Taoufik Bouderbala, président de la Commission nationale d'investigation sur les dépassements et les violations (CIDV) enregistrés lors des derniers événements (CommissionIDV) vient de rencontrer les journalistes dans une ambiance très particulière. Certes, comme si de rien n'était, Bouderbala a longuement expliqué aux journalistes la nature et le fonctionnement de la commission. Certes, il a souligné que son travail d'enquête met un point d'honneur à écouter tout le monde avant de diriger l'investigation vers les responsables des exactions. Certes, il a informé qu'à vue d'il, la CommissionIDV va examiner jusqu'à 1400 dossiers. Certes, il a annoncé que les derniers chiffres font état d'un bilan définitif de 300 martyrs et de 700 blessés victimes des derniers mois. Certes, il a même annoncé que la CommissionIDV pourrait peut-être aller jusqu'à recommander l'annulation de la peine de mort! Certes, sa sincérité et celle des membres de sa commission ne fait pas de doute... Mais tout cela était comme sous la menace d'une invisible épée de Damoclès. En vérité, tous les présents pensaient manifestement à ses pairs de la Commission d'investigation sur les affaires de corruption et de malversation (CommissionIACM), présidée par Abdelfattah Omar, et qui viennent d'être stoppés net par la Justice pour des raisons de procédure alors que ladite commission a été constituée au moment du premier gouvernement transitoire, le 18 février, par un décret-loi émanant du président Mbazaâ qui en a les pleins pouvoirs. Car la CommissionIDV a également été créée dans cette même logique et avec cette même légalité et tout le monde craint que Taoufik Bouderbala connaisse le sort d'Abdelfattah Omar. Nous avons donc posé explicitement la question à M. Bouderbala, pour savoir quelle serait la vraie valeur de ces décrets-lois si la Justice a la latitude de mettre fin à leur légalité. Réponse de Bouderbala: Mon opinion et celles des autres membres de la CommissionIDV est claire sur la force des décrets-lois et leur légalité indéniable. Je ne vais donc pas faire le voyant! Quand les choses arriveront, nous lirons les éventuelles injonctions et nous verrons ce qu'il faudra faire à ce moment-là. Nous sommes convaincus de notre légitimité, mais nous attendrons. Lorsque le jugement viendra, nous tiendrons bon!. Encore une question pour aller au fond des choses à Bouderbala: Avez-vous eu des débats sur le partage des prérogatives de chacun dans un contexte de justice transitionnelle? C'est la première fois que nous sommes en face d'une justice transitionnelle en Tunisie, car celle-ci est foncièrement différente de la justice 'normale'; avec des règles mouvantes où entrent les facteurs psychologique et sociologique... Le juge a des lois claires mais, dans la JT, nous avons à faire face à des situations complexes, les gens peuvent ne pas donner leur nom, cela peut se passer dans le secret, la compréhension des choses est créée par les événements et tous les niveaux peuvent être atteints; elle n'a également pas de prescription, ni d'espace restreint, nous pouvons faire appel à toutes les compétences (internes et externes) et la justice ne le peut pas... Cela complique les relations entre les deux parties et impose un débat très large dans la société civile, répond-t-il.