Avant de répondre à notre question sur la vérité des chiffres au cours des deux décennies passées, Mustapha Kamal Nabli, gouverneur de la Banque centrale, a poussé comme un soupir, il a cherché ses mots, puis a fini par ne pas donner de réponse! Lors de sa rencontre, hier, avec les médias, Nabli a parlé des transactions bancaires qui se sont poursuivies, du retour à la confiance entre banques et clients, du marché financier qui a repris, des réserves en devises de12,2 milliards de dinars... Il a également parlé des entreprises en panne, du tourisme en berne, de l'investissement en baisse... Il a parlé des 2.500 millions de dinars que les Ben Ali et Trabelsi ont obtenu des banques tunisiennes publiques et privées et de ce que cela implique pour la santé du système... Tout cela avec beaucoup de verve, nous semble-t-il. Mais c'est au moment des questions (dont il n'a éludé aucune) qu'il a semblé buter sur la nôtre, pourtant toute simple: Après ce que nous venons de voir de la Tunisie, les chiffres de la Banque centrale au cours des deux décennies passées sont-ils faux? ''Je ne peux pas en parler aujourd'hui... Cependant, il ne fait pas de doute que nous devons réviser la manière de produire et de présenter nos chiffres. Il est arrivé un moment où, sur tel sujet, des données étaient exclues et d'autres mises en avant. En Tunisie, une institution étrangère n'était pas habilitée à travailler à ses propres indicateurs, par exemple sur la corruption (indicateur qui transforme toute la perception sur une donnée)... Les institutions internationales utilisent les chiffres qui leur viennent de Tunisie et les leurs qui sont spécifiques et le World Economic Forum de Davos, par exemple, produit un indice multiple où la dimension de la corruption est absente...'', répond M. Nabli. A l'heure où il est demandé à la BCT d'appeler à la restauration du travail, de la production, de l'investissement, de l'emploi, peut-être que la question n'est pas posée au bon moment. Mais, pour M. Nabli, comme il l'a dit plusieurs fois après sa nomination à la tête de la BCT au sein du gouvernement provisoire, le rôle de la Banque centrale, en ces moments de transition par lesquels passe notre pays, est de réinstaurer la confiance. S'interroger sur les chiffres et sur leur sincérité y contribue certainement beaucoup.