La séance de travail entre Houcine Abassi, Secrétaire général de l'UGTT, et Rached Ghannouchi, président du mouvement Ennahdha, lundi 12 août 2013, en vue de trouver une issue à la crise actuelle du pays n'a pas marqué une progression sensible du débat vers des solutions claires et consensuelles, même si les deux interlocuteurs se sont montrés rassurants, sans être eux-mêmes rassurés, chacun pour son intérêt. En effet, d'un côté, le premier responsable de la centrale syndicale a une responsabilité aussi déterminante qu'historique : le pays est au bord d'un grave éclatement et toute la confiance est placée d'abord en lui pour éviter le pire. C'est pourquoi le scepticisme de H. Abassi est à prendre au sérieux et quand il dit qu'il n'est ni optimiste ni pessimiste, c'est qu'il y a vraiment problème. Or, en lisant entre les lignes, on se rend compte que le problème est probablement l'interlocuteur, ès qualité, qui ne veut pas reconnaître explicitement, bien qu'il en soit intérieurement et logiquement convaincu, que le principal responsable de la crise est bel et bien son parti, du fait même qu'il a en main l'initiative, la conduite et l'exercice du gouvernement. Du coup, ce qui doit être accepté par R. Ghannouchi comme la réparation d'un échec est présenté par lui comme une concession ; ce qui fausse les débats et biaise les négociations dès le départ. La même remarque doit valoir pour l'opposition et c'est ce qui se comprend quand H. Abassi parle de difficultés rencontrées par l'initiative de l'UGTT aussi bien du côté d'Ennahdha que du côté des partis de l'opposition, les deux parties n'ayant pas réussi à s'élever au niveau des ambitions de cette initiative et à dépasser la logique du vainqueur et du vaincu. Notons d'ailleurs, en passant, que le responsable syndical parle bien d'un face à face entre Ennahdha et l'opposition, et non entre la troïka et l'opposition : ce qui veut dire que, de fait, la troïka n'existe plus, si jamais elle a existé vraiment et que les acolytes du mouvement islamiste constituent une part du problème et non une partie de la solution. Pour l'essentiel donc, le président d'Ennahdha semble plutôt chercher à calmer le jeu pour permettre à son parti de respirer et de reprendre son souffle, tandis le secrétaire général de l'UGTT pense à d'autres problèmes plus graves et cherche à relever des défis plus importants, donc à aboutir à des solutions radicales et efficaces. Pour beaucoup de Tunisiens, cette rencontre entre le président d'un parti au pouvoir, soumis à la pression de l'échec souligné, et le premier responsable du syndicat n'est pas sans rappeler celle du 13 janvier 2011 entre Ben Ali et A. Jerad. Sauf qu'ici, dans ce cas précis, si d'un côté le cas de Ghannouchi peut justifier le parallèle entre sa situation d'aujourd'hui et celle de Ben Ali, hier ; de l'autre cas, force est de reconnaître que Hocine Abassi n'est pas Abdesslem Jerad, à tous points de vue, et cela seul semble rassurer une large part des Tunisiens.