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Entretien Avec Mme Eveline Baumann, chercheuse économiste à l'Institut de recherche pour le développement
Publié dans L'expert le 27 - 05 - 2011

«La démocratisation en Géorgie… Des avancées et des revers»

Mme Eveline Baumann

En Tunisie, c'est la révolution des Jasmins, comme veulent l'appeler certains. En Géorgie, c'est la révolution des roses; la révolution pacifique où les manifestants ont porté les roses.
En 1918, la Géorgie obtint son indépendance de l'Empire russe. En 1991, elle l'obtint de l'Union soviétique. En 2003, la révolution des roses destitua un président du pouvoir.
Ce pays a connu beaucoup de conflits et de mouvements de contestation et d'opposition. Transition démocratique et démocratisation sont des notions qui ne lui sont pas étrangères.
Nous nous sommes entretenus avec Mme Eveline Baumann, chercheuse économiste à l'Institut de recherche pour le développement (IRD) et experte du cas géorgien. Nous lui avons posé ces questions sur ce pays:

La situation économique, politique et sociale s'est-elle améliorée en Géorgie en période post soviétique?

Comme dans tout pays ayant adopté l'économie de marché, il y a des gagnants et des perdants ; les derniers représentent la très grande majorité, a fortiori lorsqu'ils vivent en milieu rural et qu'ils sont âgés. Globalement, la Géorgie n'a toujours pas retrouvé le niveau de son PIB antérieur à son indépendance (1991). Si l'on prend l'indicateur du développement humain — qui combine des éléments renvoyant à la richesse matérielle, à la santé et l'éducation —, il est, lui aussi, toujours inférieur à celui de la fin des années 90. A ce titre, comparée à d'autres pays post-communistes, la situation dans la Géorgie actuelle est particulièrement dramatique. Ceci s'explique, entre autres, par les très difficiles années 90 où la guerre civile a sévi dans le pays, réduisant le PIB de manière drastique. A l'époque, il ne fallait pas seulement reconstruire l'économie, l'adapter à la nouvelle donne — perte de fournisseurs d'intrants peu coûteux et de débouchés quasi automatiques de l'espace soviétique, un espace fortement intégré tant d'un point de vue horizontal que vertical —, mais aussi se battre pour l'intégralité du territoire national. Les répercussions de cette période sont toujours palpables et se traduisent notamment par un tissu économique désarticulé.
La pauvreté est répandue, surtout en milieu rural, mais des indicateurs classiques (1 ou 2 $ par habitant et par jour, par exemple) ne veulent pas nécessairement dire grand-chose. En effet, être pauvre en Géorgie ne signifie pas la même chose qu'être pauvre en Tunisie, par exemple. Les Géorgiens, surtout les plus de 40 ans, ont une référence très précise, celle de l'époque soviétique. Ainsi, un Géorgien habitant en milieu rural peut estimer qu'il a faim s'il mange de la viande une fois par mois seulement. Tout comme il peut se considérer pauvre parce que désormais il faut payer pour avoir accès aux soins de santé, alors qu'auparavant, ces services étaient gratuits (ce qui n'excluait cependant pas des "petits cadeaux" en guise de reconnaissance vis-à-vis du personnel médical). D'une manière générale, la consommation alimentaire par habitant a diminué pour des produits aussi essentiels que la viande, les fruits, etc., ce qui est un indicateur fort instructif. Autrement dit, la pauvreté revêt des facettes multiples, et celles-ci varient en fonction du contexte…

Et pourtant, la Géorgie connaît la croissance macro-économique — si l'on excepte l'année ayant suivi la guerre d'août 2008 avec la Russie —, mais c'est une croissance sans création d'emplois. C'est sans doute cet élément qui compte parmi les plus révélateurs de la situation économique actuelle. Sept Géorgiens sur dix vivent d'un métier informel ou cultivent la terre, souvent pour la seule autoconsommation du ménage. Ce taux "d'informalités" est de loin le plus élevé dans l'espace post-soviétique et rappelle, de ce point de vue, certains pays pauvres d'Amérique latine, voire d'Afrique sub-saharienne. Il s'explique notamment par l'importance de l'agriculture et l'omniprésence d'activités de service. Bien entendu, dans la Géorgie actuelle, il y a aussi les gagnants. Ce sont ceux qui sont intégrés dans des réseaux internationaux (de commerce, de consultance), qui travaillent dans la finance, les organisations internationales, les ONG bénéficiant d'un appui international.
Pour ce qui est de la situation politique, des progrès considérables ont été faits depuis que Mikheïl Saakachvili a accédé à la présidence en 2004, à la suite de la Révolution des Roses. La Géorgie a été pendant longtemps considérée comme l'un des "bons élèves" en matière de démocratisation, le point culminant en la matière ayant sans doute été la visite, à Tbilissi, du président G.W.Bush en 2005. Mais ceux qui attribuaient au pays ce label semblaient faire l'amalgame entre, d'une part, des mesures de démocratisation décrétées et fortement médiatisées par les supports acquis au pouvoir et, d'autre part, l'application effective de ces mesures et les possibles sanctions en cas de non-respect. La liberté d'expression, le respect des droits individuels de propriété, la liberté de réunion sont garantis par la loi, mais dans la pratique, les lacunes sont nombreuses, et ceci d'autant plus que les Géorgiens ne disposent pas de véritable espace où ils puissent s'exprimer. Dans les villages, par exemple, il n'y a quasiment pas de lieux où ils puissent se réunir et débattre de leurs problèmes au quotidien. Alors que les journaux sont relativement coûteux et la radio joue un rôle mineur en tant que média d'information, la télévision se limite essentiellement aux chaînes contrôlées par le pouvoir. Seules quelques très petites chaînes émettent sur le territoire de la capitale Tbilissi, alors que les zones rurales, elles, sont complètement dépourvues de couverture. Comment voulez-vous que, dans ce contexte, l'information passe, qu'un débat démocratique puisse s'installer ? Il est vrai aussi que, sur le plan international, l'image de la Géorgie s'est sérieusement ternie, surtout depuis la guerre d'août 2008, du fait des lourdes responsabilités de Mikheïl Saakachvili dans le déclenchement du conflit. Mais à l'heure actuelle, ce qui semble compter surtout pour les grandes puissances, Washington en tête, c'est la bonne entente avec Moscou. Ainsi, la situation de ce petit pays de 4,5 millions d'habitants passe au second plan…

La position géostratégique du pays, la politique de voisinage, ainsi que le pluralisme ethnolinguistique du Caucase ont-ils été des facteurs impactant le processus de transition en Géorgie?

Pour ce qui est tout d'abord de la position géostratégique, la Géorgie est un carrefour entre l'Asie centrale et l'Europe. Pensons à l'ancienne route de la soie dont une branche passait par le Sud-Caucase. C'est par cette zone que continuent à transiter de nombreuses marchandises, y compris les hydrocarbures, enjeu de taille pour les économies hautement industrialisées d'Europe occidentale, d'une part, les producteurs de pétrole comme l'Azerbaïdjan et des pays d'Asie centrale comme le Kazakhstan, d'autre part. Ce transit — qui se trouve matérialisé par les oléoducs, les gazoducs, le chemin de fer et la route (cf. la TRACECA qui implique la Bulgarie, la Roumanie, la Turquie, l'Ukraine, la Moldavie, les trois pays sud-caucasiens dont la Géorgie ainsi que les pays d'Asie centrale anciennement membres de l'URSS) — procure à l'Etat géorgien des ressources financières non négligeables. La sécurité de la région est donc vitale, non seulement pour la Géorgie même, mais aussi pour ses partenaires commerciaux orientaux et l'Union européenne toute proche.
En effet, pour Bruxelles, il est important d'avoir à ses portes une région stable, politiquement sécurisée et aussi prospère que possible. Car l'on sait que la pauvreté peut engendrer des troubles, que ceux-ci peuvent être contagieux et donner lieu à des migrations spontanées et non désirées par les "pays d'accueil"… C'est aussi dans cet objectif que l'UE mène une "politique de voisinage" vis-à-vis des pays voisins (comme la Tunisie d'ailleurs). Plus encore, par rapport aux pays de son voisinage oriental, Bruxelles a mis en place le "Partenariat de l'Est". Ces différentes mesures consistent à amener les pays se situant aux portes de l'UE à adopter des normes qui soient proches de celles de l'UE, et ceci pour faciliter les échanges commerciaux — d'où des normes d'hygiène relatives aux produits alimentaires, mais pas seulement — et pour éviter le dumping social — d'où des mesures en vue de protections sociales promues par Bruxelles.
Or, les décideurs russes — la Russie étant le puissant voisin du Nord de la Géorgie — semblent régulièrement ressentir le besoin de montrer qu'ils peuvent "pacifier" la zone se situant à ses frontières, besoin qui s'exprime surtout chaque fois que Moscou se sent fragilisé par des événements de toutes sortes et qu'il estime opportun d'affirmer sa puissance vis-à-vis de l'extérieur, pour se faire respecter à l'intérieur…
Pour ce qui est du pluralisme ethnolinguistique dans le Caucase, richesse par excellence d'un point de vue culturel, il handicape de manière récurrente la bonne marche de la politique dans le Sud-Caucase et tout particulièrement en Géorgie. Tbilissi est constamment préoccupé par l'intégralité territoriale du pays; ceci fut le cas dès le lendemain de l'indépendance du pays. Des ressentiments, souvent vieux de décennies, voire de siècles, sont attisés par toutes sortes d'événements. Or, dans une société encore largement agricole, la terre fait partie des éléments nécessaires à l'identité de chaque peuple. C'est aussi pour cette raison que les confrontations sont souvent particulièrement violentes, tout en étant instrumentalisées par l'étranger. Ce qu'il faut garder à l'esprit, c'est que la Géorgie a été amputée d'environ un tiers de son territoire. Certes, le président Saakachvili a pu récupérer l'Adjarie au lendemain de la Révolution des Roses. Mais l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud ont déclaré leur indépendance, tout en ayant chacune des visées spécifiques. En ce qui concerne l'Ossétie du Sud, depuis la guerre d'août 2008, la Géorgie ne dispose que d'une frontière symbolique avec elle, ce qui est évidemment un handicap de taille pour l'adhésion du pays à l'OTAN, une perspective qui semble s'éloigner très sérieusement.

Est-ce qu'il y a eu une rupture totale avec l'ancien régime soviétique en Géorgie?

Oui et non. Oui, d'un point de vue économique, puisque le régime actuel tient à se rapprocher de l'Union européenne et qu'il s'est engagé dans un ultra-libéralisme qui cherche son égal dans le monde, avec, par exemple, un Code du travail tellement libertaire que le BIT (Bureau international du Travail) le considère tout simplement inacceptable. Les travailleurs géorgiens sont très peu protégés contre l'arbitraire des employeurs — par exemple, dans quel autre pays du monde connaît-on un "contrat de travail" conclu oralement ? —, ce qui est évidemment en opposition par rapport au régime soviétique — que je n'essaie nullement d'idéaliser, soit dit en passant, tant les abus de toutes sortes étaient fréquents et les privilèges répandus. Il n'en reste pas moins qu'à l'époque soviétique, le droit au travail — et le salaire qui va avec — était quasiment garanti à vie, avec tout ce que cela comportait aussi comme protection sociale, gratuité des soins de santé, droits aux congés, logements subventionnés, institutions pour la petite enfance, les écoles, et surtout les retraites. En Union soviétique, un retraité pouvait vivre assez confortablement, et ceci d'autant plus que les produits de première nécessité étaient subventionnés. Il en est autrement à l'heure actuelle où la pension de retraite n'est qu'un moyen de lutte contre la pauvreté, car elle ne représente qu'une partie du minimum vital. Et pourtant, pour beaucoup de personnes âgées, c'est la seule rentrée d'argent. Il s'ensuit que beaucoup de personnes âgées sont amenées à travailler la terre. D'une manière générale, à l'heure actuelle, il y a proportionnellement deux fois plus de personnes travaillant la terre qu'à l'époque soviétique.
Les antagonismes entre Moscou et Tbilissi n'empêchent cependant pas qu'un certain nombre d'hommes d'affaires proches du pouvoir russe, parfois même des originaires de Géorgie, investissent dans ce pays. On ne connaît pas l'ampleur de ces investissements, car souvent, ils sont effectués à travers des sociétés difficilement identifiables. Mais l'on sait, par exemple, que la production d'électricité est fortement contrôlée par la Russie. Un autre secteur ayant attiré des investisseurs de l'ex-URSS — tous pays confondus — est le tourisme. Ainsi, des investisseurs kazakhs sont actifs dans ce secteur potentiellement porteur, la Géorgie bénéficiant d'un climat méditerranéen, avec des sites touristique en bord de mer et en montagne.
En ce qui concerne la vie politique proprement dite, il n'est pas inintéressant de noter que, tout en insistant sur ses distances par rapport à la Russie — ce qui est normal, compte tenu des tensions récurrentes —, la pratique du pouvoir ressemble, à certains égards, à ce que les Géorgiens ont connu du temps de l'Union soviétique. Ainsi, le parti du président Saakachvili devient de plus en plus un parti-Etat — utilisant, par exemple, les emblèmes de l'Etat à des fins partisanes, ce qui engendre une confusion symbolique dans l'imaginaire des populations. Cette situation est encouragée par le refus de la majorité des partis d'opposition de siéger au parlement et par le caractère limité d'un débat public.


La Géorgie a-t-elle réussi dans le processus de démocratisation?

Je pense avoir donné les éléments de réponse ci-dessus. La démocratisation en Géorgie, comme dans d'autres pays, post-soviétiques ou non, n'est pas rectiligne, elle a connu et connaîtra des avancées et des revers. J'ajouterai seulement que, comme vous dites, la démocratisation est un processus et non un point final d'une évolution. Cette différence est de taille, mais semble souvent oubliée. Il n'existe pas de pays au monde qui puisse prétendre être arrivé à un stade final de démocratie. La démocratisation, c'est un combat au quotidien, un combat nécessitant des ajustements permanents, en fonction du contexte national et international, en fonction de l'évolution de la conscience collective des parties prenantes et des aspirations des individus.

Quelles leçons pourrons-nous tirer de l'expérience géorgienne pour la Tunisie?

Les leçons que la Tunisie peut tirer de l'expérience géorgienne sont de plusieurs ordres. Tout d'abord, il serait une erreur de faire l'amalgame entre économie de marché, d'une part, et processus de démocratisation, d'autre part. Une confusion qui a donné lieu au désenchantement en Géorgie dont les populations voulaient — et veulent — tout simplement vivre mieux et plus dignement que sous le régime soviétique. Or, la révolution des Roses était essentiellement une révolution néo-libérale ; elle n'a pas grand-chose à voir avec la démocratisation, c'est-à-dire l'accès égalitaire aux droits individuels et la répartition des richesses créées. Ensuite, il est un fait que les expériences ne sauront être dupliquées, car chacune d'elles est le fruit d'une histoire spécifique, d'un contexte spécifique. Ce qui marche dans un pays peut s'avérer désastreux dans le cas d'un autre. Il n'y a, malheureusement, pas de recette passe-partout pour surmonter les séquelles d'une dictature, pour réussir le passage vers un régime garantissant autant que faire se peut le bien-être de tous. Enfin, le processus de démocratisation n'est pas la suite "logique" ou "naturelle" d'une révolution. Pour que ce processus puisse s'enclencher, il faut beaucoup de volonté de la part des décideurs, un dosage judicieux entre le devoir de mémoire et le souci de "passer à autre chose", il faut un Etat opérationnel qui intervient là où c'est nécessaire, pour prévenir tout dérapage économique et social préjudiciable à la paix sociale.

Interviewée par Anissa Bouchoucha


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