Moult indices augurent d'une intensification prochaine des échanges économiques entre la Tunisie et la Chine, et partant, d'une tendance à la diversification des alliances stratégiques de la Tunisie avec l'extérieur. Tout récemment, le ministre du Développement économique et de la Coopération internationale, Mohamed Nouri Jouini, a annoncé devant le Sénat que la Chine prévoit la réalisation de 5 zones économiques en Afrique et que des négociations sont actuellement en cours avec les parties chinoises concernées pour la création d'une de ces zones en Tunisie. Deuxième indice, les produits agricoles et agroalimentaires tunisiens ont tendance à s'imposer sans grande difficulté au goût du consommateur chinois. La preuve : deux industriels tunisiens dans l'agroalimentaire viennent de remporter des contrats prometteurs avec la Chine. Il s'agit de «Socohuile», producteur de l'huile de marque «Châal». Tarak Fourati, PDG de la société, a exporté, avec succès, un premier container qui a été pris d'assaut par la «Jet-set chinoise». L'autre industriel, «les Vignerons de Carthage», groupe des coopératives viticoles (UCCV) vient de réaliser la première exportation sur la Chine d'un conteneur de «Domaine Lansarine 2003». Ce vin a obtenu une médaille d'argent aux vinalies d'Asie «Wine Style Asia Award 2006», organisé par Wine for asia (le vin d'Asie). Le vin tunisien exporté, jusqu'à une récente date dans l'anonymat le plus total comme un vulgaire breuvage, commence à se faire connaître. D'ailleurs, cette distinction asiatique intervient moins d'une année après celle du groupe UCCV aux vinalies de Paris. Les vins tunisiens avaient remporté, au mois de mars 2006, deux médailles d'or et deux d'argent. Troisième indice, la décision du ministère du Tourisme d'ouvrir, à Pékin, à partir de janvier 2007, une représentation de l'Office du tourisme tunisien (ONTT). La Tunisie suit de près l'amélioration du pouvoir d'achat du touriste chinois et y voit un éventuel marché pour renflouer les recettes touristiques tunisiennes. Selon des projections mondiales, sur les 100 millions de touristes chinois qui sillonneront le monde d'ici 2020, la destination Tunisie qui figure déjà sur la liste des destinations approuvées par l'Office chinois du tourisme, compte en attirer une partie, soit l'équivalent de ce qu'elle réalise, aujourd'hui avec les marchés de proximité. Un effort de promotion gigantesque est mis en route pour courtiser les touristes chinois et japonais. Seule faiblesse qui peut compromettre l'arrivée de touristes de ce pays, l'absence d'une liaison aérienne directe entre les deux pays. En attendant, la Tunisie a trouvé dans l'ouverture de son ciel aux compagnies qatarie et émiratie une solution pour acheminer, éventuellement, par le biais de correspondances, les touristes asiatiques vers la Tunisie. Autre indice, Tunisiens et Chinois, réunis en mai 2005, dans le cadre de la Commission mixte, ont décidé d'orienter leur partenariat vers de nouveaux créneaux : l'élevage en eau de mer et en eau douce de poissons de haute qualité : thon et crevettes, le développement en Tunisie avec l'aide chinoise d'une expertise en maintenance des ouvrages hydrauliques et l'amélioration des orangeraies tunisiennes par l'introduction de variétés chinoises (clémentine chinoise ). Globalement, les trois secteurs privilégiés dans lesquels la Chine aime à intervenir sont l'eau, les industries chimiques, la santé, le sport et l'agriculture. Elle a à son actif une vingtaine de projets. Par delà ces indices fort positifs a priori, la question qui se pose dès lors est : le péril chinois que redoutent tout particulièrement nos "textiliens" peut-il se transformer, un jour, en salut par le biais de l'utilisation du site Tunisie de production international comme un marché relais pour accéder au plus riche marché du monde, l'Union européenne ? Le partenariat «Win-Win», (gagnant gagnant), prôné par les Chinois, dans le cadre du plan d'action de Pékin 2007-2009 qui a sanctionné le 3ème Forum de la coopération Chine - Afrique (Pékin du 3 au 5 novembre) ne manque pas d'enjeux pour le pays. Néanmoins, au delà des grands espoirs qu'elle véhicule, cette proposition de partenariat gagnerait à faire l'objet d'une réflexion approfondie. Car les conséquences peuvent, un jour, par l'effet de la forte productivité et compétitivité des chinois, prendre la forme d'une catastrophique désindustrialisation. Le scénario de voir les entreprises textiles chinoises rafler tous les terrains industriels qui seront aménagés dans le cadre du technopole de Monastir El Fejja (assimilé à dessein à une zone off shore) n'est pas à exclure Est-il besoin de rappeler ici que la Chine, forte d'une diaspora de 30 millions de chinois opérant dans des sites satellites répartis sur tous les continents, de salaires très bas, d'une main-d'oeuvre inépuisable, d'ingénieurs très performants et d'un sens inné du commerce, dispose de tous les atouts pour glisser, en temps record, de l'angélisme d'un pays émergent au cannibalisme d'une super puissance colonisatrice envahissante. Nous estimons que, si la Tunisie cherche à diversifier son partenariat et à instaurer une alliance stratégique avec la Chine, elle doit auparavant tirer les enseignements de son partenariat avec l'Occident et faire l'économie des erreurs commises. En conséquence, une nouvelle alliance avec la Chine -ou avec le Japon- n'a de sens que lorsqu'elle transcende, dès le départ, le stade de simples échanges commerciaux et de la consommation des technologies pour celui de la formation des cadres, le transfert de savoir-faire et l'implantation, dans notre pays, d'usines de fabrication d'équipements. On l'aura dit