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Tunisie : L'aide au développement, comment se dégager de la «trappe de la pauvreté» ?
Publié dans WMC actualités le 01 - 04 - 2010

Parler pauvreté c'est prendre le risque de ne pas être lu, redoute Esther Duflo. Force est de constater qu'elle s'est donné les moyens de savoir et de notoriété pour donner de la voix et se faire entendre. Elle est chef de file de la nouvelle école de l'aide au développement. Elle ne jure que par l'évaluation des effets sur terrain, des programmes d'aide qui visent à faire reculer la pauvreté. Esther Duflo a fait un séjour parmi nous à l'invitation de l'Institut Français de la Coopération (IFC). Le jeudi 25 mars, elle a donné une conférence sur «l'évaluation des politiques de développement».
Un vibrant cri du cœur
Le sujet est de première priorité et son actualité nous interpelle. Les chiffres sont terribles : 1,5 milliard d'individus vivent en dessous du seuil de pauvreté, soit moins de un dollar par jour. Près de 27 millions d'enfants ne reçoivent pas les vaccinations nécessaires. Chaque année plus de 500.000 femmes meurent en couche alors qu'elles s'apprêtaient à donner la vie. Pas loin de 7 millions d'enfant meurent de malnutrition avant d'atteindre un an. Et, ce qui est plus révoltant, des poches d'indigence apparaissent de-ci de-là dans les pays développés. La cartographie de la pauvreté, cette malédiction qui frappe les moins nantis d'entre nous, est restée la même et elle fait ses métastases dans les économies avancées. Comment, dès lors, sortir de la trappe de la pauvreté, s'exclame Esther Duflo ?
Une affaire de mal gouvernance
Il y a bien eu jusque-là de la mal gouvernance dans la gestion de l'aide au développement de part et d'autre. Des financements sont mis en place mais il n'y a pas eu à proprement parler un audit exhaustif pour évaluer les résultats d'ensemble et savoir ni comment ni pourquoi ça ne marche pas comme souhaité, soutient Esther Duflo. On comprend sa rage. Son interrogation relève du bon sens.
On ne peut que se joindre à ce constat crève-cœur d'autant que nous disposons d'un arsenal bien garni d'idées, de théories et d'outils pour éradiquer la pauvreté, ajoute la conférencière. Ce qui a fait défaut, c'est une haute mission d'ensemble. C'est cette logique qui la pousse donc à se démarquer de ce fait jusque-là et de s'en remettre à une démarche innovante qui consiste à mesurer scientifiquement les effets des programmes d'aide au développement.
Avec un peu de rage et beaucoup de lucidité, elle dit que l'économiste qui veut féconder l'aide au développement doit se sentir plus proche du plombier, prompt à arrêter une fuite par-ci, dégager une canalisation par-là, qu'au physicien qui cherche à dégager les grandes lois du monde.
L'intelligence du milieu
Elle a conduit en Inde, à Madagascar, au Maroc ou au Kenya, aux quatre coins du monde et même en France des expériences ciblées et qui ont donné les résultats escomptés parce que l'approche appliquée était nourrie de cette touche pragmatique, très terre à terre, littéralement empirique. Comment pensez-vous s'y prendre pour amener une population au fin fond de l'Afrique à se faire vacciner ? En mobilisant de gros moyens pour sensibiliser les gens et les convaincre de l'intérêt de l'opération ? En les contraignant peut-être ? En annonçant la gratuité du vaccin.
Des solutions a priori rationnelles ont toutes échoué. Instruits des motivations des gens, les co-équipiers d'Esther Duflo ont trouvé les termes du deal pour avoir été sur le terrain et étudié la réalité des gens concernés. Ils ont proposé un sac de lentilles à chaque candidat à la vaccination et toute la population accourt. Cette méthode s'inspire des essais chimiques employés en recherche pharmaceutique pour évaluer les effets des médicaments en comparant des groupes aléatoires à des groupes témoins. Il y a une part de tâtonnement. On lance une action spécifique et on compare les résultats obtenus dans les localités concernées avec la situation de régions qui n'en ont pas bénéficié et on tire les conséquences. Cela tranche radicalement avec les grandes actions théoriques.
Des solutions choc
Des écoliers africains séchaient les cours, au-delà de la normale. D'emblée on cherche à susciter chez eux un intérêt pour étudier et on s'est embarqué dans plusieurs pistes. Il avait été question de réduire le nombre d'élèves par classe. Puis on a penché à enrichir la bibliothèque de l'école. Et on a découvert que la distribution de médicaments vermifuges avait réduit l'absentéisme de plus de 25%. L'absentéisme ne venait pas d'une volonté de déserter mais bien d'un ennui de santé qu'on a pu éradiquer avec un budget dérisoire (le coût était d'un demi-euro), l'équivalent de 900 de nos millimes par écolier.
Esther Duflo est engagée sur un problème similaire en France. On a penché un moment pour redresser les comportements inciviques dans les écoles à supprimer les allocations familiales afin de pénaliser les parents pour n'avoir pas su dispensé un minimum d'éducation à leurs enfants. Illico presto, Esther Duflo et son équipe ont mis le holà. La solution répressive serait, prévient-elle, contre productive. On ne peut traiter par les représailles un problème comportemental si révoltant qu'il soit. Les questions des bonnes mœurs et des bonnes pratiques demandent des solutions parfois aux antipodes des solutions par trop rationnelles. Au Népal, les autorités ont cherché à aller vers la parité dans la représentation démocratique et ne savaient comment trop s'y prendre pour faire reculer la discrimination à l'égard des femmes. Le moyen le plus sûr était de leur mettre le pied à l'étrier et dans les régions pilotes où les femmes ont accédé à des postes de commandement. La question avait disparu de la scène. Une fois encore, l'on s'aperçoit que la sensibilité du terrain inspire des solutions audacieuses et innovantes qui coûtent le juste prix et ramènent les résultats escomptés.
Le deuxième souffle de l'aide au développement
Esther Duflo souligne que l'aide au développement rappelle que l'aide au développement est en ballottage et qu'elle est vraiment à la croisée des chemins. Les adeptes de l'aide, menés par le chanteur BONO, plaident becs et ongles en sa faveur, encore faut-il qu'ils trouvent les arguments pour convaincre. Les opposés à l'aide, ceux qui considèrent qu'un demi-siècle d'aide a au mieux servi à encourager la corruption dans les pays récipiendaires sans toutefois les aider à s'affranchir de l'assistance. Esther Duflo s'interpose entre les deux courants et plaide pour des aides ciblées avec des résultats à la clé. Cette voie dite de l'expérimentation créatrice ne nous semble pas une voie alternative mais bien complémentaire avec l'aide globale au développement.
Le champ d'application de l'expérimentation créatrice est trop ciblé, trop circonscrit. Esther Duflo rapporte comment il a été difficile de convaincre des paysans africains, trop indigents, à épargner pour acheter des engrais et par conséquent améliorer leurs revenus. Il a fallu subventionner l'opération, en partie. Une action globale, de notre point de vue, aurait été plus opportune. Avec les engrais, il fallait proposer des structures mutualistes pour des engins agricoles, des chambres de stockage pour permettre aux paysans de se doter d'un certain ascendant face aux «intermédiaires». Le secteur avait besoin d'une réforme globale, pensons-nous. Et dans cette perspective, les paysans auraient, nous le pensons, adhéré.
Esther Duflo, “Wonderwoman” de l'économie
Elle est, d'une certaine façon, enfant de notre pays. Ses parents ont exercé en Tunisie en tant que coopérants. Esther Duflo est venue à l'économie en faisant des études d'histoire. Elle a étudié les structures de planification de l'URSS (Union des Républiques socialistes soviétiques), et à partir de là, s'est passionnée pour les questions économiques. Depuis, elle a bifurqué, passant à l'ouest et c'est à Harvard qu'elle obtient son doctorat d'économie et finira par y enseigner aux côtés du Célébrissime Jeffrey Sachs. Le Collège de France, lui offre une chaire d'enseignement pour une année, malgré son jeune âge.
Esther Duflo a été lauréate de plusieurs prix dont celui de meilleur plus jeune économiste de France (moins de quarante ans) ex æquo avec un autre Tunisien, Elyès Jouini. En 2008, la prestigieuse revue américaine Foreign Policy l'a cité dans la liste des 100 intellectuels les plus influents. Nous voyons en Esther Duflo un excellent espoir pour rapprocher l'école française du développement fondée par Alfred Sauvy et celle américaine dont elle est une des animatrices. Elle sera, dans la tradition de «Lafayette», la Marianne d'un «mind-bridge» entre les deux rives de l'Atlantique pour amener l'Oncle Sam à plus de générosité en faveur du développement.


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