Nos foyers deviennent de plus en plus submergés d'écrans : des téléviseurs aux ordinateurs en passant par les consoles de jeux et les téléphones portables. Un phénomène social qui prend de l'ampleur dans les foyers tunisiens où l'on peut compter jusqu'à quatre postes de télévision, à raison d'un poste dans chaque chambre, au moins un ordinateur familial, sans compter les laptops dont disposent les membres de certaines familles ; ajoutons à cela les consoles de jeux dont nos petits enfants ne peuvent se passer et le home-cinéma qui a fait irruption dans nos maisons depuis quelques années. Cette boulimie d'écrans a sans doute influé sur les rapports entre les membres d'une même famille, notamment sur les relations parents-enfants. Ces écrans qui envahissent l'espace familial chaque jour davantage peuvent causer un certain déséquilibre dans les relations familiales et favorise le repli sur soi en incitant les enfants à se plaire dans la solitude, bien que vivant au sein de leur famille.
L'écran, un danger pour les liens familiaux « Il n' y a pratiquement aucun contact entre nous, déclara un chef de famille, chaque soir, je trouve mes deux grands enfants cloués chacun devant son ordinateur, complètement absorbé par ses contacts sur Facebook ou sur d'autres sites de chat, parfois jusqu'à une heure tardive ; ma petite fille occupée dans sa chambre à regarder un dessin animé sur une chaîne privée de télévision ; quant à ma femme, entichée de séries turques, elle passe des heures entières, devant le grand écran LCD passant d'une chaîne à l'autre, en quête d'un nouvel épisode de son feuilleton favori. Moi, à mon tour, j'avouerai que je suis un grand internaute, j'utilise beaucoup mon laptop, surtout le soir, aussi bien pour mon travail que pour voir des films DVD. Ainsi, on passe toute la soirée chacun devant son écran, au point de ne plus trouver le temps à échanger une parole, à part « bonjour », « bonsoir » ou « bonne nuit ». même pendant les vacances, les heures passées devant l'écran se multiplient, c'est à peine si l'on arrive à organiser une petite sortie ou un séjour en week-end, tellement les enfants sont devenus tellement dépendants de leur ordinateur qu'ils ne peuvent pas s'en passer, même pendant les vacances ! » Les aveux de ce chef de famille qu'on trouve peut-être un peu trop permissif, ne semblent pas être un cas isolé ; au contraire, plusieurs familles vivent dans cette situation, d'autant plus que nos enfants, férus de ces moyens audio-visuels, en usent quotidiennement et sans répit. Les conséquences d'une addiction Cette dépendance de l'écran pèse sans doute sur le climat familial dans la mesure où elle provoque une rupture dans les relations parents-enfants. Les parents qui, à vrai dire, sont responsables de cette situation, ne cessent pourtant de se plaindre de la place prise par ces écrans dans la vie quotidienne de leurs enfants, devenus presque esclaves de l'écran. « Peut-on interdire à un jeune de 16 ou 17 ans de surfer sur le Net ou de chater sur Facebook ou MSN ? On peut à la rigueur l'empêcher de le faire à la maison en notre présence, mais dès qu'il se retrouve seul dans sa chambre, l'ordinateur devient irrésistible ! Même en dehors de la maison, il peut aller surfer ou envoyer des SMS dans un publinet. On n'y peut rien contre ces médias numériques qui pullulent partout à la maison comme à l'extérieur ; qu'on le veuille ou non, il faut s'y adapter, l'essentiel est qu'il ne faut pas trop en abuser ! ». Cette attitude est également partagée par pas mal de parents qui restent impuissants devant cette invasion d'écrans dans la vie de leur progéniture. Mais certains parents ne cachent pas leur inquiétude devant cette ruée des jeunes sur les différents écrans. « C'est la rançon du progrès, nous annonça un parent interrogé, l'ordinateur exerce aujourd'hui le même effet que celui exercé par l'avènement de la télévision dans les années soixante en Tunisie, cet engouement ne saura durer longtemps, bientôt l'ordinateur sera banalisé et un autre produit le remplacera peut-être qui, à son tour, transformera la nature des relations entre les individus ; l'homme n'a pas d'autre choix que de s'adapter aux nouvelles technologies ! ». Ce point de vue, pourtant logique, n'exclue pas le fait que certains parents sont inconscients du risque encouru par leurs enfants à force de s'adonner constamment à l'écran : fatigue visuelle, troubles musculaires, claustration et stress, relations virtuelles douteuses... En effet, de nombreuses études scientifiques ont démontré que, quand nous ne respectons pas certaines contraintes ergonomiques, l'écran de l'ordinateur peut devenir dangereux pour notre santé. Ce danger augmente considérablement quand nous passons plus de quatre heures par jour devant notre écran. Des affections sont liées à chaque partie du corps humain exposée aux risques de l'ordinateur. Sur le plan moral, les enfants peu avisés pourraient être exposés à des actes d'immoralité et de débauche de la part d'internautes sans scrupules, ou confrontés à des images violentes ou pornographiques, ce qui mène à des conséquences néfastes sur leur esprit et sur leur développement intellectuel et comportemental. Pour un bon usage de l'ordinateur Certains parents encouragent indirectement l'attachement de leurs enfants à l'écran sous prétexte de les garder le plus longtemps possible à la maison, un moyen de mieux les surveiller : « je préfère les voir devant leur ordinateur plutôt que dans la rue, nous a confié un parent de deux enfants. La rue est à l'origine de tous les problèmes. Les risques de l'écran sont minimes par rapport à ceux de la rue où les enfants sont incontrôlables et où la tentation est plus grande : ils peuvent se mettre à fumer, à se bagarrer, à choisir de mauvaises fréquentations…et puis, l'ordinateur est devenu un outil indispensable pour l'enfant, on ne peut pas l'en dissuader » Ce parent ignore peut-être que l'écran pourrait se révéler une addiction plus grave et qu'un contrôle parental doit être toujours de rigueur. La création d'associations en vue de lutter contre cette cyberdépendance s'avère nécessaire : elles auront pour tâche de sensibiliser les jeunes aux dangers de l'écran et à l'utilisation à bon escient de l'ordinateur.
Hechmi KHALLADI
*** Quelques chiffres Voici les dernières statistiques relatives au secteur des technologies de la communication (fin août 2009)
- Parc d'ordinateurs : 1,110 million contre 810.000 fin août 2008.
- Nombre d'internautes : 3,2 millions, soit un taux d'évolution de 38,5% en un an.
- Capacité de la bande passante d'Internet : 17,5 Gb/s contre 5,1 Gb/s il y a un an.
- Nombre de sites web tunisiens : 8807, soit un taux d'évolution de 39,3% en un an.
- Nombre de noms de domaines : 12.265, soit un taux d'évolution de 10,5% en un an.
- Nombre de centres d'appels : 219, soit un taux d'évolution de 18,5%.
- Nombre de salariés dans les centres d'appels : 17500
- Nombre de centres de travail à distance : 7 cyberparcs abritant 57 entreprises offrant 608 emplois.
*** Les risques
Travailler sur un écran plusieurs heures au cours de la journée peut entraîner :
- Une fatigue visuelle caractérisée par des maux de tête, des picotements, des rougeurs et une lourdeur des globes oculaires, un assèchement de l'œil dû à une forte sollicitation de la vue. Cette fatigue est intensifiée par le manque de confort ergonomique du poste de travail (reflets d'écran, mauvaise posture, longue durée d'exposition…)
- Des troubles musculo-squelettiques (TMS) provoqués par une posture statique pendant plusieurs heures, souvent mauvaise. Ils sont localisés au niveau des poignets, de la nuque, des épaules et de la région lombaire essentiellement.
- Du stress lié aux contraintes de temps, à la diminution des délais, aux injonctions paradoxales.
- Sur le plan psychologique, dès l'âge de 9-10 ans, des enfants peuvent trouver dans les jeux en réseau des tuteurs, maîtres virtuels et autres substituts parentaux qui leur feraient défaut dans la «vraie vie». Avec les dangers que cela comporte