Qui l'eut cru ? La région économique qui regroupe le plus de créateurs d'entreprises est celle du nord-ouest (27,8% des créateurs). Elle devance les régions de Sfax (26,9%) et du Sahel (22,2%). Par contre, et pour ce qui concerne la reprise des entreprises, c'est le Sahel qui arrive en première place. Ce sont là les conclusions d'une enquête nationale fort instructive menée par le chercheur Karim Ben Kahla pour le compte du Centre des Jeunes Dirigeants (CJD) sur le profil des jeunes promoteurs et la culture entrepreneuriale en Tunisie. Cette enquête, dont les résultats ont été présentés au public le 20 septembre 2006, a cherché à mieux baliser les motivations et conditions de création des entreprises et les chances de survie de celles qui ont été reprises par des jeunes promoteurs. Elle a porté sur 137 jeunes promoteurs adhérents au CJD sur un total de 621 ciblés. L'ancrage national du CJD dans toutes les régions du pays milite en faveur de la crédibilité des résultats de cette enquête, et ce même si le chiffre 137 sur 621 paraît maigre Au rayon des motivations, âgés en moyenne de trente ans, créateurs et repreneurs d'entreprises, pour la plupart maîtrisards et plus, sont motivés par deux types d'entrepreneuriat privilégiant l'autonomie et la liberté d'action : d'une part, se créer une source de revenu par le biais du travail indépendant, et, d'autre part, investir dans les nouvelles technologies ou de nouveaux créneaux porteurs à forte valeur ajoutée La forme SUAR (entreprise uni-individuelle à responsabilité limitée) semble avoir beaucoup de succès auprès des créateurs. S'agit-il ici d'un simple souci d'autonomie ou d'une répugnance viscérale à refuser l'association à d'autres ? Par contre, 42,3% des repreneurs gèrent des sociétés anonymes (SA). Cette tendance s'explique par la nature familiale de ces entreprises et des structures de leur gouvernance. Pour ce qui est du financement, paradoxalement, ce sont les banques, partenaires privilégiés en principe de toute création d'entreprise, qui posent problème aux jeunes promoteurs. Ces derniers avancent également au rayon des difficultés, le poids des «pistons» et des démarches et formalités administratives. Une révélation à ce sujet mérite d'être signalée : dans sa quête de création d'entreprise, le jeune entrepreneur compte sur le réseau informel de ses amitiés et des membres de sa famille. L'enquête révèle en même temps la quasi absence de toute assistance des chambres de commerce. Même s'ils ne sont pas des repreneurs, les créateurs bénéficient du statut voire de la position de leur père. Ils sont souvent héritiers «d'une tradition» de prise de risque calculée, d'un savoir faire et «d'un savoir être dirigeant». Cette importance de l'héritage parental relativise la distinction entre créateurs et repreneurs. Autres conclusions de l'enquête et non des moindres : Les repreneurs d'entreprises sont les plus nombreux à faire des études à l'étranger (46,2%) contre 19,4% pour les créateurs. Les femmes sont plus nombreuses à l'université, mais, quand il s'agit de création d'entreprises, elles ne représentent que 21,3% et 19,2% des repreneurs. La répartition sectorielle des entreprises créées fait ressortir le lancement de 38% d'entre elles dans le secteur des services, loin devant le secteur industriel (17,6%) et celui des nouvelles technologies (14,8%), tandis que près de 42% des repreneurs d'entreprises familiales opèrent dans le secteur industriel. S'agissant des chances de survie des entreprises reprises, deuxième objectif de cette enquête, les difficultés de la reprise semblent essentiellement liées à la phase du règne conjoint. Successeur et prédécesseur tentent ici de délimiter leur territoire respectif et le second a du mal à passer la responsabilité du flambeau et à entamer le travail de «deuil» de ses anciennes responsabilités. Pour les repreneurs, les quatre principales sources de difficulté sont la forte concurrence nationale, la lourdeur et complexité des démarches administratives, la concurrence déloyale et la lourdeur des charges fiscales.