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Tunisie - Franchise : Les franchiseurs tunisiens souffrent d'un manque de professionnalisme et de technicité
Publié dans WMC actualités le 15 - 12 - 2009

Webmanagercenter : Pensez-vous que la réglementation sur la franchise promulguée dans le cadre de la loi sur la grande distribution en Tunisie, développera le commerce en Tunisie ?
Jean Samper : Je suis un spécialiste de la franchise à l'échelle internationale mais je n'ai pas une compétence spécifique par rapport à ce qui a été réalisé en Tunisie en la matière. En France, par exemple, nous avons une expérience très ancienne en matière de franchise puisqu'elle y a été créée en 1926, par Pingouin, en même temps qu'aux Etats-Unis. Evidemment, nombre de pays sont en retard par rapport aux USA et par rapport à nous. Maintenant, si nous prenons l'exemple marocain, pays proche de la Tunisie, il n'y existe pas de loi sur la franchise et pourtant dans la pratique ce mode fonctionne à merveille. La raison en est simple, il n'y a pas de règlementations qui freinent de manière importante l'exportation des capitaux ou des royalties. Il y a tout juste un contrôle effectué par la banque centrale pour que les royalties versées à l'étranger correspondent à un véritable service et non pas à une fuite de capitaux, ce qui est tout à fait compréhensible.
En Algérie il n'y a pas de loi sur la franchise ce qui n'empêche pas son existence, mais il y a un cadre sur la circulation et l'exportation des capitaux et la règlementation de change extrêmement gênant car elle empêche les royalties de redevances de marque. La loi ne permet que des redevances pour des prestations de service. Donc, les Algériens peuvent payer à l'étranger des abonnements à des hotlines, des prestations de services calculées sur la base forfaitaire ou sur une base de pourcentage, mais la Banque centrale d'Algérie n'autorise l'exportation de ces redevances qu'à partir du moment où elles correspondent à une prestation de service. Or le prêt d'un concept ou d'une marque n'est pas considéré par la Banque centrale algérienne comme une prestation de service.
L'Algérie est un peu en retard au niveau de l'informel, de la reconnaissance des marques, la signature de ses accords internationaux pour le respect des marques et la lutte contre la contrefaçon. Ce pays annonce depuis longtemps une loi sur la franchise qui tarde à venir parce qu'il y a d'autres priorités et la modernisation du commerce aujourd‘hui est freinée à la fois parce que la loi sur la franchise n'a pas été promulguée alors qu'elle est nécessaire, et la réglementation de change n'a pas évolué.
La modernisation du commerce en Algérie reste assez embryonnaire, l'élévation du savoir-faire, des méthodes, de l'accueil, les notions de concept, respect des marques, de standardisation, de professionnalisation du commerce y sont assez récents. Avec l'avènement des centres commerciaux, cette modernisation va s'accélérer.
En Tunisie, on voit une double situation : premièrement, celle où les Tunisiens étant très ouverts sur l'extérieur, et particulièrement les pays francophones, ont des clients en France et ailleurs, ont des clients franchiseurs ; ils se déplacent beaucoup, ils sont à cheval sur deux pays, et tout naturellement il y a une compréhension et des réseaux qui est très forte d'autant plus que dans l'industrie textile, il existe plusieurs réseaux qui fonctionnent un peu comme des franchises light avec relativement peu de services dans l'ensemble, c'est un peu entre la concession et la franchise, si ce n'est qu'elles ne s'appellent pas franchise.
D'autre part, pour des raisons purement tunisiennes, la notion de franchise était un petit peu mal vue. En fait, ce qu'il faut pour s'implanter dans un pays c'est la liberté de pouvoir contracter et la liberté de pouvoir encaisser un droit d'entrée et des redevances. Loi ou pas, pour développer des activités commerciales et les moderniser, il faut encourager la libre concurrence avec les étrangers qui apportent une autre manière de commercer et d'autres approches tant au plan de la standardisation du produit que de la qualité de service.
Par rapport aux royalties, certains importateurs intéressés par le statut de franchisés de marques internationales ont peur que les royalties, si elles ne sont pas fixées par la loi, soient exagérément prélevées par les franchiseurs.
Ce sont des craintes mal fondées. Ceci est dû au manque d'informations. J'ai lu la loi tunisienne sur la franchise et j'ai pensé : elle est trop courte, elle n'entre pas dans le détail. Je me suis dit, je vais aller en Tunisie et discuter avec les responsables locaux. J'estime que le problème n'est pas la loi elle-même mais il réside dans la réglementation de changes et dans la façon dont les autorisations d'exercer et de contracter peuvent être données ou refusées.
Je suis en Tunisie sans aucun a priori positif ou négatif puisque la loi en tant que telle a le mérite de clarifier un certain nombre de choses. Pour l'instant, je suis incapable d'en apprécier la portée. Il faudrait que je connaisse mieux la règlementation locale en matière de règlement de change et d'autorisation d'exercer, ainsi que leurs pratiques courantes. Je viens avec un sentiment positif pour apprendre et échanger avec les gens du pays.
Oui mais pour revenir aux royalties…
La franchise ne fonctionne qu'à partir du moment où il y a un contrat écrit et à partir du moment où on rentre dans tous ses détails. Souvent dans les pays du Maghreb ou dans le Moyen-Orient, on signe des contrats en les lisant en diagonale sans s'attacher aux détails.
Or il faut s'attacher à chaque mot et à chaque lettre. Les Européens ou les Américains -et c'est culturel- ne signent des contrats qu'après les avoir lus ligne par ligne ou écrit ligne par ligne et mot à mot. Au bout du compte, lorsqu'un contrat est signé entre un Maghrébin et un Européen, le premier va être surpris par les conditions du contrat et le deuxième va se dire, moi j'ai signé un papier très précis. Il ne se rend même pas compte qu'il a signé son contrat avec une personne qui accorde plus d'importance aux rapports de confiance avec du «on va se débrouiller plus tard» qu'aux écrits.
D'après moi, il faudrait changer la façon de faire, la franchise fonctionne très bien quand les deux contractants se sont mis d'accord sur tous les détails avant même de signer. Dans ces détails, le plus important est bien le droit d'entrée et de redevances. Comment voulez-vous que le droit d'entrée soit trop élevé et les royalties soient trop élevées si elles ont été fixées au départ dans le contrat et nécessairement par un franchiseur qui a des références de fonctionnement dans les autres pays et qui fixe ses redevances en fonction du coût des services qu'il va donner ?
Je pense que c'est le point principal d'ailleurs inscrit dans la loi tunisienne et j'espère que le décret d'application va être aussi intelligent que la loi. Cette loi stipule que le franchiseur doit remettre un document dont le contenu sera fixé dans le décret d'application bien avant la signature du contrat et donner toutes les informations au futur franchisé pour qu'il puisse savoir quels sont les implications, les coûts, les services, les données, etc. Il est vrai qu'il peut y avoir des abus mais dans le cas des franchiseurs internationaux déjà présents dans plusieurs pays, il s'agira de très peu d'abus car leur préoccupation principale est de réussir et de préserver leurs réputations. Ils n'ont pas intérêt à ce que leurs réputations soient ternies si jamais ils veulent s'installer en Tunisie car s'ils échouent, s'en est fini de leurs réputations. Il leur sera, par conséquent, très difficile de se développer. Par contre, il faudrait être prudent avec ceux qui ne sont pas de gros franchiseurs, qui n'ont pas de bases solides dans leurs pays et dont c'est la première aventure à l'exportation parce qu'ils peuvent manquer de compétence dans la fixation des bons niveaux de royalties, la mise en place des structures adéquates et des services nécessaires aux franchisés pour réussir.
Pensez-vous que la franchise est une pratique commerciale qui a de chances de bien se développer dans les pays maghrébins ?
En Algérie, en ce qui nous concerne, nous travaillons très peu car le cadre réglementaire n'y est pas encore favorable. Au Maroc, nous sommes assez présents, nous traitons avec des consultants marocains et nous avons des sites Internet marocains. En un mot, nous sommes bien implantés au Royaume alaouite. Nous souhaiterions faire de même avec la Tunisie et c'est pour cela que j'y viens. La Tunisie a déjà une partie du savoir-faire nécessaire à la franchise avec des réseaux qui ne s'appellent pas franchise mais qui fonctionnent de manière déguisée.
On dit également que les Tunisiens souhaitent exporter leurs franchises et dans le même temps protéger leur commerce local en empêchant les franchiseurs étrangers de venir. Je ne sais pas s'ils ont tort ou raison. Par contre, ce que je sais, c'est que pour développer une franchise performante ou un commerce performant, il faut être confronté à la concurrence.
Le développement d'une franchise étrangère dans un marché immature ne peut-il pas avoir des conséquences négatives sur le commerce local ?
Je comprends parfaitement, et ce n'est pas un Français qui va dire le contraire, qu'il faille protéger le petit commerce qui crée beaucoup d'emplois contre un développement trop rapide de la Grande distribution qui semble créer des emplois quand on ouvre un magasin mais qui tue beaucoup de petits commerces aux alentours.
Je saisis tout à fait qu'il est nécessaire de cadrer la modernisation du commerce pour qu'il n'y ait pas destruction d'emplois dans le commerce traditionnel. Nous avons devant nous les expériences italienne, espagnole, et grecque, s'il n'ya pas d'encadrement il y a un effet destructeur de l'emploi.
Maintenant est-ce que la franchise est une menace pour l'emploi ou est-ce qu'elle est une chance ? Dans un premier temps au Maroc ou en France, dans des pays francophones ou francophiles, on a vu que les autorités craignaient que la franchise soit un destructeur d'emploi, aujourd'hui dans tous ces pays, les chambres de commerce, l'Etat, le ministère du Commerce, les organisations syndicales représentant les commerçants, soutiennent la coexistence entre le commerce indépendant isolé et le commerce indépendant franchisé. On n'oppose plus la franchise à l'indépendance parce qu'il y a des indépendants isolés et d'autres regroupés dans des coopératives et des indépendants regroupés dans des franchises.
La franchise est le meilleur moyen d'élever le niveau technique, le niveau de compétences et le niveau de rentabilité des petits commerces pour lutter contre les gros succursalistes. Aujourd'hui, c'est admis dans tous les pays qui pratiquent la franchise.
Je voudrais appeler la Tunisie à ne pas faire d'amalgame entre la Grande distribution et la franchise. La plupart des chaînes de franchise sont là pour aider les petits commerçants, les petits entrepreneurs et les entrepreneurs moyens pour être plus performants et plus modernes. L'atout principal de la Tunisie c'est d'avoir pu observer ce qui s'est passé sur les deux rives de la Méditerranée, Nord ou Sud.
D'un autre côté, il faut développer la compétence des franchiseurs tunisiens et les aider à exporter. C'est capital, mais ils n'arriveront jamais à exporter s'ils ne sont pas, encore une fois, confrontés en Tunisie ou ailleurs à une certaine concurrence internationale de telle manière que leur niveau de professionnalisme soit suffisamment bon pour que quand ils arrivent à l'étranger, ils réussissent à exporter le savoir-faire tunisien. Aujourd'hui, le problème est que les franchiseurs tunisiens qu'on voit à l'étranger, et sans citer de noms, sont intelligents et compétents sur le plan commercial mais déphasés au niveau du professionnalisme et de la technicité exigés par la franchise dans les autres pays.
Quelles sont les conditions requises pour réussir en tant que franchisé ou franchiseur ?
Je vais revenir un peu sur les fondamentaux si vous voulez. Le monde du commerce, le monde de la franchise c'est un monde compliqué mais on a toujours besoin d'un petit guide simple avec les bases, et je pense qu'il faudrait toujours revenir aux bases pour comprendre comment cela fonctionne. Ce que je vais vous dire doit être assimilé par tout le monde afin d'éviter les erreurs. Dans le contrat de franchise, il y a plusieurs niveaux : le premier niveau est le contrat de licence de marque. Qu'est-ce que c'est? Je vous prête ma marque et en échange vous me donnez un pourcentage pour l'utilisation de ma marque. Disney fait cela pour les peluches, pour la fabrication de casquettes, pour les personnages de dessin animés… On peut avoir un contrat de licence de marque à mettre sur des produits et on peut avoir un contrat de licence de marque, c'est ce qui nous intéresse, pour mettre sur une enseigne dans un magasin. Je vous prête ma marque et en échange vous me payez. Ce type de contrat seul est très rare puisque, à quoi cela sert-il d'avoir une enseigne s'il n'y a pas une homogénéité entre cette enseigne et les produits qui sont vendus. Cela voudrait dire que, dans un magasin par exemple, à la marque X, on aurait des produits pour enfants, dans l'autre rayon des habits pour adultes, d'un côté du cher, de l'autre du moins cher, c'est du n'importe quoi...
Donc, la marque ne vaudrait plus rien. Dans la pratique, la marque est toujours associée à une collection de produits ou à une collection de services définis de manière plus ou moins rigide, plus ou moins adaptable et cette définition de collection permet d'avoir une homogénéité par rapport à elle.
En Tunisie, tout le monde sait que Mac Donald n'existe pas, imaginez qu'on serve du couscous dans un Mac Donald, ça n'a plus de sens car ça n'est pas homogène. L'enseigne et la marque n'ont de valeur qu'à partir du moment où on définit en même temps une collection de produits ou de services, c'est-à-dire qu'on est au deuxième niveau du contrat, le niveau de la concession.
Qu'est-ce qu'un contrat de concession ?
En théorie, il y a un contrat de licence de marque qui existe mais qui est peu pratiqué. Dans la pratique, c'est plutôt de la concession et la franchise va se définir comme, oui il y a un contrat de licence de marque, oui il y a en plus le niveau de la concession puisqu'il y a une définition de la collection de produits ou de services vendus mais ce qui différencie la franchise c'est, d'une part, le transfert du savoir-faire, et, d'autre part, l'assistance permanente.
Donc pour réussir en franchise, il faut que le franchiseur ait mis au point un savoir-faire et une expérience, que ce savoir-faire soit transmissible, qu'il soit effectivement transmis et qu'on contrôle la manière dont il est appliqué pour qu'il soit bien appliqué, et qu'ensuite il y ait une assistance permanente pour que le franchiseur aide le franchisé en permanence. Autant dire que, pour que le franchisé réussisse, il faut qu'il choisisse un franchiseur qui a un savoir-faire qui soit applicable à la Tunisie. Pour vendre des parapluies à Lille, il ne s'agit pas d'user du même savoir-faire que pour vendre des ombrelles en Tunisie.
S'agit-il ici d'une approche culturelle ?
Il y a une approche climatique, culturelle, marketing, parce que la distribution en Tunisie n'est pas la même que celle en France, le niveau de la concurrence n'est pas le même. En France, lorsque vous êtes dans une rue commerçante, vous savez qu'en face d'un magasin de chaîne ou d'un centre commercial, vous avez un autre magasin de chaîne, donc vous avez un niveau technique de concurrence et une forme de concurrence beaucoup moins basée sur la personnalisation des relations humaines que lorsqu'on se promène dans les rues commerçantes à Tunis.
Forcément la culture de marketing est importante, cela va ensemble. Il y aura nécessairement une forme d'adaptation, qui va être nécessaire. Jusqu'où ? Je ne sais pas, mais il va falloir étudier l'approche et le concept pour savoir quel est celui qui pourrait être le plus adapté à la Tunisie. Sachant que si le concept doit être lourdement adapté, il ne faut pas le prendre, c'est trop cher. Si le concept mérite quelques adaptations légères en termes de collections, en termes de façon de faire ou de vendre, là il n'y a plus de problème.
Le plus fréquent quand on passe d'un concept du Nord au Sud, quand on passe d'un concept d'Europe à son application au Maghreb, c'est l'augmentation du nombre de personnes qui travaillent dans le magasin parce que la notion d'accueil en Europe ou en France est traitée de manière différente. Elle est certes professionnelle mais beaucoup plus froide dans la mesure où le personnel coûte très cher chez nous et, donc, on ne peut pas se permettre d'avoir, comme au Maghreb, une secrétaire, quelqu'un au standard, un autre pour apporter le café ou pour faire les photocopies, etc. ; en Europe, ces postes là ont disparu, on ne peut pas se les permettre, cela la concurrence ne le permet plus et on n'en a plus les moyens.
Même en Arabie Saoudite qui est un pays riche, quand nous arrivons là-bas, automatiquement les concepts des magasins prévoient ceux qui ont l'expérience internationale, une ou deux personnes de plus pour porter les paquets, ou pour dire bonjour ou apporter une attention particulière aux clients, des choses qu'on ne peut plus s'autoriser en Europe.
Donc pour réussir la franchise en Tunisie avec un concept étranger, je pense qu'il faut donner la priorité à des franchiseurs européens qui ont déjà réussi dans d'autres pays, un Français qui a réussi au Maroc, ou qui a fait l'expérience dans d'autres pays est beaucoup plus prêt à s'adapter au concept tunisien à bon escient. Pas s'adapter pour faire n'importe quoi mais plutôt quand c'est nécessaire que quelqu'un qui n'a pas encore l'expérience. Cela ne condamne pas les gens qui font une première expérience dans l'exportation, simplement il faut être un peu plus lent dans la négociation avec eux qu'avec des gens qui ont déjà réussi dans d'autres pays.
Il y a une confusion entre deux concepts : la distribution et la franchise…
Il faut relier les choses par apport à notre histoire commune. Nous partageons une langue, vous, vous maîtrisez deux langues et nous, nous n'en maîtrisons qu'une et parfois on en est bien embêtés. En Tunisie, en Algérie et au Maroc on comprend la télévision française, on lit les magazines français, etc. et on a une connaissance et une idéalisation très forte des marques françaises. Traditionnellement, les premiers investisseurs franchisés du Maroc, de la Tunisie ou de l'Algérie, peuvent, il est vrai, être des gens qui confondent franchise et représentation. Je veux devenir monsieur Celio, le monsieur Mac Donald de la Tunisie, ou du Maroc. C'est-à-dire qu'il y a une confusion entre le pouvoir de la marque et le pouvoir du concept.
Certes, la marque est importante mais ce n'est pas la marque qui va rentabiliser un magasin. Donc, il y a des gens qui se disent je vais ouvrir un magasin en Tunisie ou au Maroc et grâce à la marque, les gens vont venir et cela va marcher tout seul. Il y a en fait une surreprésentation et une surestimation de la valeur de la marque au Maghreb par rapport à la valeur du concept. La marque fait venir des gens mais c'est le concept qui permet de la rentabiliser. Il y a peut-être un certain opportunisme, c'est-à-dire des gens qui vous disent : je saute sur la marque le premier et c'est moi qui réussirais, mais cela ne sert à rien parce que la plupart des gens qui font cela perdent de l'argent et gaspillent le potentiel de la marque dans leur pays. On l'a vu au Maroc. Donc les Tunisiens devraient être prudents et ne pas commettre les mêmes erreurs qu'au Maroc.
La marque a du pouvoir mais ce n'est pas elle qui va rentabiliser l'opération, l'important c'est le concept, les méthodes de gestion, le savoir-faire et la rentabilisation.
Quels sont les secteurs qui pourraient profiter le plus de la franchise ?
Il y a plusieurs éléments, c'est assez difficile d'être trop catégorique. Sans avoir la prétention de dicter quoi que ce soit, essayons de voir ce qui s'est passé au Maroc, un pays à bien des égards similaire à la Tunisie. On ouvre les vannes du commerce international et on dit aux franchiseurs étrangers vous pouvez venir, la première conséquence est que les investisseurs et les gens du pays qui décident d'acheter des franchises étrangères et confondent la marque et la rentabilité.
La deuxième étape, ce sont les mêmes personnes qui vont comprendre que le concept est intéressant et que ce sont les méthodes de gestion et le savoir-faire qui sont les plus importants et pas uniquement la marque. Ils achètent finalement des marques et du savoir-faire étrangers qui sont généralement vendus à des prix très élevés par rapport au pouvoir d'achat des populations locales. Donc, on importe du savoir-faire qui, très souvent, ne permet pas aux importateurs de ces marques dans leurs pays de développer 50 ou 100 magasins. Ca peut être rentable sur 2 ou 5 ou 7 magasins. Le nombre de franchises étrangères arrivées au Maroc, avec un potentiel de 3 et 10 magasins est très intéressant. Par contre, si cela dépasse les 10 magasins, c'est plus problématique puisqu'il faut être dans des zones de chalandise où il y a assez de gens capables de se payer des produits étrangers qui, en plus, ont subi des droits de douane. Cela limite les choses ; par contre, ce savoir-faire profite à l'élévation du savoir-faire dans le pays et ce sont ensuite les concepts nés à l'échelle locale qui vont se développer. Je pense que si on regarde le potentiel de la Tunisie, on va se trouver dans un schéma très classique. Il va y avoir quelques concepts étrangers avec des produits fabriqués à l'étranger qui vont prendre quelques positions sur un deux, trois 4 ou 5, 6 magasins en Tunisie. Ca peut être rentable mais il ne faut pas trop investir en développement parce qu'on ne peut pas en faire 50.
Ensuite, il y a des concepts étrangers de prestation de service qui vont apporter un service supplémentaire, et le service est nécessairement fabriqué en Tunisie avec des coûts tunisiens. Ces franchises là sont très intéressantes parce qu'on va pouvoir les développer sur un plus grand nombre d'emplacements à condition que le concept du service soit compatible avec les besoins du pays.
Le grand développement va se faire en fonction de ce que les Tunisiens vont apprendre grâce au savoir-faire des étrangers et aux franchises qu'ils vont développer eux-mêmes à partir de leurs propres besoins, de leurs propres marchés, de leurs propres concepts et de leur propre culture.
Pensez-vous que la question de la franchise peut servir de levier dans les négociations de la Tunisie avec l'Union européenne ?
Si les Tunisiens disent aux Européens, vous pouvez venir mettre des franchises mais vous ne pouvez pas récupérer les royalties, les Européens vont se dire : cela c'est du protectionnisme, ça c'est clair. Donc il est vrai que le fait d'ouvrir les frontières à la franchise européenne et de limiter les freins à l'exportation des capitaux sera bien vu de la part les franchiseurs européens. L'effet négatif sur l'économie tunisienne sera restreint puisqu'il y a quelques concepts qui vont être importés, mais de toutes les façons aujourd'hui, ces produits européens peuvent être achetés hors franchise en Tunisie ou avec des contrats déguisés et au lieu des royalties, toute l'assistance est mise dans les prix des produits.
Je dirais donc que, ouvrir les portes à la franchise pour la Tunisie, c'est sans aucun doute montrer un visage plus ouvert aux Européens vu la mentalité des Européens sans qu'il y ait conséquences négatives en termes de balance des paiements, en termes d'export/import, et en élevant rapidement le niveau des compétences des franchiseurs tunisiens leurs permettant ainsi d'exporter rapidement. Actuellement, ceux qui sont en avance en matière de savoir-faire en Afrique, à part l'Afrique du Sud, ce sont les Marocains. Au Maroc, le plan RAWAJ subventionne le recours à la publicité et au conseil pour aider les entrepreneurs à exporter.
Donc, dans un premier temps, le Maroc a ouvert ses frontières et dans un deuxième temps il subventionne les franchises marocaines pour qu'elles élèvent le niveau de leurs compétences et soient davantage capable d'exporter. La Tunisie peut faire cela et peut faire les deux en même temps..


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