Au cours d'une cérémonie organisée le 17 mai dernier au sénat français, s'est déroulée la 6ème édition du Prix du meilleur jeune économiste, en présence de Thierry Breton, ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, de Jean Arthuis, ancien ministre de l'Economie, président de la commission des finances du Sénat, et des représentants du journal Le Monde Economie comme du Cercle des économistes. Les deux lauréats ex-aequo du prix 2005, à savoir Esther Duflo et Elyès Jouini, sont en effet représentatifs de cette génération soucieuse de contribuer à bâtir, en matière de pensée économique, une sorte d'«espace intellectuel européen», pour reprendre l'expression de l'un des candidats, susceptible d'offrir un écho tout à fait légitime à la «fureur de penser» qui caractérise encore le monde économique anglo-saxon. Même si elle a choisi d'enseigner au Massachusetts Institute of Technology où elle a passé son doctorat, Esther Duflo participe à ce mouvement. Spécialisée dans les questions de développement, cette économiste, âgée de 32 ans, qui avait fait l'objet d'une nomination lors de la remise du prix 2003, était un peu seule lorsqu'elle s'est lancée dans cette discipline au sein du prestigieux MIT de Cambridge (Etats-Unis). Elle a depuis fait des émules, ainsi qu'en témoigne le succès du laboratoire d'action contre la pauvreté qu'elle a créée. Tout juste âgé de 40 ans, Elyès Jouini a, lui, un parcours de financier pur. Faisant partie de l'équipe des fondateurs d'ESPRIT (Tunis), Elyès Jouini est un ancien élève de l'Ecole Normale Supérieure de la rue d'Ulm, Elyès Jouini est agrégé de Mathématiques, docteur et habilité dans cette discipline ; ses travaux ont apporté des contributions essentielles dans les applications des mathématiques à l'économie et aux finances. Ce qui fait de lui un spécialiste de marchés financiers, de leur fonctionnement comme du comportement des agents qui s'y côtoient. Pour lui, il est possible de prétendre à une place honorable dans la sphère financière sans être contraint de s'expatrier aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne. Il a été, durant les années 1992-1996, professeur associé à l'Université de Tunis, contribuant notamment aux côtés d'autres fondateurs d'Esprit- à la mise en place au sein de l'IPEST de concours d'agrégation de Mathématiques. Il est également embre de l'Institut Universitaire de France, et fait partie de mathématiciens les plus brillants de sa génération. Cette distinction, qui vient reconnaître des talents scientifiques exceptionnels doublés d'un fort engagement constructif dans la société, honore tout particulièrement l'institut d'enseignement privé « Esprit » qui se flatte de le compter au nombre de ses fondateurs, comme elle honore l'université tunisienne et notre pays tout entier. Pourtant, il y avait d'autres candidats très cotés, à savoir Benoît Coeuré et Benoît Mojon, qui ont surtout publiés des travaux sur des questions macroéconomiques en résonance avec l'actualité. En effet, issu de l'Ecole polytechnique où il enseigne actuellement tout en occupant les fonctions de directeur général adjoint à l'Agence France-Trésor chargée de gérer la dette de l'Etat, Benoît Coeuré est notamment un spécialiste reconnu des questions monétaires, européennes autant qu'asiatiques, auxquelles il a consacré de nombreuses études. Pour sa part, Benoît Mojon, docteur en économie, qui enseigne à Aix-Marseille-II et assure parallèlement la fonction d'économiste principal à la Banque centrale européenne, a consacré nombre de ses travaux aux questions liées à l'inflation à l'intérieur de la zone euro. Le point commun entre les deux lauréats et les deux nominés c'est qu'ils affichent tous une volonté commune : poursuivre un parcours de chercheur, universitaire et académique, qui leur éviterait de tomber dans le travers de l'«économiste prédicateur» tel que s'emploie à le dénoncer Robert Boyer. S'exprimant sur les «espoirs déçus» d'une science économique qu'il estime «loin d'être achevée», l'auteur consacre une longue explication au fait de savoir pourquoi, «à défaut de le comprendre, les économistes transforment le monde». Il souligne que nombre de théoriciens de l'économie «avouent ne pas comprendre la logique des évolutions contemporaines, le plus souvent non-conformes aux prédictions tirées de leurs modèles», par exemple le chômage, l'instabilité financière ou le non développement. De fait, déplore-t-il, l'économiste devient trop souvent «un technicien dont la légitimité ne s'appuie pas sur des résultats scientifiques validés par l'expérience. Dans certains cas, il devient même un prédicateur». Rappelons que le Prix du meilleur jeune économiste a été créé en 2000 par Le Monde Economie et le Cercle des économistes, à l'image de la prestigieuse médaille John Bates Clark, attribuée tous les deux ans au meilleur économiste américain âgé de moins de 40 ans. Sans prétendre un seul instant à l'éclat de la médaille John Bates Clark, cette distinction a permis d'honorer au cours des cinq dernières années de jeunes chercheurs et chercheuses français dont les travaux font autorité, par la qualité de leur démonstration théorique mais aussi par leur ancrage sur le réel, leur prise directe sur les problèmes économiques et sociaux du moment.