L'intégration de plus en plus poussée de l'économie tunisienne dans le circuit des échanges internationaux engendre de nouveaux défis pour les capitaines d'industrie du pays, recompose l'espace national -désormais ouvert aux turpitudes du capital international- et porte la question territoriale à un degré de tension bien plus élevée que par le passé, posant des problèmes autrement plus aigus. Dés l'indépendance, la puissance publique, dépositaire de l'intérêt général et détentrice, à l'époque, du principal levier économique, a su gérer efficacement le contraste entre les différents versants du territoire. A l'aube du nouveau millénaire, le découpage de l'espace va prendre un contenu à même de permettre à l'Etat de jouer à fond la carte des lieux d'intérêt international, en leur donnant tous les moyens de la compétition dans un Bassin méditerranéen en butte à une concurrence acharnée pour un positionnement favorable dans la perspective d'une reprise de l'économie mondiale. Dans ces conditions, il s'agit, nous dit M. Aissa Baccouche, urbaniste et sociologue, d'élever le niveau d'intégration nationale, d'entraîner tout le territoire dans le mouvement de la modernisation et d'assurer l'homogénéité de la société, en maintenant les liens de solidarité entre les espaces d'ouverture, le versant compétitif, chargé de faire face aux impératifs de la mondialisation et les espaces de protection, zones généralement rurales, situées à l'ouest, le long de la frontière algérienne et libyenne, dont les habitants auront besoin, pour rejoindre la dynamique en cours, le long de l'axe littoral oriental, de protections tarifaires, écologiques et sociales. La tâche des pouvoirs publics est donc de tenir les deux bouts de la chaîne. Métropolisation/compensation Depuis deux décennies, aux grandes agglomérations administratives et industrieuses du pays (Tunis, Sfax, Sousse), s'est ajouté un chapelet de villes marchandes, de parcs de loisirs et de grandes stations touristiques. L'ensemble étant relié par une autoroute et bien connecté avec le monde extérieur grâce à une infrastructure aéroportuaire moderne. Dans les régions intérieures, un hiatus à dominante rurale, entre Hammamet et Sousse, s'inscrit le plus important ensemble de programmes d'aménagement, avec un aéroport calibré à 30 millions de passagers, un port en eau profonde, une structure futuriste d'éclatement (hub) de porte-conteneurs, dont le trafic, précise une source au ministère du Transport, est envisagé à hauteur de 5,6 millions d'EVP (conteneur équivalent vingt pieds) à l'horizon 2030, une technopôle, véritable pépinière d'entreprises innovantes et trois nouvelles stations touristiques (Selloum I et II et Hergla), ciblant une clientèle haut de gamme. Finalement, c'est sur cette façade maritime, là où la proximité internationale favorise les ouvertures, s'étalant de Zarzis à Bizerte, éternelles interfaces fécondes de la Tunisie depuis des millénaires, tournées vers les rivages de la Méditerranée, conglomérat de communautés soudées et actives -Djerbiens, Sfaxiens, Sahéliens, Tunisois, mais aussi gens du Cap-Bon-, que les pouvoirs publics doivent tabler pour faire basculer une grande part de la dynamique nécessaire au renforcement de l'attractivité du site Tunisie dans les prochaines décennies, tout en assurant aux régions intérieures et frontalières de l'Algérie et de la Libye un meilleur encadrement mais aussi un délestage. Au fait, les moyens dégagés par les IDE devraient permettre à l'Etat de se recentrer encore davantage sur son rôle d'arbitre, de régulation et de compensation, en maintenant une politique volontariste sur l'ensemble du territoire et en particulier dans les zones les moins pourvues.