«Au début, je faisais presque tout. Aujourd'hui, je ne fais plus rien moi-même; je me contente de contrôler». Si M. Abdelwaheb Ben Ayed, fondateur et président de Poulina, peut se permettre de voir, un peu de haut, se dérouler la vie du groupe qu'il a créé en 1967, bien qu'il ait beaucoup changé et, surtout, grandi au cours des quarante-et-une dernières années, c'est parce que, contrairement à la grande majorité des entreprises et groupes tunisiens, Poulina est si bien organisé et géré qu'il s'apparente à une montre suisse. A telle enseigne que, lorsqu'on lui demande quel est aujourd'hui le métier de Poulina, Abdelwaheb Ben Ayed ne cite pas l'un des nombreux secteurs dans lesquels le groupe opère (aviculture, agriculture, distribution, métallurgie, restauration, etc.», mais la gestion, «un outil qui permet d'aller d'un secteur à un autre», explique le patron. Ce qui a valu à Poulina, «spécialisé depuis longtemps dans le perfectionnement d'un outil de gestion», d'être «classé dans le top en matière de gouvernance», se félicite le n°1 du groupe. Qui n'est pas peu fier d'avoir reçu les félicitations de multinationales dont Nestlé- pour l'avance prise par le groupe dans ce domaine. Beaucoup de temps, donc de travail, furent nécessaires pour mener ce processus de construction jusqu'à faire de Poulina ce qu'il est aujourd'hui. Il a donc fallu notamment mettre en place «un système de management permettant une vraie délégation de la responsabilité, grâce à un système d'information performant et à des outils de pilotage au niveau de la holding», faire en sorte que l'information «soit accessible à tous les décideurs», que ces derniers bénéficient d'une vraie autonomie et soient responsabilisés, et que soit mis en place un «système unique de rémunération et de distribution des dividendes» qui «relie la rémunération de tout employé à sa performance». Poulina est en effet l'un des rares groupes à avoir adopté HR Access, le nec plus ultra en matière de gestion des ressources humaines et de la paie.
Avec une force de travail entre emplois directs et indirects- près de quatorze fois supérieure à la population du Vatican, Poulina s'apparente à un Etat dont la vie est balisée par de nombreux textes, faisant office de sorte de constitution. «A Poulina, des milliers de textes régissent les rapports entre les personnes et constituent la culture du groupe», indique M. Ben Ayed. Le mode de décision déployé notamment lors de la fameuse réunion du mercredi qui se tient sans faute depuis 1972- est également très particulier et combine, selon les questions examinées, la recherche du consensus et le vote électronique. C'est de cette manière, par exemple, qu'a été prise par les employés, il y a deux ans, la décision de ne plus faire la séance unique en été. Et quand la question est un peu compliquée, le vote est précédé d' «actions de sensibilisation», précise le patron du groupe. Cette précaution a été notamment prise pour amener la «population» de Poulina à décréter qu'on ne fumait plus sur les lieux du travail. Une décision en vigueur depuis vingt-quatre ans. Ce qui fait de Poulina un précurseur dans ce domaine, à l'échelle non seulement nationale, mais également internationale.
Autant de dispositifs, de politiques, de principes, et de comportements qui font la force et la spécificité de Poulina par rapport aux autres opérateurs sur la scène tunisienne. Où le groupe se distingue également par un record difficile à égaler : Poulina n'a jamais connu de grève. Une performance imputable certainement, en partie au moins, au fait que, pour maintenir la paix sociale en son sein, le groupe a diminué le nombre et le poids des ouvriers dans la population active du groupe, par le biais de l'essaimage que Poulina pratique depuis une bonne vingtaine d'années encore une fois en avance par rapport aux autres.