Il faut reconnaître à Mehdi Jomaa un démarrage rassurant pour conduire la mission de son gouvernement, tant au niveau du discours : souvent serein, fidèle à sa promesse et évitant la tension, qu'au niveau de l'action : cohérente, ciblée et déterminée. L'impression est telle à l'intérieur du pays ; elle l'est aussi chez la plupart des partenaires étrangers. Il faut apprécier le choix et la conduite de sa première visite en l'Algérie, entre autres gestes diplomatiques qui sonnent comme un changement de cap, dans ce domaine déterminant pour la réussite de la dernière étape de transition. Il reste que la nomination d'un conseiller diplomatique du chef du gouvernement est un coup de maître. Le message est clair pour qui veut comprendre : le gouvernement de transition a sa propre diplomatie qui ne souffre ni l'improvisation individuelle ni son entêtement autoritaire. Heureuse aussi la décision portant sur la désignation des responsables des médias publics. Prenant exemple sur des démocraties classiques, nous l'avions suggéré avant même que cela ne devienne une revendication structurée : recruter les Pdg sur la base de projets, aux objectifs précis, au mandat limité et au budget convenablement établi, avec examen des dossiers par une commission indépendante proposant au chef du gouvernement un classement qui l'aide à nommer, en concertation avec la HAICA. Sur d'autres chapitres aussi, Mehdi Jomaa s'applique à envoyer des signaux positifs. Cependant, la question qui reste encore posée dans la tête des Tunisiens est à deux volets : D'abord, le chef du gouvernement, tiendra-t-il le coup jusqu'aux prochaines élections ? Il est vrai que les appuis annoncés, par nos amis et nos partenaires étrangers, sont encourageants ; mais quel soutien effectif lui vient-il sincèrement de l'intérieur ? Ensuite, le laissera-t-on continuer sur cette voie et arriver jusqu'aux prochaines élections, comme il est attendu qu'il y arrive et comme il est souhaité qu'il les fasse se faire ? Deux questions, en fait, que nous avions posées dès qu'une entente s'était réalisée sur sa désignation pour constituer son gouvernement ! Deux questions qui resteront comme une lumière de veille jusqu'à la fin de la mission de ce gouvernement. Quelque part dans l'air de la Kasbah, un ange doit rôder discrètement pour rappeler au maître de céans (lui aussi provisoire, même si on ne le dit pas), cette prière, de circonstance peut-être : « Dieu protège-moi de mes amis ! Mes amis, je m'en charge ».