Beaucoup ont compris en Tunisie l'intérêt qu'ils avaient à soigner leur e-réputation, notamment à coups d'avant-premières exclusives sur le web, de présence active sur les réseaux sociaux (pages de fan, groupes, profils...), de séduction des «influenceurs» et autres «early adopters» de la blogosphère, etc. Beaucoup ont également compris l'incroyable et incomparable caisse de résonnance que constitue la toile à travers sa culture propre bien entendu, mais également et surtout à travers ses outils de propagation de plus en plus instantanés (c'est ce qu'on appelle le buzz ou plus précisément le marketing viral lorsqu'il s'agit spécifiquement du web). Ils sont en revanche beaucoup moins nombreux à avoir envisagé qu'ils peuvent tout aussi bien se retrouver victimes de cette culture et de ces outils s'ils ne sont pas à l'origine d'une information qui les concerne. A vrai dire, et c'est au fond aussi ancien que cet instinct primaire qui fait s'arrêter un automobiliste à la vue d'un accident de la route, la mauvaise e-réputation se diffuse infiniment plus vite et avec infiniment plus d'impact que la bonne ! Alors que faire face à ce que l'on appellera un e-scandale ? Ne pas paniquer Tous les coachs de football le savent, il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Au vu de sa vitesse de propagation, il est vrai que prendre son temps face à un "bad buzz" relève de l'inconscience, mais réagir sans stratégie et sans plan d'action relève quant à lui de la pathologie suicidaire. Il faut analyser la situation sous un maximum d'angles possibles, évaluer l'urgence, le degré de propagation de l'e-scandale afin d'être en mesure d'étudier les différentes prises de position possibles. Une fois un axe de riposte décidé, il faut s'y tenir, nommer un unique interlocuteur et porte parole et le placer à la tête d'une cellule de crise qui aura pour rôle de réaliser une veille continue du e-scandale et de ses retombées afin de faire évoluer le discours de l'entreprise, au sein de l'axe de riposte adopté, au gré des flux et reflux de l'information et des réactions qu'elles suscitent. Négocier Tout scandale a une ou plusieurs sources et c'est à la cellule de crise de les identifier dans un premier temps et au fur et à mesure de sa mission et de l'évolution de l'e-scandale. Une fois identifiées ces sources, il s'agit d'entrer en contact avec elles (administrateurs de sites, de forums, blogueurs, acteurs de réseaux, etc.) pour négocier le retrait ou la modification de l'article, fil info, image, vidéo, commentaire, etc. A l'origine de l'e-scandale. Il convient ici de noter que même en présence d'arguments juridiques pertinents pour étayer sa demande de retrait ou de modification, le mot d'ordre reste la négociation. Les internautes, qu'ils soient utilisateurs ou acteurs du web, sont -la plupart du temps- particulièrement peu enclins à se voir dicter leur conduite et peuvent même devenir particulièrement belliqueux s'ils ont correctement accompli leur rôle d'informateurs. Il convient de noter également que colmater une brèche sur le net ne prémunit pas contre l'apparition d'autres brèches, ailleurs, parfois bien plus tard. La négociation avec les "sources" est donc une étape nécessaire mais absolument pas suffisante. Il s'agit d'un frein apporté à la crise, notamment à son démarrage mais aucunement d'une neutralisation de cette dernière. Assurer Assumer, c'est en l'espèce ne pas esquiver la réalité ou penser que l'on peut la dissimuler derrière un écran de fumée. Quelle que soit son épaisseur. Il ne s'agit pas de faire son mea culpa s'il n'y a pas de raison de le faire mais il s'agit néanmoins de le faire s'il y a eu faute avérée. C'est surtout ne pas hésiter à entamer la discussion avec les internautes, faire montre de pédagogie, se placer au plus près de la convergence entre ce qui peut être dit et ce que veulent entendre ses interlocuteurs. Reprendre le contrôle A ce stade, vous avez noué le contact avec vos détracteurs, vous avez limité -ou mieux, endigué- les foyers de diffusion du e-scandale, vous avez eu un discours cohérent car homogène, vous avez personnifié votre discours en recourant à un interlocuteur unique; il vous reste maintenant à prendre un temps d'avance par rapport aux éventuels -et probables- artefacts de la crise (une vidéo qui ressort de nulle part, un commentaire qui rappelle l'affaire en oubliant d'en relater l'évolution, etc.). Concrètement, cela peut passer par la prise de mesures marquant votre volonté de ne plus voir un tel e-scandale se reproduire : création d'un département ou d'une commission consacrés à la question sous-jacente au e-scandale, lancement d'un dispositif d'information en continu de la clientèle, réalisation d'une contre-campagne, etc. Il s'agit également de communiquer sur ces mesures. Mieux, il s'agit de s'assurer de devenir la première source d'information en relation avec les mots clés liés au e-scandale. Cela passe par un travail d'expertise comprenant référencement, déréférencement, échange de liens, communication en ligne, dispositifs de diffusion de l'information (newsletters, RSS, atom, etc.), supports de diffusion (blogs, minisites, etc.), social bookmarketing, etc. Du chaud au froid Au même titre qu'un produit ou un service, la crise a un cycle de vie. Internet étant avant tout un "média chaud", la phase de lancement d'un e-scandale est extrêmement brève et est immédiatement suivie d'une phase de croissance très puissante. Intervenir avant la phase de croissance relève donc de l'utopie. Toute stratégie de riposte doit, de ce fait, poser pour fondement que son objectif est de stopper la phase de croissance pour faire au plus vite entrer la crise en phase de maturité puis de réduire la durée de cette phase de maturité (la plus propice aux soubresauts et artefacts évoqués plus tôt) pour faire atteindre au e-scandale sa phase de déclin. La séquence des étapes et règles présentées plus tôt ont précisément cette fonction et prise en un bloc décisionnel homogène, l'on peut dire qu'il s'agit en fait de transformer Internet de "média chaud" basé sur l'effet d'annonce immédiat, la propagation rapide et le règne de la rumeur en ce "média froid", propice au débat, à l'approfondissement et à la prise de distance qu'il peut tout aussi bien être. Une fois le support "refroidi", c'est vous qui maîtrisez le rythme et donc le cycle de vie de la crise. ----------------------