Cela ferait partie du charme de Ramadan. Chaque année, des personnes, dans un excès de nervosité, s'affichent au regard des autres dans la rue, dans les marchés, dans les transports publics, proférant jusqu'à des insultes et provoquant jusqu'à des bagarres. Un des épisodes de la série «Khatiny» du duo Nourreddine Ben Ayed et Mongi El Ouni, qui a eu ses heures de gloire dans les programmes de télévision des années quatre-vingt-dix, a été consacré précisément à ce qu'on appelle communément «Hchichet Romdhane». On y voit un vendeur de fruits et légumes, excédé par les tergiversations de ses clients qui lui demandent la chose et son contraire, et gagné par la colère, jeter par terre toute sa marchandise et la détruire. Le feuilleton en question ne fait, certainement, comme tous les récits comiques, que grossir le trait. Nous ne sommes pas pourtant, quelquefois dans le quotidien du Ramadan, bien loin de la scène jouée par Nourreddine Ben Ayed et Mongi El Ouni. Cette cigarette et ce café qui leur font tant de mal! «Hchichet Romdhane», tout le monde a entendu parler de cette expression. Comme il devine ce qu'elle veut dire. «Hchichet», cela rime avec Hachich, donc drogue. Cela pour dire que tous ceux qui sont les auteurs d'excès de colère, subissent les effets de la «drogue» qu'ils consomment pendant toute l'année et dont ils s'abstiennent évidement en observant le jeûne: la cigarette et le café. La «Hchichet de Romdhane» n'est donc, pour l'essentiel, que l'affaire des gros fumeurs et grands consommateurs de café. Ces derniers vont, dit-on, après avoir avalé leur premier café et fumé leur première cigarette, jusqu'à s'étonner de leurs comportements de la journée. Ils n'arrêtent pas, alors, de «blâmer» cette cigarette et ce café qui leur font tant de mal! A observer que la «chicha» (le narguilé) n'est, pour ainsi dire, jamais évoquée comme responsable de cette «Hchichet Romdhane» pourtant c'est du tabac et elle peut produire la même accoutumance que celle produite par la cigarette. Enigme! Tout le monde connaît l'accoutumance des fumeurs à la cigarette et notamment l'effet de la nicotine. Les spécialistes appellent cela «la dépendance psychique». «Elle est due à l'action de la nicotine sur certains récepteurs des synapses du cerveau. Elle prend la place de certains neurotransmetteurs. Cela entraîne pour le fumeur une sensation de détente et de plaisir, une baisse de l'anxiété, et une psycho-stimulation». Un aspect folklorique certain L'effet de la caféine n'est pas moins important. Toujours, selon les spécialistes, les personnes consommant beaucoup de café peuvent présenter un certain effet d'accoutumance. «Celui-ci se manifeste chez les sujets sensibles par un état nerveux et des maux de tête lorsqu'ils sont privés de café» Même s'ils ne nient pas cet état de fait, les médecins que nous avons interrogés mettent en avant autre chose: une certaine psychose qui accompagne le jeûne chez une catégorie d'individus qui veulent croire que l'absence de café et de cigarette peuvent les rendre irresponsables de leurs actes. Sans oublier l'aspect folklorique de la question. «Beaucoup veulent maintenir cette croyance parce qu'elles leur facilitent la vie et donne un cachet particulier au mois saint», assure un médecin généraliste. Idem pour la baisse de l'activité au cours du mois de Ramadan, souligne ce dernier. Si l'on s'en tient à une hygiène de vie: on n'exagère pas au niveau de la nourriture, l'on dort tôt, on ne boit pas beaucoup de café et l'on ne veille pas jusqu'aux heures tardives, l'on s'en sort à merveille. En ajoutant qu'«à Paris, à Singapour ou encore à Kuala Lumpur (Malaisie) où l'on rencontre nombre de musulmans, la productivité ne baisse pas du tout en Ramadan». Revenons à «Hchichet Romdhane» pour signaler que tous les quartiers de la Tunisie disposent de personnages atypiques connus pour avoir «contracté» cette «Hcichet Romdhane». Ceux-ci constituent, au même titre que le brik à l'uf et le feuilleton de la soirée, des attractions. Il arrive que des jeunes et des moins jeunes- les provoquent pour assister au spectacle attendu. Histoire de rigoler un peu et de passer le temps. Et les concernés s'y prêtent au jeu!