Quand les klaxons ont commencé à retentir dans nos rues, en cette soirée mémorable du 20 juin, des journalistes de notre presse écrite ont pensé que c'était dû à la qualification de la Turquie face à la Croatie. Alors que les résultats du bac commençaient juste à être diffusés pars sms interposés. C'est dire que le parcours de l'équipe turque nous intéresse. La Turquie joue ce soir, et pour la première fois de son histoire, une demi-finale en Coupe d'Europe des Nations. Un match de football explosif qui prend des allures de derby puisque pas loin de 3 millions de Turcs vivent en Allemagne. Qu'ils aient désormais un passeport allemand ne change pas grand-chose à l'affaire. Et la partie n'est pas encore jouée. Le succès sportif de la Turquie n'est pas une réussite isolée. De 2002 à 2007, le PIB par habitant du pays d'Atatürk a triplé, passant de 3.311 à 9.333 dollars. Soit une croissance de 6,7 % par année. C'est le ministre d'Etat turc pour l'Economie, Mehmet Simsek qui l'a fièrement annoncé. Le taux d'inflation, lui, a baissé en moyenne de 13,9 % par an entre 2002 et 2007, et est resté à 10,7 % jusqu'en mai 2008 malgré la flambée des prix de l'énergie, a précisé M. Simsek cité par l'agence de presse Anatolie. Question exportation, la Turquie affiche aussi un taux de croissance insolent de 15%, et ce durant les six dernières années. A titre de comparaison, au niveau mondial, ce même taux est en moyenne de 6%.
Une bonne santé économique qui attire irrésistiblement les investissements directs étrangers, qui ont atteint les 17,2 milliards de dollars de janvier à avril 2008. Quelques sources rappellent même que 60% des téléviseurs vendus en Union Européenne, toutes marques confondues, seraient fabriqués en Turquie.
Pour en revenir au football, Fatih, leur entraîneur conquérant, a déjà remporté la Coupe de l'UEFA en 2000 avec l'équipe phare de Galatasaray. En mai, le coach annonçait déjà que son équipe allait faire des étincelles. Chose promise, chose due. Le parcours de l'équipe l'atteste.
L'entraîneur allemand Joachim Loew n'affronte pas les héritiers de la Sublime Porte sans appréhensions. C'est qu'il connaît ses adversaires du jour, pour avoir officié en Turquie, plus particulièrement à Fenerbahce, que les joueurs tunisiens connaissent bien. Le coach allemand le dit sans ambages : "Les Turcs ont montré tout au long du tournoi qu'il fallait compter avec eux quel que soit le score du match en cours. Ils sont difficiles à cerner et c'est ce qui les rend dangereux". Et surtout, ils ne baissent pas les bras. Même menés au score, ils se ruent inlassablement sur les buts. Et arrachent le nul, avant de forcer la décision en leur faveur. Comme face à la Croatie. Et l'économie suit le même chemin.
Ainsi, d'après les prévisions du cabinet PriceWaterhouseCoopers, le PIB de la Turquie égalera celui de l'Italie et le «pouvoir d'achat moyen d'un Turc» sera «équivalent à celui d'un Français aujourd'hui», à l'horizon 2050. Autant d'arguments tant sportifs ( !) qu'économiques qui plaident en faveur de son intégration dans le giron européen. Le comble serait que la Turquie batte l'Allemagne. Sans qu'elle soit pour autant admise au club très fermé de l'Union Européenne.
Le cas échéant, les Turcs pourront toujours se retourner vers leur arrière-pays historique. Les succès diplomatiques s'accumulent dans la plus grande discrétion, histoire de ne pas froisser les grandes puissances. Les héritiers des Ottomans marquent de plus en plus leur présence au Caucase et en Asie Centrale, sans pour autant déclencher le courroux de la Russie, dont le parcours sportif signe aussi son retour dans le concert des nations européennes.
Et si la Turquie remportait la Coupe d'Europe des Nations ?