WMC : Quelques années après l'entrée en exploitation du champ pétrolier d'El Borma, l'Algérie a ouvert un forage juste de l'autre côté de la frontière avec des moyens immenses pour pomper dans la nappe et certains ont dénoncé ce comportement. Le dossier va-t-il être rouvert pour que la Tunisie rentre dans son droit? Mohamed-Lamine Chakhari : Il faut d'abord comprendre que les 3/4 du gisement d'El Borma se trouvent en Tunisie et seulement le 1/4 en Algérie, et quand les Algériens ont entamé leur forage après nous dans les années '70, nous avons peu après injecté des eaux dans le gisement pour élever un mur et préserver notre production. En vérité, personne n'a rien pris à personne et, depuis lors, nous n'avions plus de contact avec l'Algérie en ce qui concerne El Borma. Seulement, à un certain moment, nous avions parlé de communauté d'exploitation d'El Borma entre nos deux pays mais l'idée resta sans suite. Pour l'avenir, il faut bien tenir compte du fait qu'El Borma, qui est parmi nos gisements les plus importants, arrive à sa fin après 40 ans d'exploitation. Un déclin naturel qui est de notoriété publique. Avec des prix du baril au-dessus des 100 dollars, avez-vous un programme pour réactiver les sites dits à coût élevé? Avec la hausse des prix, nous nous intéressons très sérieusement aux sites coûteux. Nous avons trouvé 25 petits sites qui sont entrés en exploitation et notre législation a été améliorée pour aller encore plus loin dans ce sens. Nous allons également développer les sites non-standards qui nécessitent des techniques nouvelles (fracturation hydraulique, puits horizontaux...) et nous voulons aussi attirer des entreprises nouvelles dans ce domaine. Cependant, pour avancer, il faut un climat... ce n'est pas seulement le coût qui est en jeu, c'est le climat d'investissement général en Tunisie; nous voulons améliorer les questions des réglementations, avec l'intérêt de la Tunisie comme seul a priori. Le climat social est passablement instable depuis 2011, même s'il commence à se rasséréner, et il faut bien s'imprégner de la réalité que les investisseurs n'investissent pas s'ils ne savent pas que leurs intérêts seront préservés. Il faut les comprendre alors, dans le domaine des hydrocarbures, il est question de sommes astronomiques à débourser pour louer certains matériels et, alors que certaines personnes créent des situations de crise, l'immobilisation de ces matériels coûte des fortunes et les investisseurs finissent par abandonner. Nous savons que les médias peuvent influer dans ce domaine. Nous voudrions que vous demandiez à tous de se calmer et de penser aux intérêts supérieurs de la Tunisie. Car les choses en sont arrivées au point que certains sit-inneurs dans le secteur des hydrocarbures prétendent travailler en lieu et place des techniciens sans être des spécialistes pour la seule raison qu'ils sont de la région. Ils génèrent ainsi de l'impatience chez les investisseurs dont nous avons besoin en tant qu'investisseurs et en tant que porteurs de technologies. Au moment où le gouvernement ne cesse de clamer qu'il encourage résolument l'investissement privé, comptez-vous vous engager dans la privatisation des services de l'énergie (projets de centrales éoliennes, électriques, hydrauliques...)? De ce point de vue, nous sommes sur ce chemin; à Radès nous avons deux générateurs dont l'un est la propriété d'opérateurs privés. Nous avons en programme deux autres centrales et nous allons les proposer aux investisseurs privés. Mais il ne faut pas oublier que l'électricité est aujourd'hui compensée et la STEG paye la différence; et il faut donc s'imprégner de la réalité des entreprises qui pourraient investir pour baisser la pression sur la STEG et se demander comment elles conçoivent le côté financier des choses. Spécialement dans les éoliennes, c'est un autre genre d'électricité au moment où le réseau de la STEG a une capacité de réception d'une électricité de différente nature. C'est un problème à résoudre mas il reste que les énergies renouvelables sont à l'étude au plus haut niveau; au moins parce qu'elles sont demandées au niveau mondial pour exportation, notamment vers l'Europe. Il s'agit de projets de 10 mille milliards et plus et c'est aussi une question de prestige, en plus de la création d'emplois et de ce qui va nécessairement suivre, en arrière-fond, en usines pour soutenir la chaîne de production dans ce domaine. A Bizerte, par exemple, le même domaine a donné à la Tunisie une expérience et un renom mondial, avec une compétitivité au plus haut niveau.