A la recherche d'une prospérité partagée dans l'Euromed Par Moncef MAHROUG
Pour la première fois, un déclin démographique irrésistible qui n'est pas le résultat de guerres ou d'épidémies est en cours depuis 2005 en Europe. S'il n'y a pas de migration étrangère au cours des 20 prochaines années, la population active européenne des 20-40 ans baissera de 17%. Cette donnée fondamentale était au cur des débats de la 13ème Université d'Eté de l' Association Mohamed Ali de Culture Ouvrière qui a discuté du mouvement de personnes et de capitaux entre le Maghreb et l'Europe. «Emploi, mouvements des personnes et des capitaux et responsabilité sociale des acteurs dans la zone Euromed». Tel est le thème que l'Association Mohamed Ali de Culture Ouvrière, dirigée par Habib Guiza, s'est choisi pour son «Université d'été», la 13ème du genre. Ce faisant, cette manifestation se fixe comme objectif de «s'interroger sur les articulations entre les 4 ou 5 mots-clefs» de ce thème, c'est-à-dire d'essayer d'apporter une réponse claire à une problématique complexe concernant la région euroméditerranéenne : est-il possible de réguler le flux d'hommes et de capitaux entre les deux rives de la Méditerranée en vue de garantir emplois et prospérité à leurs populations ?». L'emploi, voilà une «question centrale au Sud et au Nord» de «mare nostrum», constate Mahmoud Benromdhane, coordinateur scientifique de l'Université d'été. Massif et persistant, le chômage constitue en effet aujourd'hui «la principale source d'inquiétude des populations, notamment des jeunes», dont près de 25% sont sans travail. A titre d'exemple, l'Allemagne, «locomotive de l'Europe», a franchi en 2005 la barre des 5 millions de sans emplois. De ce côté-ci de la Méditerranée, le chômage est en Afrique du Nord l'un des plus élevés au monde : 11% au Maroc, 14% en Tunisie et 27% en Algérie. Phénomène nouveau et inquiétant, on assiste à la montée du chômage des jeunes diplômés de l'université, dont les trois quarts sont exclus du marché de l'emploi au Maroc, par exemple-, de 1 à 3 ans une période plus longue que pour la moyenne des chômeurs. Et c'est justement ce déficit en matière d'emplois qui constitue le moteur du mouvement, tant légal qu'illégal, de personnes entre les deux rives de la Méditerranée si l'on exclut les flux touristiques. En raison des «restrictions réglementaires à l'entrée légale dans l'espace Schengen», on a assisté non pas à un arrêt des flux, mais «à une substitution par une immigration illégale», note Mahmoud Benromdhane. Ce qui met les gouvernements européens dans l'obligation de légaliser en masse et après coup la présence de travailleurs étrangers clandestins. Or, les mécanismes et les facteurs à l'origine de ce flux ne sont pas près de disparaître. C'est du moins ce qu'indique, concernant la Tunisie, une récente enquête de l'UNICEF ayant porté sur un groupe de 3.000 jeunes tunisiens, dont il ressort que plus du cinquième ont des projets d'émigration clandestine. D'ailleurs, si les transferts de devises des travailleurs tant tunisiens que marocains ont progressé de 80% à 90% au cours des dernières années, ce n'est pas parce que ceux-ci sont devenus plus riches mais tout simplement, observe le coordinateur scientifique de l'Université d'été, parce qu'ils sont devenus plus nombreux. Aussi, recommande l'orateur, «l'Europe doit tirer rapidement les leçons et changer» de politique. D'autant que son évolution démographique semble devoir l'y contraindre et ouvrir des «horizons exceptionnellement favorables» pour les flux migratoires à partir des pays du Sud de la Méditerranée. En effet, «il y a pour la première fois un déclin démographique irrésistible qui n'est pas le résultat de guerres ou d'épidémies», analyse Mahmoud Benromdhane. De fait, la baisse de la population européenne a commencé en 2005. Et «s'il n'y a pas de migration étrangère au cours des 20 prochaines années, la population active européenne des 20-40 ans baissera de 17%». D'après les projections de l'ONU pour la période 2005-2050, l'Europe aura besoin d'un apport démographique de 79 millions de personnes, soit 1,5 million par an durant cette période, pour maintenir sa population active. Et parce que les immigrés eux-mêmes vieillissent, l'Europe aura besoin d'«importer» 674 millions de personnes «pour maintenir le rapport entre actifs et inactifs».