L'Afrique subsaharienne est mieux à même de résister aux chocs extérieurs Jusqu'ici les remous des marchés financiers mondiaux ont eu peu d'effets sur la région Toutefois, le ralentissement de la croissance mondiale, la hausse du pétrole et les conflits armés risquent de freiner l'expansion en 2008
L'expansion économique semble devoir se poursuivre en Afrique subsaharienne, mais le ralentissement de l'économie mondiale pourrait assombrir les perspectives de certains pays de la région. Les décideurs sont confrontés au défi suivant : préserver une stabilité macroéconomique acquise de haute lutte tout en définissant la suite de leur action en fonction des risques d'inflation, de la position extérieure et de la situation des finances publiques.
L'Afrique subsaharienne, qui a connu un rythme de croissance soutenu en 2007, affiche aujourd'hui son taux de croissance le plus élevé depuis des décennies (graphique 1). Le PIB réel a progressé d'environ 6½ % grâce à l'accroissement de la production de pétrole, à la progression des investissements intérieurs et à l'amélioration de la productivité. La forte demande mondiale de produits de base, l'augmentation des flux de capitaux en direction de l'Afrique et l'allégement de la dette ont contribué à stimuler la croissance.
Le renforcement des politiques macroéconomiques et les réformes structurelles mises en uvre depuis des années ont commencé à porter leurs fruits. Par ailleurs, les conflits armés et les épisodes d'instabilité politique sont moins fréquents, ce qui a contribué à stimuler l'investissement et la croissance, mais aussi à ramener la volatilité des revenus à son plus bas niveau depuis une trentaine d'années. Il n'est donc pas surprenant de constater une amélioration du revenu réel par habitant, même si les pays fragiles continuent d'accuser du retard dans ce domaine. Bien que plusieurs pays aient connu une hausse à deux chiffres des prix alimentaires en 2007, l'inflation moyenne est restée dans une fourchette de 6 à 9 % (graphique 2).
En Afrique subsaharienne, par ailleurs, on assiste à une progression des flux financiers en provenance de pays émergents créanciers (la Chine surtout), qui accroissent leur aide à la région, généralement sous la forme d'aide aux projets et de crédits à l'exportation.
Turbulences financières
Jusqu'ici, les remous des marchés financiers mondiaux ont eu une incidence limitée sur l'Afrique subsaharienne. Dans les pays de la région dont les marchés financiers sont très intégrés au système mondial, tels que l'Afrique du Sud, on a toutefois observé une augmentation des écarts de rendement sur les obligations souveraines, ainsi qu'une certaine volatilité à la Bourse et sur les marchés des changes. En Afrique du Sud, un autre facteur a pu jouer : la prise de conscience que les problèmes d'approvisionnement énergétique risquaient d'entraver la croissance. D'une manière générale, cependant, on n'a pas constaté de resserrement du crédit.
Perspectives pour 2008
L'économie mondiale devrait croître de 4,1 % en 2008, contre 4,9 % en 2007, le ralentissement de l'activité des pays avancés devant être en partie compensé par l'expansion des pays émergents et des pays en développement. En ce qui concerne l'Afrique subsaharienne, on prévoit que la croissance du PIB atteindra 6½ % elle devrait s'accélérer dans les pays producteurs de pétrole pour atteindre près de 10 %, mais tombera sans doute à 5 % dans les pays importateurs. L'inflation devrait rester inférieure à 8 % au plan régional, à condition toutefois que les politiques macroéconomiques restent fortes. À moins d'un changement de politique, l'hyperinflation continuera de sévir au Zimbabwe.
En dépit de la solidité des paramètres fondamentaux, des risques pèsent sur la région. Le renchérissement du pétrole, dont les prix devraient augmenter de plus de 20 % cette année par rapport aux prix moyens de 2007, est la principale source de pressions inflationnistes. Si le prix du baril devait atteindre 100 dollars en 2008 (plutôt que les 75 dollars prévus dans l'édition d'automne des Perspectives de l'économie mondiale), la croissance du PIB de la région pourrait baisser de 0,2 à 1 %, selon l'appareil productif et l'intensité énergétique de chaque pays.
En matière de croissance, toutefois, les résultats dépendront beaucoup de l'évolution des prix des produits de base non pétroliers. Si la hausse des cours pétroliers s'accompagne d'un ralentissement économique plus accentué que prévu dans les principaux pays importateurs de produits de base, les exportations de l'Afrique subsaharienne seront durement touchées. On estime ainsi qu'une baisse d'environ 1 % de la croissance du PIB mondial entraînerait un recul d'environ ½ point de la croissance du PIB de la région. L'activité de quelques pays souffrirait aussi si les remous qui secouent actuellement les marchés financiers mondiaux devaient provoquer une inversion des flux d'investissements de portefeuille.
L'Afrique subsaharienne fait face aussi à des risques internes. Les conflits continuent de dévaster la région soudanaise du Darfour et la corne de l'Afrique, et la situation reste fragile en République démocratique du Congo. La violence qui a sévi au Kenya après les élections risque fort d'abaisser le taux de croissance du pays et de pénaliser aussi les pays voisins en raison par exemple de la perturbation du trafic routier de transit. Les troubles dont le Tchad est le théâtre ont aussi des conséquences sur les pays voisins.
Le degré de vulnérabilité varie
De nombreux pays sont moins exposés aux variations de la situation économique mondiale qu'ils ne l'étaient dans les années 90. La réduction des déficits courants et budgétaires, le ralentissement de l'inflation, la diminution de la dette, l'accroissement des réserves de change et le renforcement des cadres de politique économique ont permis à la région de mieux résister aux chocs extérieurs. Toutefois, s'il est vrai que de nombreux pays sont devenus moins vulnérables aux chocs, le degré de vulnérabilité varie sensiblement d'un Etat à l'autre et la région souffrirait quand même d'un ralentissement prononcé de l'activité mondiale et d'une détérioration des termes de l'échange.
Dans les pays pratiquant une politique de change flexible, un assouplissement prospectif de la politique monétaire pourrait contribuer à atténuer les conséquences qu'un choc négatif au niveau de la demande aurait sur le plan de la production. Dans le cas d'un ralentissement temporaire, les pays dotés d'importantes réserves de change pourraient les utiliser pour atténuer les chocs. Dans certains pays, la riposte pourrait inclure une dépréciation supplémentaire du taux de change pour rééquilibrer la croissance. Un choc permanent, en revanche, nécessiterait un ajustement du taux de change réel.
Les pays dont la situation budgétaire est viable pourraient disposer de la marge de manuvre nécessaire pour adopter une politique budgétaire contracyclique et laisser jouer leurs stabilisateurs automatiques. Les pays qui n'auront pas cette latitude devront peut-être compenser au moins en partie les effets des stabilisateurs automatiques. Il conviendra de prendre en compte le niveau de la dette publique dans la détermination du degré d'assouplissement budgétaire; toute mesure de nature discrétionnaire devrait être temporaire.
Dans plusieurs pays, notamment ceux qui exportent du pétrole, le défi consistera à préserver la stabilité macroéconomique face à de fortes entrées de devises. En matière de dépenses et d'épargne, les pays devraient inscrire leurs décisions dans un cadre à moyen terme qui prendrait en compte la viabilité à long terme des finances publiques. Le renforcement des systèmes de gestion budgétaire et la mise en uvre de réformes institutionnelles en matière d'élaboration du budget et de réalisation des projets contribueraient à assurer que les dépenses sont propices à la croissance économique et à la réduction de la pauvreté.
Traduction d'un article paru dans IMF Survey magazine : www.imf.org/imfsurvey