C'est bien de séparation du continent de son nord qu'il s'agit, selon M. Wade, et sa finalité lui est évidente. Elle a, dit-il, des «visées qui crèvent les yeux, le pétrole et le gaz de l'Algérie, le pétrole libyen». Le Maghreb a-t-il tourné le dos à l'Afrique en s'engageant dans l'Union pour la Méditerranée ? Quelques jours après le lancement en grande pompe de l'UPM, le président sénégalais, Abdoulaye Wade, est revenu vigoureusement à la charge en s'inquiétant ouvertement de ses conséquences. C'est bien de séparation du continent de son nord qu'il s'agit, selon M. Wade, et sa finalité lui est évidente. Elle a, dit-il, des «visées qui crèvent les yeux, le pétrole et le gaz de l'Algérie, le pétrole libyen». Les autres participants ne sont là que pour servir de faire-valoir. Ce discours était celui du colonel Mouammar Kadhafi qui a totalement boudé le sommet de l'Union Pour la Méditerranée (UPM). Il est, qu'on le veuille ou non, celui d'une Afrique qui ne veut pas, pour de multiples raisons, perdre son nord. C'est un débat qui aurait dû être engagé avant le lancement de l'Union Pour la Méditerranée (UPM), mais il n'a pas perdu de sa pertinence. «C'est le cadre de construction de notre avenir même qui sera remodelé», a estimé le chef de l'Etat sénégalais, qui a fait diffuser sa déclaration par l'agence de presse sénégalaise APS. Certains pourraient objecter que le Maghreb est déjà profondément marqué par un tropisme européen et que ses échanges avec l'Afrique subsaharienne restent marginaux en dépit des efforts, remarqués de cette dernière décennie, des Marocains et des Libyens. Mais justement, un tropisme n'est pas forcément un choix, ni une qualité. C'est, le plus souvent, une habitude et un défaut de vision qui mériteraient d'être ajustés. La crainte d'une séparation de l'Afrique du Nord du reste du continent n'est pas, du point de vue stratégique, une lubie ou une exagération. Les «réalistes» au Maghreb auraient tendance à voir une chance dans l'arrimage de la région à la locomotive européenne. Mais sont-ils sûrs que la «place» qui est assignée à l'Afrique du Nord aura un effet vertueux sur l'économie ? Sont-ils sûrs qu'elle ne sert pas de mur avancé de l'Europe contre une Afrique subsaharienne jugée menaçante par son immigration ? D'un autre côté -et sans nécessairement faire appel à la fibre africaine et à l'exigence de solidarité continentale-, les pays du Maghreb n'auraient-ils pas à gagner à regarder de plus près au sud ? Les entreprises maghrébines qui peinent à pénétrer dans un marché européen clos n'ont-ils pas des opportunités à saisir chez leurs voisins du sud ? En réalité, ce Maghreb, qui reste dans les limbes, n'arrive pas à se faire, doit effectivement se définir: est-il africain ou a-t-il vocation à servir de garde-frontières au nord? Il n'est pas illégitime que les pays du continent noir souhaitent que leur nord leur serve de lien avec un monde arabe qui croule sous les pétrodollars. Les cris d'alarme d'Abdoulaye Wade méritent d'être entendus. Il y a un débat africain à mener sur cette UPM aux contours toujours flous et aux arrière-pensées qui inquiètent nos voisins du sud. Ouvrons-le ! L'Afrique est bien notre continent et notre vrai horizon.