Si le démarrage se fait à petits pas de danse, l'essentiel est d'écrire la première note en espérant un rythme synchronisé et soutenu. En tout cas, c'est ce qui ressort des interventions et débats qui ont animé les journées de réflexion organisées dans le cadre du premier Forum de l'Union maghrébine des employeurs qui aurait prouvé que là où les enjeux économiques deviennent importants, l'impossible n'a plus lieu d'être. Espérons que la maestria de Hédi Djilani, fin stratège, et de Habib Ben Yahia, diplomate confirmé et Maghrébin convaincu, finiront par venir à bout de toutes les résistances des pays voisins de la Tunisie et où l'on ne peut considérer à ce jour que tout se fera comme sur du papier à musique. Rassembler près de 500 hommes d'affaires maghrébins dans un même espace et pendant deux jours n'était pas aisé mais c'est aujourd'hui chose faite. Le Maghreb pourrait être plus qu'une illusion d'optique, le chemin est, il est vrai, long et semé d'embûches mais les maîtres d'uvre en sont conscients, ils savent que la tâche exigera beaucoup de patience, de diplomatie et de savoir-faire. Ne pas gêner, ne pas choquer La déclaration d'Alger annoncée tard lundi (lire synthèse) n'a pas été au goût des journalistes et de certains entrepreneurs qui, dans leur enthousiasme et dans le feu de l'action, ont placé la barre très haut s'attendant à des recommandations concrètes et pratiques à soumettre aux gouvernements respectifs. Cette réaction n'a pas, semble-t-il, ému outre mesure, ceux qui ont veillé à sa formulation et qui ont considéré qu'elle ne peut en aucun cas reproduire deux jours de débats passionnés et de discussions houleuses entre entrepreneurs. «Je comprends votre déception par rapport à la déclaration, a indiqué Hédi Djilani, président sortant de l'UME, mais vous devez comprendre qu'en la consignant, il fallait veiller à ne pas secouer les politiques. Il fallait ménager les susceptibilités des uns et les autres». Il a expliqué qu'il y a eu consensus entre les responsables des différentes organisations patronales afin que le texte formulé, qui s'adresse à un large public y compris les responsables politiques, ne gêne pas et ne choque pas non plus. Ce qu'il faut retenir de la déclaration, affirme M. Djilani est l'esprit qui a animé les débats francs, virulents parfois, sincères et spontanés. Deux jours durant lesquels des entrepreneurs, qui ont à cur l'édification du Maghreb économique, se sont évertués à démontrer qu'il est possible, faisable et que surtout il permettra à leurs pays d'être plus prospères et plus solides par rapport à l'adversité. «Les entrepreneurs mènent aujourd'hui une cause et leur démarche pour avancer sur le chemin de l'union, n'a pas été facile», a ajouté Hédi Djilani qui explique que tous les moyens ont été mis en uvre par l'UMA sur les plans réglementaires et légaux pour l'édification d'un Maghreb économique. Les mesures entérinées par les différents Etats et les accords signés n'ont malheureusement pas été appliqués. Et plutôt que d'aller vers une confrontation avec les politiques qui ne pouvait que desservir la cause des opérateurs privés, les entrepreneuriats maghrébins ont préféré choisir la voie de la diplomatie et de la négociation. Le président du Patronat tunisien, qui a affirmé être fier que la première déclaration de l'UME soit proclamée à Alger, est rejoint par Habib Ben Yahia, secrétaire général de l'Union du Maghreb arabe qui a précisé que parmi les 37 accords conclus entre les Etats signataires en 1989, 19 sont à caractère commercial et économique. La Banque maghrébine d'investissement devrait être opérationnelle très prochainement, a-t-il assuré. Deux pays y ont, d'ores et déjà, apporté leurs contributions, les trois autres les rejoignent au plus tôt. M. Ben Yahia a joint son appel à celui de Hédi Djilani pour convier les médias à ne pas considérer le contenu de la déclaration d'Alger, qui ne fait que dessiner les lignes directrices du partenariat économique entre les entrepreneuriats des 5 pays, comme étant la seule et unique référence ou piste concernant le Maghreb économique. «Le meilleur reste à venir, nous ne pourrons évaluer réellement les résultats de ce Forum que lors de la tenue de sa deuxième édition, qui a lieu l'année prochaine à Tunis. Le plus important, au-delà de la déclaration, est ce qui s'est passé dans les coulisses entre hommes d'affaires et les projets qui ne tarderont pas à voir le jour suite aux rencontres fructueuses qui se sont déroulées entre des privés qui partagent les mêmes intérêts». C'est exactement l'opinion de Boualem M'Rakach, président du CAP (Confédération algérienne du patronat), qui estime pour sa part, que la déclaration comporte des actions précises pour développer l'entrepreneuriat maghrébin et qu'elle représente une avancée certaine dans le processus de l'unification si l'on se référait «à une période récente», précise-t-il, en ajoutant : «La déclaration d'Alger porte en elle les revendications des patronats à savoir unifier les politiques économiques et développer les infrastructures et les logistiques communes. Elle est un appel véhément pour la construction de la communauté économique maghrébine, ce dont il n'a jamais été question à ce jour». L'UME, dont le prochain mandat sera assuré par Ibrahim Hafedh Hafez, président du Conseil des employeurs libyens, tiendra son prochain forum les 10 et 11 mai prochains à Tunis. Pour le représentant du patronat mauritanien, le premier forum de l'UME, restera dans les annales de l'histoire parce qu'il constitue un repère pour une économie maghrébine qui se veut solidaire, organisée et capable de faire face aux défis d'une nouvelle ère qui se présente sous forme de cataclysme ou tsunami économique». Hédi Djilani a appelé lors de la conférence de presse qui a suivi la clôture des travaux du Forum à ce que les patronats maghrébins se présentent désormais à leurs vis-à-vis européens ensemble pour pouvoir mieux négocier et préserver les intérêts de leurs économies respectives. Espérons que son appel ne tombera pas dans des oreilles sourdes.