La recapitalisation de la STB vient remettre sur la table la question controversée du dimensionnement du rôle du secteur bancaire dans le financement de l'économie. Portée et limite d'un discours sur l'assainissement et la restructuration du secteur bancaire. La STB va voir son capital porté à 250 MDT. La grande dame du système bancaire sera renflouée alors même qu'elle s'apprête à publier un bilan plombé par les pertes. Après feue la Banque du Sud, c'est la deuxième fois sur la place qu'une banque brave le tabou et publie un bilan déficitaire. Fallait-il user de ce point de levier pour appeler l'attention des pouvoirs publics que la barque STB était surchargée. C'est la STB, faut-il le rappeler, qui a pris sur elle le sur-effort du financement de l'industrie manufacturière. C'est elle également qui a pris sur le dos les passifs du secteur touristique en absorbant la BDNT, gigantesque distributeur à billets du secteur touristique, et enfin la BDET. Par delà l'événement, la question qui se pose aujourd'hui est de savoir si l'on va continuer à épiloguer sur la question de la restructuration du secteur bancaire. De vraies questions devenues des lieux communs La recapitalisation des banques est un acte de salut financier. Le secteur est plombé par les fameux NPL -ces Non Performed Loans-, autrement dit les crédits non performants. L'ennui est que ce phénomène universel pèse plus chez nous qu'ailleurs. Notre proportion nationale est au double de la moyenne mondiale. Un effort de rattrapage considérable a été réalisé, mais reste encore insuffisant. De 24% en 2003, le taux est passé à 13,7% en 2011 pour une moyenne mondiale de 5%, environ. Le toilettage des bilans par une cession des créances vers les sociétés de recouvrement a aidé un peu. Mais le problème demeure et tout le monde s'accorde à dire que cela bride la participation du secteur au financement de l'économie. C'est même à l'origine d'une fuite d'activité. Pour se refaire une santé, les banques se réfugient dans l'immobilier et les crédits aux particuliers. La riposte était qu'il fallait recapitaliser les banques, cela ne fait pas de doute. Et, qu'en plus, il fallait restructurer le système. Une proposition de holding entre les trois grandes banques publiques était avancée. Elle fut abandonnée au profit d'un projet de fusion entre la STB et la BH, lequel n'a pas abouti. Ces solutions sont devenues des lieux communs, et personne n'a avancé en direction d'une formalisation réelle de la restructuration du système dans son ensemble. Et puis, si l'on résout la question pour les banques publiques, comment faire avec les banques privées, dont les plus performantes sont opéables? La vraie-fausse question de la masse critique Les ténors de la restructuration bancaire considèrent que la taille est la réponse à tous les maux du secteur. Nous avions évoqué la question avec feu Faouzi Belkahia, il y a de cela quelques années. Sa réponse était toute, de bon sens. Les banques tunisiennes sont à la taille de la majorité des banques américaines, par le total de leur bilan, qui sont au nombre de 7.000 environ encore à ce jour. Il n'y a donc pas un «mal bancaire tunisien» propre. Par ailleurs, ajoutait-il, rien ne prouve, a priori, que la taille garantit le relèvement de la rentabilité. Quant aux adeptes du concept d'un champion national qui pourrait s'imposer dans le peloton des cinquante grandes banques africaines, ils sont donc à court d'arguments. Et, nous ajouterons que la question peut se résoudre soit par la taille, soit par la puissance du métier de base. La Banque de l'Habitat opère sur un concept, tous terrains, qui peut être transposé partout. Voilà un champion, non point en muscles, mais en expertise professionnelle. Commençons par «l'exporter», et chemin faisant on pourra voir si on peut intercaler les autres enseignes. En tout, il faut de la mesure et de la méthode. Commençons par expérimenter ce qu'on a sous la main. L'impératif d'un financement direct et non par la dette Que le secteur bancaire se trouve en mal de gouvernance, personne ne peut le contester. Qu'il soit sous-capitalisé, ne fait pas de doute. Mais s'il persiste dans la contreperformance ce n'est pas tant qu'il manque de professionnalisme mais qu'il est par trop saigné, vampirisé, par une économie sans capital. On fait faire au système bancaire un franchissement d'espèces en l'impliquant dans un financement tous azimuts d'une économie d'où les vecteurs de capital sont absents. On a accepté de résoudre la moitié du problème avec la création de la Caisse des dépôts et Consignation. Sans le support d'un fonds d'investissement destiné au secteur privé, à la taille des besoins du pays, nous continuerons à traiter perpétuellement les carences du système bancaire.