Au Royaume-Uni, les journaux en ligne sont de plus en plus nombreux à mettre en place des péages. Chacun a sa formule. Mais le succès n'est pas toujours au rendez-vous.
THE INDEPENDENT Londres
Dans la presse britannique, la guerre des prix est terminée, les armes se sont tues, mais la bataille des sites Internet vient tout juste de commencer. Après avoir englouti des centaines centaines de millions de livres dans leurs éditions en ligne, et ce en dépit de la crise du marché publicitaire, les propriétaires de journaux britanniques revoient sans plus attendre les coûts, les recettes et même la raison d'être de leurs sites Internet. Ils veulent que leurs sites soient enfin rentables - ou du moins qu'ils réduisent considérablement leurs pertes.
Dès lors, l'internaute lambda, l'indépendant qui travaille chez lui, ou encore le chercheur qui parcourt les archives du journal, devront bientôt mettre la main au portefeuille. Vu ses antécédents, il n'est pas étonnant que The Times ait tiré le premier. Mais ses concurrents suivent de près l'évolution du nouveau site d'information payant Times Online pour décider s'ils peuvent eux aussi se lancer - au risque de perdre dans la bataille une énorme proportion de leur lectorat en ligne.
Certains titres, comme le FinancialTimes, dont les recettes publicitaires ont été très écornés et qui a investi pas moins de 150 millions de livres [216 millions d'euros] dans FT.com, lui ont emboîté le pas. FT.com ne compte désormais que 20 000 abonnés, sur une base de 3 millions d'utilisateurs. Ce site commence néanmoins à rentrer dans ses frais, et il espère que la qualité de ses contenus lui permettra d'attirer davantage de visiteurs plus fortunés, prêts à payer pour ses services.
Paradoxalement, certains estiment que le quotidien saumon a trop attendu pour rendre son site payant, dans la mesure où son principal concurrent, The Wall Street journal l'a toujours fait, évitant ainsi de mécontenter certains lecteurs en changeant de politique en cours de route. Le Royaume-Uni, à cause d'un marché de la presse particulièrement concurrentiel, a souvent tardé à abandonner la gratuité, à la différence d'autres pays, notamment les pays scandinaves, où les journaux ont mis en place un système de paiement complexe en partenariat avec les banques et les sociétés de téléphone mobile. Toutefois, les expériences de certains journaux étrangers se sont avérées édifiantes, tout particulièrement celle de The Irish Times de Dublin, qui aurait perdu 95% des utilisateurs de son site en le rendant intégralement payant du jour au lendemain.
Les Britanniques mettent la main au portefeuille
Cet épisode est maintenant présenté comme l'exemple même de ce qu'il ne faut pas faire. Il faut au contraire y aller très progressivement, en commençant par l'enregistrement en ligne, puis en proposant des services de qualité, enfin l'accès aux archives, et parfois même les dernières informations. En mars 2001, lorsque Times Online a commencé à facturer aux abonnés résidant à l'étranger ses contenus d'info plutôt plus sobres, et à tous les autres ses archives, sa chronique judiciaire et son club de mots croisés, le directeur général de Times Newspapers, Paul Hayes, espérait clairement marquer une rupture par rapport à la culture de la gratuité si ancrée à Internet. "The Times a été le premier groupe de presse britannique à reconnaître la valeur marchande des contenus en ligne. Interner offre d'importants débouchés commerciaux, et nous avons l'intention d'en profiter: Faire payer les contenus n'est pas une idée nouvelle : les journaux le font depuis deux cents ans", rappelle t il.
The Independent, qui a commencé, en mars 2002, à faire payer l'accès à des services privilégiés comme les mots croisés et le suivi dé l'actualité transmis sur les ordinateurs de poche des clients , a décidé de proposer de nouvelles formules d'abonnement. "Nous ne gagnons toujours pas des fortunes, mais nos lecteurs s'habituent peu à peu à payer", explique David Felton, le responsable du site. Guardian Unlimited est le plus grand site d'information du Royaume Uni. Sans doute le seul à attirer davantage de lecteurs que l'édition papier, il a, lui aussi, décidé d'offrir une formule payante. The Telegraph, le deuxième site en importance, est plus réticent à passer aux abonnements après une récente évaluation de l'option payante. "C'est nous qui faisons les meilleures ventes parmi les journaux de qualité britanniques, et notre site Interner devrait refléter cette réalité. Nous ne sommes pas prêts à devenir un acteur secondaire, ce qui risque de nous arriver si le site devient intégralement payant", commente Tim Faircliff, le directeur d'exploitation du site. "Nous faisons déjà payer jusqu'à 10 livres [15 eurosJ la saison pour notre rubrique interactive Fantasy Football et 25 livres [36 eurosJ pour notre club de mots croisés. Nous pensons qu'il vaut mieux facturer certains services spécifiques, ce qui nous assure des recettes sans nous faire perdre des millions d'internautes. Cela étant, il est bien évident que les choses peuvent changer, et nous ne savons pas encore très précisément ce que
nous ferons à l'avenir."
Sonia Purnell Paru dans CI n° 569, du 27 septembre 2001.
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