Le Chott Jérid risque de ne plus être desservi par liaisons aériennes, déjà en net recul. Cela ferait souffrir davantage le tourisme, et la région pourrait se trouver en stress de croissance. Les enfants du pays s'essaient à un lobbying proactif. Bonne mobilisation citoyenne. Le Jérid est en émoi. Le flux de visiteurs et de touristes étrangers va en s'étiolant: 80.000 en 1985, 20.000 en 2011 et presque rien demain. La cause? La baisse des fréquences aériennes. Celle-ci s'accélère tout particulièrement ces derniers temps, à coup d'annulations et de déprogrammation. La desserte aérienne pourrait même quasiment s'arrêter. Priver Tozeur et Nefta des flux de touristes c'est étouffer l'activité économique dans la région. La population manifeste son mécontentement, à sa manière, c'est-à-dire avec beaucoup d'esprit. L'humour du Jérid est cérébral et métaphysique et fait une place surréaliste au ciel. Cette fois le ciel risque de raréfier sa manne et c'est pour cela que les enfants du pays se mobilisent pour alerter l'opinion et apostropher les pouvoirs publics ainsi que les transporteurs aériens afin de prévenir une catastrophe de l'écosystème du Jérid. Faute de liaisons aériennes, la région se trouverait enclavée et replongerait en autarcie. Une réunion des sympathisants du Jérid a eu lieu vendredi 18 octobre pour cogiter sur les solutions à prendre. Quels sont les divers choix possibles? Il n'y a pas de demande sur la ligne Les transporteurs aériens, Tunisair et sa filiale Tunisair Express en tête, désertent l'aéroport de NeftaTozeur. Les vols internationaux à partir de l'Europe et de Paris, notamment, font des taux de remplissage inférieurs au seuil critique. La compagnie soutient qu'il y a une insuffisance manifeste de la demande sur Tozeur. Elle a eu recours, dans un premier temps, à l'annulation des vols. Et depuis un moment, la rumeur court que ce sera la déprogrammation pure et simple. Au bout du compte, pour se rendre à Tozeur, les touristes doivent transiter par Tunis pour prendre des vols de correspondance sur des avions de Tunisair Express, filiale pour les vols intérieurs. Mais les avions mobilisés sont de type ATR de 70 passagers, soit une capacité moindre que les airbus de Tunisair, avec 160 sièges. Il y a là un double inconvénient. Les touristes, du fait des horaires mal alignés, sont obligés parfois de sacrifier une journée à l'aller et une journée au retour, ce qui gâche le séjour. Et les capacités d'avions ne suffisent pas à drainer assez de touristes vers les hôtels. Tunisair, mère et filiale soutiennent que leurs pertes cumulées sur la ligne sont de 3 millions de dinar par an. En cette année où le groupe fait des pertes record, et qu'il déciderait -à présent que Tunisair Express est en dormance- de laisser un courrier épisodique, cela revient tout simplement à un élagage pur et simple. Le mal vient de plus loin Le Chott Jérid est un biotope exceptionnel. Il alterne six ou sept aspects géographiques dans une palette féérique où se succèdent la palmeraie, les oasis de montagne, la mer de sel, les étendues minérales et des mers de sable vallonnées de dunes dessinées par le génie de la nature. Ce serait un endroit quasi unique pour le pourtour sud de la Méditerranée. Il est vrai que le site est envoûtant et qu'il provoque chez le visiteur l'émerveillement des sens. L'ennui est que ce site n'a pas été aménagé en phase avec son individualité physique. Et là encore on subit une double faute. On y a dupliqué les hôtels des stations balnéaires avec des capacités au dessus des moyens d'accueil du site. Le fait est que le dépaysement n'y est pas garanti. Des hôtels grands comme des cathédrales difficiles à remplir et sans l'animation appropriée. Les touristes s'y ennuient. Le Sahara doit réserver des divertissements de grand spectacle du genre des rallyes raids. Les recettes de choc font défaut. La station, tout en s'étant fait un nom, n'est pas devenue une destination grand public. C'est une niche qui compte un segment d'amateurs qui continuent à venir. Mais ils ne font pas le nombre, voilà le drame. Et c'est particulièrement contrariant en période de vache maigre pour les transporteurs aériens. Tunis doit jouer le rôle de hub pour Tozeur Les enfants du pays s'égosillent pour rappeler que la cessation de la desserte aérienne revient à un enclavement de la région, la replongeant dans l'autarcie. Prés de 1.000 emplois directs dans le tourisme et 3.500 en indirect seraient exposés si le secteur venait à fléchir. Il ne faut pas s'arrêter au milieu du gué. Une solution technique serait de faire de Tunis un hub pour ramasser les touristes venus des diverses provenances européennes et leur assurer un transit avec des horaires commodes. Deux vols réguliers, l'un en fin de matinée et l'autre en fin d'après midi, pourraient assurer le ramassage des touristes. Les capacités des ATR de Tunisair Express, si celle-ci se remettait à flots, y suffiraient, et le taux de remplissage, compte tenu des passagers nationaux pourrait atteindre un palier satisfaisant. Quid des pertes d'exploitation? On peut toujours les couvrir par un prélèvement tout à fait envisageable sur les recettes des taxes de 2,5 dinars qu'on entend instituer dès la fin octobre 2013 pour chaque nuitée de touriste. Enfin, l'un des buts de la révolution a été de faire de la croissance inclusive dans les régions. Le Jérid implore un plan de sauvetage dans l'attente qu'il corrige le tir dans le moyen et le long termes. L'appel à solidarité sera-t-il entendu? Ses promoteurs semblent bien décidés à lui donner l'écho qu'il mérite. Nous espérons avoir contribué à lui donner de l'audience tant la cause nous a paru noble.