Homme de décision, BCE parle comme un chef. En prenant l'initiative d'une offre de retrait dans l'honneur, mas rapide, au gouvernement Laarayedh, BCE s'octroie le leadership national. Bien joué. S'exprimant le dernier, BCE savait, en stratège averti, qu'il aurait le beau rôle. D'expérience, celui qui s'empare de l'initiative en politique devient maître du jeu. Il a bien ruminé son retour sur la scène et, de ce fait, a adapté le moment propice pour annoncer l'épilogue. Et c'est ce qui a donné du relief à son propos et de l'aplomb à sa proposition qui devient ainsi quasiment exécutoire. Les concertations avaient trop duré et on ne voyait rien venir. Le mot de la fin ne venait pas et il s'est donné l'occasion pour dire stop, à présent il faut tourner la page. Le compte à rebours a-t-il pour autant commencé? La partie est terminée, il faut repartir du bon pied Le choix des mots a beaucoup joué dans l'intervention de BCE. L'instant est grave et il faut sauver la patrie. La messe est dite. Il a choisi d'être pondéré. C'est sous cette allure que l'on peut interpeller la majorité silencieuse, c'est-à-dire le bon peuple, ce socle de la légitimité. Sa trajectoire militante dans le parcours de l'indépendance lui a enseigné que le peuple est capable de tous les sacrifices sous réserve qu'on lui tienne un langage de raison. Et, il s'y est tenu. Il n'a pas versé dans la surenchère, ni pyromane ni sapeur pompier. La juste mesure. Il a bien montré la responsabilité du gouvernement dans le traitement docile de la question du terrorisme. Mais n'a pas cherché à l'accabler. C'étai la démonstration qu'il avait le sens de l'Etat. Mais cela donnait plus de poids à sa sentence finale. Le gouvernement est fautif, il doit partir. C'est sans appel. C'est sans vindicte. C'est une conclusion de raison. Elle tombe sous le sens. De par sa retenue, c'est lui qui soufflera le chaud et le froid. Le gouvernement a mis le pays dans une situation inédite, précisera-t-il à Hamza Belloumi, qui a utilisé le qualificatif de catastrophique. Il ne faut pas faire paniquer le bon peuple et lui faire perdre la tête. Le peuple doit comprendre, dans la lucidité et, en effet, quand BCE soutient que le gouvernement ayant mis le pays dans cet état est incompétent pour le redresser, cela encore tombe sous le coup du sens. C'est inévitable, tant c'est rationnel. Il se trouvait en cohérence avec lui-même quand il annonce l'ultimatum pour la fin de la semaine. Une offre qu'on ne peut pas refuser Impérial, BCE avait l'accent churchillien. Avec une savante théâtralité, il indiquait la sortie au gouvernement actuel. C'était épique, tant c'est authentique. En exigeant la reddition du gouvernement, responsable de ce passif lourd, il lui propose en même temps un armistice. Il n'y aura pas d'inquisition, pas plus qu'il n'y aura de bûcher, ni de guillotine. Il a bien fumé le calumet de la paix avec Rached Ghannouchi, à l'hôtel le Bristol, enseigne hôtelière encore plus prestigieuse que le Crillon, mitoyenne du Théâtre Marigny et à deux encablures du palais de l'Elysée; il ne cherchera pas à voir son scalp. Et en Grand Sachem, il n'a pas la langue fourchue. N'étant pas adepte du double langage, quand il prend langue avec un partenaire, c'est jamais pour le rouler dans la farine. Il reconnaît à Ennahdha sa place dans la scène politique nationale, ce qui vaut réhabilitation démocratique pour ce parti. Quand BCE décrète, en toute solennité, demandant au peuple de le suive dans ce choix, qu'Ennahdha doit figurer dans le cénacle démocratique national, il lui donne son sauf-conduit et en même temps en devient le protecteur. Ensuite, en homme de parole, il saura s'y tenir parce que dans son intervention, BCE a montré qu'il est capable de calmer le jeu. Il a bien désavoué la chasse aux sorcières dans le cadre de la campagne Errahil, sans renier son leadership du FSN et sans accabler les autres dirigeants du mouvement. De la sorte, il ne casse pas la dynamique de contestation populaire et ne provoque pas de lézarde dans le mouvement. Chapeau bas ! Par conséquent, quand il indique la sortie au gouvernement Laarayedh, ce n'est pas pour l'envoyer aux gémonies mais c'est d'une certaine façon pour le délivrer de son noviciat et pour épargner la patrie. Tout indique qu'il sera entendu, pour avoir mis la raison et le bon peuple de son côté. S'il n'avait pas existé, il aurait bien fallu l'inventer, celui-là!