Management & Nouvelles Technologies - Magazine On-Line : 28-05-2003 à 18:00 Vendredi 23 mai et pour la seconde fois en l'année 2003, Rafâa Dkhil, Pdg de la compagnie Tunisair, rencontrait les intermédiaires en bourse. Une réunion de quelques deux heures où l'atmosphère était tellement tendue qu'un des collaborateurs du Pdg s'est cru devoir "passer à la contre-attaque" pour demander, à la criée, le soutien des intermédiaires.
Une réunion aussi où des termes tels que "confiance" et "crédibilité" ont été utilisés par les intermédiaires à l'adresse du staff de la compagnie. Une réunion enfin qui s'est terminée sans que le staff financier et comptable ne puisse être en mesure d'assurer la publication, dans les délais légaux, des résultats de l'entreprise. Le Pdg de Tunisair commencera cette réunion par parler de la situation de la société. Pour lui désormais, l'année 2003 est décisive. "Il y a dans la vie de notre entreprise deux périodes, dit-il. L'avant 2003 et l'à partir de 2003". Et il finit, après une série de chiffres et d'indicateurs sur l'état financier de l'entreprise, que l'un des intermédiaires qualifiera de "désastreux", par affirmer que "nous n'accepterons plus qu'on nous dise que la société va bien ! Les données suffisent pour quelqu'un de raisonnable (à qui s'adressait-il ?) pour expliquer les causes de la restructuration". Une restructuration en 6 points Ce plan s'articule autour de six mesures. La première sera la filialisation. Un premier appel à manifestation d'intérêt sera prochainement lancé pour un ensemble d'activités tel que la maintenance, les services au sol, l'informatique, la vente à bord des avions ou la création d'un centre d'appel. R. Dkhil indiquera que filialisation ne voudra pas dire privatisation, puisque la compagnie nationale gardera le contrôle de toutes les entreprises à créer, comme Tunisie Catering, dans le cadre de ce qui sera "le groupement Tunisair". Il n'y aura pas non plus une même procédure pour toutes les activités à filialiser. Au final et au-delà du prix de cette action, elle devrait générer une activité supplémentaire, un apport technologique et une rentabilité certaine. La seconde mesure dans le plan de restructuration, sera le plan social. R. Dkhil s'abstiendra d'en donner l'ampleur ou même l'objectif de viabilité économique. Il se bornera à déclarer qu'il concernera les agents en surnombre et ne concernera en aucun cas certains corps de métier. Il y aurait actuellement 200 cas à l'étude, en plus de la décision prise concernant 206 demandes de départ volontaire. On saura par la suite, que l'opération qui devrait se terminer dans 3 mois, devrait générer une économie de 20 MDT pour la société. On ne saura par contre rien de son coût. Tunisair a aussi signé avec "Lufthansa Consulting" pour la réalisation d'une étude stratégique et commerciale. Elle devrait être finie en février 2004 et devrait avoir un impact direct sur tous les compartiments de l'entreprise, comme le réseau, les alliances et les choix commerciaux comme l'optimisation entre le charter et le régulier. Viendront ensuite des choix difficiles, mais déjà faits et acceptés par toutes les parties, comme les découpes draconiennes dans le budget. Le programme d'investissement 2003/2006 sera ramené de 228 MDT à 80 MDT seulement. Tunisair mettra aussi tous ses biens fonciers et ses participations à la vente. La vente ne devrait pas concerner le portefeuille des participations stratégiques. Cependant, et pour la cession de l'hôtel Aldiana bien qu'elle ait eu déjà l'accord de la CAREPP (Commission d'assainissement et de restructuration des entreprises à participation publiques), celle-ci ne devrait pas intervenir dans un proche avenir vu la situation du marché touristique. La compagnie a aussi inclut dans ce plan de restructuration, un programme de compression des coûts qui devrait lui permettre d'économiser entre 10 et 15 MDT. Elle n'a pas non plus oublié de demander le soutien du personnel qui a aussi consenti un "sacrifice" d'un coût financier de 10 MDT. Déficit : entre 70 et 31 il y a l'explication Suivra ainsi un ensemble d'indicateurs que R.Dkhil alignera pour expliquer la restructuration, thème central choisi par l'équipe Tunisair pour cette rencontre avec les intermédiaires qui intervenait après un flot d'informations non officielles, jamais donnée mais jamais démentie par la compagnie, mais qui feront jouer un ballet folichon à l'action Tunisair avec son lot de gagnants et de perdants. L'information accusée était la révision à la baisse des pertes de Tunisair pour l'année 2002. Au cours d'une rencontre antérieure avec les mêmes intermédiaires, le même Pdg avait parlé d'une prévision de pertes de 70 MDT. L'entreprise sortait alors de la crise du 11 septembre et entamait son troisième exercice déficitaire de suite, depuis l'année 2000. On parlait de guerre, mais on n'y était pas encore. On parlait aussi de restructuration, mais le plan était encore en discussion. Une discussion qui avait nécessité 50 séances de travail entre partenaires sociaux et différents corps de métier de la société. Finalement, Rafâa Dkhil confirmera la "rumeur" et indiquera un déficit, pour l'année 2002, de 31 MDT, en ironisant que "ce n'est ni la première ni la dernière fois, que des prévisions ne s'accordent pas avec les réalisations". L'explication du différentiel de 39 MDT, le staff financier de l'entreprise l'expliquera dans une plus-value de 12 MDT due à la hausse de l'Euro, des recettes exceptionnelles de 27 MDT. Il s'agirait de 6,1 MDT pour la vente de vieux appareils, 15,5 MDT fruits de la cession des parts UIB et le reste en location d'avions. Les scénarios de guerre étaient plus catastrophiques. Tunisair prévoyait alors une perte de 100 MDT, en cas de guerre de courte durée et de 110 MDT pour une guerre plus longue avec un lot d'autres mesures telles que l'annulation de plusieurs destinations et la mise en garage d'un certain nombre d'appareils. Il expliquera quand même son résultat par une baisse de 23 MDT du chiffre d'affaire, une baisse de 12 % du trafic dont 17 % pour le charter et cela malgré un RBE de 42,9 MDT, contre 41,2 en 2001. Il n'oubliera pas et c'est tout en son honneur dans cette rencontre qui a pris parfois les allures d'une séance de vérité, de parler des 1270 défaillances de gestion qui ont été relevées et qui seront étudiées par une commission de suivi mise sur pied. Et après qu'il ait fini par déclarer que "nous avons quelques problèmes dans la direction financière" pour expliquer le changement de tout le staff financier et comptable de la compagnie (comme nous l'avions indiqué dans un précédent article), une des présentes lui rappellera les 9 autres réserves formulées par le commissaire aux comptes après les 11 déjà signalées pour l'exercice antérieur. Parlons de l'avenir Reste donc à parler des perspectives de cette entreprise cotée en bourse, la direction et son staff financier n'envisagent pas d'intervention ou d'opérations de soutien à l'action de la compagnie. A terme, ces perspectives restent encore déterminées par des actions à venir. Il y aura en premier lieu l'étude stratégique de Lufthansa Consulting. Il y a ensuite le plan de restructuration et son volet social surtout. Dans l'immédiat, tout ce que pourra dire le Pdg R. Dkhil sans pour autant le préciser, c'est que l'exercice 2003 sera, également, déficitaire. Les réalisations des 4 premiers mois l'indiquent clairement : baisse de 9 % du trafic passager, une baisse de 3,2 points du taux de remplissage et une baisse de 12 % des recettes du trafic. La compagnie prévoit pourtant une augmentation de 1 % du nombre des voyageurs qui devrait atteindre les 3,2 millions et une augmentation de 4 % de son offre globale en sièges. R. Dkhil se veut pourtant confiant dans son plan de restructuration et reste optimiste pour l'avenir de l'entreprise. "En cas de saison touristique normale et après mise en exécution du plan de restructuration, 2004 devrait être pour Tunisair l'année de l'équilibre financier et pourquoi pas renouer avec les bénéfices ". Parole de Pdg !