«L'étude n'apporte rien de nouveau. Cela fait quarante ans que nous rabâchons qu'il y a un problème fondamental entre les entreprises et les banques ». Mustapha Kamel Ennabli n'avait pas tout à faire raison de relativiser l'importance de l'étude «accès au financement des PME tunisiennes et disparités », présentée en ouverture des 28èmes journées de l'entreprise (5-7 décembre 2013, Port El Kantaoui). Elaborée par l'universitaire Abdelkader Boudriga, Certes, celle-ci, élaborée par Abdelkader Boudriga, révèle moins qu'elle ne confirme une réalité déjà connue, celle du très difficile accès des petites et moyennes entreprises tunisiennes (PME) au financement. Toutefois, elle apporte une somme de données précises qui seront très utiles quand on décidera de s'attaquer à ce problème. L'enquête menée dans ce cadre auprès d'un échantillon de 153 entreprises, dont 75% de PME, et de 67 cadres bancaires (agences et services centraux)- révèle que seulement 21,65% des demandes de financement sont satisfaites totalement, 34,88% le sont partiellement, alors que les autres (44%) essuient des réponses négatives. L'analyse de la masse des crédits par volume d'engagement indique que 64% des crédits sont de plus de 5 millions de dinars, 17% sont dans la tranche 1-5 millions, 5% dans celle de 0,5 à 1 million de dinars, 2% de 50 000 à 100 000 d et 5% de 50 000 d. La nature de la réponse de la banque à la demande de financement est déterminée par le positionnement de l'entreprise sur six facteurs : la garantie, le secteur d'activité, la région de l'entreprise, ses marchés, son historique et le risque qu'elle représente. Sur cette base-là, dans la réalité les entreprises qui souffrent le plus du problème d'accès au financement sont en particulier celles en phase de croissance parce qu'à ce moment-là «il y a un trou » ; la banque qui veut rembourser ses précédents crédits n'en accorde pas de nouveaux, précise Adnen Ben Salah, chef d'entreprise- et celles se trouvant dans des régions défavorisées. Plus particulièrement le Nord Ouest et le Centre Ouest, où les taux de réponses négatives sont respectivement de 54 et 45%. Et l'une des raisons de cela, explique Abdelkader Boudriga, est la «faible densité des réseaux d'agences » qui est d'une agence pour 14 000 habitants contre 1 pour 7000 en moyenne dans le pays. Les autres étant «l'insuffisance de production et de partage de l'information sur les crédits », un cadre réglementaire pénalisant pour le financement de l'entreprise, les mêmes conditions requises et les mêmes règles prudentielles que pour les autres entreprises, des structures de gouvernance peu évoluées, etc. Pour redresser la barre, l'universitaire a fait une série de propositions, dont en particulier, la création d'une structure publique d'appui semblable à «guichet unique », l'amélioration de la production et du partage de l'information sur les crédits, la formation des cadres bancaires sur les PME, l'assouplissement des conditions de tarification des services financiers pour les banques, le renforcement du reporting sur les conditions de financement des PME, la réalisation d'enquêtes quantitatives annuelles auprès des entreprises sur ces conditions, etc. Un très vaste chantier qui, malheureusement, ne pourra pas être lancé avant l'avènement d'un gouvernement durable et stable. C'est-à-dire pas demain.