«N'ayez pas peur du futur, essayez de le créer et non pas de le subir» Le gouverneur de la Banque centrale a appelé hier les entreprises à prendre des "risques calculés", à l'occasion d'une rencontre au siège de l'IACE à Tunis. "Essayons d'avoir 4% de croissance, cette année, et nous pouvons le faire", a-t-il lancé devant une audience d'environ 150 hommes d'affaires, en expliquant que le plus grave c'est de tomber dans un équilibre négatif où tout le monde attend la reprise pour engager des investissements. La situation est difficilen, certes, en termes de croissance et d'équilibre macroéconomiques, a reconnu le gouverneur de la BCT, "mais nous avons enregistré quelques signes positifs, comme l'augmentation des exportations manufacturières et la reprise progressive de la consommation intérieure et un retour des ménages vers le système bancaire". C'est ainsi qu'il est nécessaire de soutenir ces indicateurs par une relance de l'investissement. La réplique des hommes d'affaires n'était pas moins intéressante, évoquant en première ligne la question de la sécurité et de la paix sociale, mais également celle du coût des financements, entre autres le taux d'intérêt. En deux mots, les entreprises tunisiennes sont favorables à la prise de risque, mais demandent qu'elles soient soutenues, entre autres par des souplesses bancaires. Et le gouverneur de la Banque centrale de répondre que la paix sociale et la sécurité n'ont pas empêché les industries manufacturières à réaliser 11% de croissance au cours des 4 premiers mois de cette année. En ce qui concerne le taux d'intérêt, il n'est pas envisageable de procéder à des baisses pour le moment, car selon les données avancées par le gouverneur de la Banque centrale, les banques ont besoin actuellement de ressources supplémentaires, dans la mesure où elles sont sollicitées pour contribuer davantage au financement de l'économie (l'encours des banques à l'économie a évolué de 3.5% au cours des quatre premiers mois par rapport à la même période de l'année écoulée), alors que les dépôts ont enregistré une baisse, sous l'effet du manque de confiance. Le facteur confiance A propos du facteur confiance, le gouverneur de la Banque centrale a dressé un diagnostic détaillé de la conjoncture des quatre premiers mois de l'année 2011. Il a noté à ce propos que les deux premiers mois de l'année ont été marqués par une certaine attente, aussi bien de la part des investisseurs que des ménages. Le climat d'incertitude qui a prévalu après la révolution a poussé "tout le monde" à ajourner leurs décisions d'investissement, d'épargne ou de consommation "inutile", ce qui a provoqué une contraction de l'économie, une baisse de la demande et des dépôts auprès des banques. Cependant, à partir du mois d'avril, "nous avons constaté une atténuation du rythme de la baisse des importations de biens d'équipement (ce qui signifie que la machine de production reprend) et des indices de relance de la consommation des ménages", a précisé le gouverneur de la Banque centrale, expliquant que l'inflation se situait fin avril à 3%. Cependant, alors que le niveau des prix entre décembre 2010 et avril 2011 était stagnant (presque égal à 0), l'inflation a commencé à reprendre positivement à partir du mois d'avril. Autre signe positif, la saison agricole s'annonce bonne, a fait savoir M. Nabli, sur la base des estimations des récoltes pour cette année. M. Nabli a souligné dans cet ordre d'idée, l'importance de l'inflation, de la consommation locale et de l'augmentation des salaires dans la relance de l'économie. "C'est la demande que nous avons à gérer dans ce contexte précis", que ce soit sur le marché local ou éxtérieur. Les banques affectées A quoi sert un système bancaire qui dégage des bénéfices par milliards, alors que l'économie est en difficulté? C'était l'une des problématiques traitées lors de cette rencontre. Le gouverneur de la Banque centrale a fait savoir, à ce propos, que le système bancaire a été affecté par les événements politiques et sociaux que le pays a connus depuis le début de l'année et traduit notamment par une baisse des dépôts sous l'effet de l'attente des ménages et des entreprises, mais aussi par des incidents de paiements de certaines entreprises touchées par les protestations sociales. Sur ce plan, le gouverneur de la Banque centrale a annoncé la publication d'une circulaire favorisant des mesures de souplesse, de rééchelonnement et de consolidation pour les entreprises, tous secteurs confondus. Il répond ainsi à une requête lancée par un chef d'entreprise appelant les banques à prendre en charge une partie des risques pris par les entreprises. A ce propos, l'un des intervenants s'est interrogé sur ce qui va se passer dans six mois. Et comme personne ne peut avoir de réponse à telle question, M. Nabli a réitéré son appel pour la prise de risque, montrant l'importance de la dimension économique dans la transition démocratique: "N'ayez pas peur du futur, essayez de le créer et non pas de le subir".