Il porte un chapeau melon et tient un panier en osier rempli de confiseries. Pierre est Français. Il a 23 ans et participe à une fête organisée par l'Université des sciences et technologies de Hongkong. Ce soir, il ne bûche pas ses ouvrages de finances, mais offre des bonbons à ses collègues sagement alignés derrière les stands de brochettes. Ici, pas de cris, pas de vacarme, pas de grosses blagues de potache... Tout est discipline et labeur. «On ne va pas se torcher en boîte de nuit comme dans les universités françaises, ici on apprend à lever de l'argent !» explique Pierre, arrivé il y a un an sur le campus. Sa motivation ? Elle tient en trois lettres : MBA. Selon les classements internationaux, l'université de Hongkong, fondée il y a seulement dix-huit ans et qui dispense son enseignement en anglais, offre le meilleur diplôme parmi toutes ses homologues d'Asie. Une performance décrochée pour la quatrième année consécutive. Mieux, elle caracole en tête des palmarès mondiaux pour son MBA réservé aux cadres d'entreprise. «C'est le signe que la Chine affiche désormais une extraordinaire compétitivité», souligne Tony Chan, 57 ans, le président de l'établissement. «C'est logique, vous êtes ici dans la capitale du business mondial», insiste Steve Dekrey, chargé des programmes. Sur place, le message est reçu cinq sur cinq. Lee Shaukee, le roi de l'immobilier à Hongkong, 22e fortune mondiale, vient de signer un chèque de 400 millions de HK dollars (34 millions d'euros) pour la construction d'un nouveau centre de recherche. Du coup, ils viennent du monde entier. Des Etats-Unis, d'Inde, de Russie, de Norvège... Au total, 27 nationalités regroupées dans un bâtiment en escalier surplombant les eaux bleues de la Mer de Chine. Des têtes bien faites également séduites par un argument : les frais relativement modiques de la scolarité. «Je dépense 10.000 euros par an, alors qu'une formation en Amérique du Nord me coûterait deux fois plus cher», souligne Hooman, un étudiant iranien. Et le flux n'est pas près de se tarir. L'effectif devrait grossir d'un tiers au cours des trois prochaines années. Un melting-pot qui se fait au prix d'une cohabitation parfois difficile. «Le problème, ce sont les Chinois des provinces lointaines, ils ont tendance à rester entre eux», raconte David, 21 ans, un Australien de Sydney. Choc culturel garanti ! «Beaucoup n'ont jamais entendu parler des massacres de Tiananmen», ajoute Pierre. «Ils nous mettent la pression, renchérit Ibrahim, originaire de Tunisie. Après les cours, ils s'enferment dans leur chambre et travaillent toute la nuit». Il n'empêche. Ça paie. Les célébrités font désormais le détour et donnent des conférences, tels le physicien britannique Stephen Hawking ou le Prix Nobel américain de chimie Barry Sharpless. Quant au corps enseignant, les trois quarts détiennent un doctorat américain. «Dans le domaine des sciences de l'électronique et de l'ingénierie, nous recrutons proportionnellement plus d'experts que l'université Stanford dans la Silicon Valley», assure le président Tony Chan, de retour à Hongkong après une carrière de quarante ans aux Etats-Unis. Et le siphonage des cerveaux américains devrait se poursuivre : «La Californie réduit le salaire de ses professeurs de 10%, alors ils se tournent vers nous !»