L'évènement : les ministres des Affaires étrangères des pays de l'Union du Maghreb Arabe (UMA), réunis à Tripoli, ont décidé de booster la mise en place, à Tunis, de la Banque maghrébine pour l'investissement et le commerce extérieur (BMICE). Concrètement, ils ont décidé de nommer un Tunisien au poste de Directeur général de la Banque pour une période de quatre années et de charger l'Algérie de la présidence de son conseil d'administration, pendant les trois premières années de cette institution. Il faut dire que de plus en plus des voix s'élèvent pour demander aux pays membres de l'Union de hâter la mise en service de la BMICE dont l'Assemblée constitutive a été convoquée, une première fois, au mois de mars 2007, à Tunis. Déjà, en novembre 2008, M. Dominique Strauss-Kahn, directeur général du Fonds monétaire international (FMI), avait appelé à l'accélération de la mise en place, en 2009, de cette «Banque-mirage» pour faciliter la réalisation de projets fédérateurs dans la zone du Maghreb. Le DG du FMI, qui présidait, à Tripoli, «une conférence sur les progrès de l'intégration régionale et la promotion des projets communs», a recommandé aux Maghrébins de transcender les problèmes politiques qui entravent l'édification de l'UMA, de suivre l'exemple de l'Union européenne qui groupe des pays réputés pour leurs hostilités ancestrales, de «faire avancer l'intégration économique comme s'il n'y avait pas de problèmes politiques. Lors de l'Assemblée constitutive, les pays membres étaient même invités à payer leur part au capital souscrit (150 millions de dollars) de la banque. Depuis, tout a été reporté sine die, et surtout, sans aucune explication. Pour mémoire, l'accord sur la création de la BMICE a été signé, en 1991 à Tripoli. Le projet de création de cette institution financière a été ratifié et adopté par tous les pays membres de l'UMA (Libye, Tunisie, Algérie, Maroc et Mauritanie). La BMICE, qui aura pour siège Tunis, a reçu pour mission de «contribuer à la mise en place d'une économie maghrébine intégrée, de financer des projets mixtes, d'encourager la circulation des capitaux et de développer les échanges commerciaux». Le capital déclaré est fixé à 500 millions de dollars tandis que le capital devant être souscrit au moment de la création de la BMICE est fixé à 150 millions de dollars répartis à parts égales entre les cinq pays membres. Les difficultés rencontrées par le processus de création de la BMICE illustrent de manière éloquente l'incapacité des Maghrébins à édifier, depuis la création officielle de l'UMA, un certain 17 février 1989, un espace régional compétitif. Pour preuve, l'intégration économique entre les cinq pays du Maghreb demeure faible et embryonnaire (2 à 3% des échanges globaux de la zone avec l'extérieur). Pis, selon la Banque mondiale, le non Maghreb coûte un à deux points de croissance de moins pour les pays de la région et des centaines de milliers d'emplois de moins (20 mille par an pour la seule Tunisie). Conséquence, l'UMA, qui est avant tout une aspiration populaire, demeure, au plan institutionnel, «la plus grande frustration maghrébine», une zone anachronique qui ne fait pas rêver ses habitants. Le processus d'édification de ce marché de 85 millions de consommateurs (120 millions à l'horizon 2020), est plombé, depuis sa création en vertu du Traité de Marrakech, par des différends politiques, dont ceux qui opposent Marocains et Algériens par Sahraouis interposés, les deux prussiens du Maghreb. De manière plus précise, la plus importante entrave à la construction de l'UMA est de toute évidence cette condition que pose le Maroc avant toute intégration, celle qui exige le respect, voire la reconnaissance par tous les pays membres de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de chaque pays. Entendez par là : le Maroc refuse toute concession sur le Sahara Occidental.