des fins calomnieuses et diffamatoires sur les islamistes. En voici quelques exemples : « Fixation anale, phobie des femmes, sentiment de culpabilité religieuse, le refus de l'altérité, délire paranoïaque, le thème de la persécution se forme à partir d'une homosexualité refoulée, la zoophilie (pour éviter plus simple : « bestialité ») ». Et j'en passe. Docteur, cela ne vous honore pas. On ne badine pas avec la foi. Vous ne pouvez pas mettre tout le monde dans le même sac. Certes, il y a des intégristes très intransigeants que je désapprouve, tout comme vous. Mais, à mon humble avis les Musulmans, de par les nobles valeurs véhiculées par l'Islam et dans lesquelles ils croient, sont majoritairement très modérés et ne pratiquent pas le double langage, comme vous l'affirmez dans votre texte. Cela dit, je vous précise que je ne n'ai pas eu encore l'honneur de faire la connaissance de M. Rached Gannouchi, mais je ne m'en priverais pas si l'occasion se présentait. Aussi, je n'ai pour le moment aucune idée sur les orientations actuelles et futures du parti Ennahdha, donc aucune sympathie particulière pour l'instant. Ma réaction à votre article est simplement suscitée par le malaise et le désagrément que j'ai ressenti en le lisant.