La Tunisie, comme tout pays, a des particularismes. Doivent-ils être gommés ou plutôt encouragés? La question a été débattue, le 21 juin 2013, au siège de l'IACE, et a nourri une riche réflexion. La diversité politique, mais aussi raciale, régionale et culturelle, peut-elle être affirmée sans risques majeurs pour les démocraties naissantes en Afrique? La question a dominé une partie des débats de la table ronde, organisée le 21 juin 2013 au siège de l'IACE (Institut arabe des chefs d'entreprise), à Tunis, et consacrée à la présentation du chapitre réservé à la Tunisie dans le rapport africain sur la gouvernance des élections. Elle s'imposait d'autant plus que dans plus d'un pays la Tunisie ne fait pas exception- des divisions sont apparues avec notamment l'émergence des contestations du «printemps arabe». Pour certains, cette diversité n'est pas toujours salvatrice. Ainsi, pour Basma Chaouech, enseignante à la Faculté de Droit et des Sciences Politiques (FDSPT) de Tunis, la présence, par exemple, de quelque 150 partis politiques n'est pas l'expression d'une pluralité réelle dans le pays. Mais plutôt d'une réaction des acteurs politiques née d'une longue période de dictature. Pour d'autres, cette diversité est une «valeur» importée pour créer la «zizanie»: en somme, diviser pour régner. D'ailleurs, de plus en plus, «les élections qui ont cours en Afrique sont un facteur d'instabilité», a assuré Francis Ikomé, représentant de la Commission économique des Nations unies pour l'Afrique. Réviser ses choix Autre son de cloche: la diversité n'est point dangereuse. Elle peut même exprimer une richesse du terroir et une capacité à vivre ensemble et de s'accepter mutuellement. Elle doit, donc, être acceptée et encouragée. Le Maroc l'a fait sans risque. Loin s'en faut. Il a fait de l'Amazigh une langue officielle. Comme il a intégré, dans le préambule de la Constitution du 1er juillet 2011, «la convergence des composantes arabo-islamique, amazigh et saharo-hassanie» dans le ciment marocain à travers l'histoire et l'enrichissement apporté par les «affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen». N'est-on pas obligé de toute façon, pour préserver la paix sociale dans un pays, d'accepter cette diversité? Par exemple la société civile s'est renforcée, en Tunisie, aux dépens de l'Etat, a souligné Asma Nouira, enseignante à la FDSPT. Et peut, de ce fait, obliger l'Etat à réviser ses choix. De toute manière, l'«Arouchia», une sorte de tribalisme, a toujours existé en Tunisie, et existe encore même si elle a pris une autre forme (le régionalisme), a fait remarquer Abdelaziz Essayem, enseignant à l'ISCAE (Institut supérieur de la comptabilité et de l'administration des entreprises). Peut-on nier, par ailleurs, l'existence d'une communauté juive même si elle est faible (1.500 personnes) ou encore «noire» qui fait entendre de temps à autre sa voix? Pour exprimer son souci d'être moins «exclue»? Peut-on nier que des catégories sociales comme les jeunes, les femmes ou encore les TRE (Tunisiens Résidents à l'Etranger) sont des catégories qui ont et expriment des «particularités»? Le tout est que cette diversité ne puisse pas mettre en cause l'unité nationale, a insisté Hédi Ben Mrad, ancien doyen de la FDSPT. Mais de là à consacrer dans les textes cette diversité, c'est une autre histoire. Un autre débat. Que la Tunisie sera peut-être un jour obligée de mener. On ne peut toujours taire les particularismes. Comme on ne peut vivre constamment en vase clos.